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Palestinethinktank
Vivre en sursis sur une terre volée
Gilad Atzmon
3 janvier 2009
Discuter avec des Israéliens a de quoi laisser
pantois. Même en ce moment, alors que l'aviation israélienne
assassine au grand jour des centaines des civils, des personnes
âgées, des femmes et des enfants, le peuple israélien parvient à
se convaincre qu'il est la véritable victime de cette saga
violente.
Ceux qui sont intimement familiers du
peuple israélien réalisent que ce dernier n'est absolument pas
informé des racines du conflit qui domine son existence. Assez
souvent, les Israéliens en viennent à des arguments d'un genre
bizarre qui ont tout leur sens dans le discours israélien, mais
sont dénués de toute signification hors la rue juive. Un de ces
arguments est le suivant : 'ces Palestiniens, pourquoi
insistent-ils pour vivre sur notre terre (Israël), pourquoi ne
s'installent-ils pas tout simplement en Égypte, en Syrie, au
Liban ou dans n'importe quel autre pays arabe ?' Une autre perle
de sagesse hébraïque est du genre : qu'est-ce-qui ne va pas avec
les Palestiniens ? Nous leurs avons apporté l'eau,
l'électricité, l'éducation et tout ce qu'ils trouvent à faire
c'est d'essayer de nous jeter à la mer. '
De manière assez étonnante, les Israéliens même ceux de la
soi-disant 'gauche' et même ceux de la 'gauche' intellectuelle
sont incapables de comprendre qui sont les Palestiniens, d'où
ils viennent et le pourquoi de leur résistance. Ils n'arrivent
pas à comprendre qu'Israël a été créé aux dépens du peuple
palestinien, de la terre palestinienne, des villages, des
villes, des champs et des vergers palestiniens. Les Israéliens
ne réalisent pas que les Palestiniens de Gaza et des camps de
réfugiés de la région sont en réalité les populations
dépossédées de Ber Shive, Jaffa, Tel Kabir, Sheikh Munis, Lod,
Haïfa, Jérusalem et de bien d'autres villes et villages. Si vous
vous demandez comment il se fait que les Israéliens ignorent
leur histoire, la réponse est très simple, on ne la leur a
jamais racontée. Les circonstances qui ont conduit au conflit
israélo-palestinien sont bien cachées à l'intérieur de leur
culture. Dans le paysage, les traces de la civilisation
palestinienne d'avant 1948 ont été effacées. Non seulement la
Nakba, le nettoyage ethnique en 1948 des indigènes palestiniens,
ne fait pas partie des programmes scolaires israéliens, elle
n'est pas même mentionnée ni discutée par aucun forum officiel
ou
universitaire israélien.
Dans le centre de presque chaque ville israélienne on peut
trouver une statue commémorative en forme bizarre, presque
abstraite, de tuyauterie. Cette tuyauterie est appelée Davidka
et est en réalité un canon de mortier israélien de 1948. Il est
intéressant de savoir que le Davidka était une arme
particulièrement inefficace. Ses obus n'avaient pas une portée
supérieure à 300 mètres et causaient peu de dégâts. Mais si le
Davidka causait un minimum de dommages, il était par contre très
bruyant. Selon l'histoire israélienne officielle, les Arabes,
c.à.d. les Palestiniens, s'enfuyaient tout simplement pour
sauver leurs vies dès qu'ils entendaient le Davidka au loin.
Selon le discours israélien, les Juifs, c.à.d. les Israéliens
'récents ' faisaient quelques feux d'artifices et les 'Arabes
poltrons' couraient tout simplement comme des idiots. Dans la
version israélienne officielle, on ne trouve aucune mention des
nombreux
massacres planifiés et perpétrés par la jeune armée
israélienne et les unités paramilitaires qui l'ont précédée. Il
n'y a aucune mention non plus des lois racistes qui interdisent
aux Palestiniens de revenir sur leurs terres et dans leurs
maisons.
La signification de ce qui précède est assez
simple. Les Israéliens ne sont absolument pas familiers avec la
cause palestinienne. Dès lors, ils ne peuvent interpréter la
lutte palestinienne que comme une lubie meurtrière
irrationnelle. A l'intérieur de l'univers israélien avec son
caractère judéo-centré et de seule réalité existante,
l'israélien est une innocente victime et le Palestinien rien
moins qu'un meurtrier barbare.
Cette grave situation qui laisse l'Israélien
dans l'ignorance totale de son passé mine toute possibilité de
réconciliation future. Dès lors que l'Israélien n'a pas un
minimum de compréhension du conflit, il est incapable
d'envisager la possibilité d'une solution qui ne serait pas
l'extermination ou le nettoyage de 'l'ennemi.' Tout ce que
l'israélien a la possibilité de savoir sont des variations du
récit de la souffrance juive. La souffrance des Palestiniens lui
est complètement étrangère. 'Le droit au retour des
Palestiniens' lui semble une idée farfelue. Même les 'humanistes
israéliens' les plus en pointe ne sont pas prêts à partager le
territoire avec ses habitants indigènes. Ce qui ne laisse guère
d'autre possibilité aux Palestiniens que de se libérer
eux-mêmes. A l'évidence, il n'y a pas de partenaire pour la paix
du côté israélien.
Cette semaine, nous en avons appris un peu
plus sur l'arsenal balistique du Hamas. Il est évident que le
Hamas a fait preuve d'une certaine retenue avec Israël depuis
trop longtemps. Le Hamas s'est retenu d'étendre le conflit à
l'ensemble du sud d'Israël. Il m'est venu à l'esprit que les
volées de roquettes qui se sont abattues sporadiquement sur
Sderot et Ashkelon n'étaient en réalité rien d'autre qu'un
message des Palestiniens emprisonnés. C'était d'abord un message
à la terre, aux champs et aux vergers volés : 'Notre terre
adorée, nous ne t'avons pas oubliée, nous combattons encore pour
toi, au plus vite nous reviendrons, nous reprendrons là où nous
avons été arrêtés'. Mais c'était aussi un message clair aux
Israéliens. 'Vous là-bas, à Sderot, à Beer Sheva, Ashkelon, Tel
Aviv et Haïfa, que vous le sachiez ou pas, vous vivez en réalité
sur la terre qui nous a été volée.’
Voyons les choses en face, en réalité la
situation en Israël est assez grave. Il y a deux ans, c'était le
Hezbollah qui bombardait à la roquette le nord d'Israël. Cette
semaine, le Hamas a prouvé sans doute possible sa capacité à
distribuer au sud d'Israël quelques cocktails de missiles
vengeurs. Dans le cas du Hezbollah comme dans celui du Hamas,
Israël n'a pas trouvé de réponse militaire. Il peut certes tuer
des civils mais ne parvient pas à enrayer les tirs de roquettes.
L'armée israélienne n'a pas les moyens de protéger Israël sauf
si
recouvrir Israël d'une toiture en béton peut être vu comme
une solution viable. Au bout du compte, c'est peut-être ce que
les responsables israéliens essaieront de faire.
Mais nous ne sommes pas à la fin de
l'histoire. En fait ce n'est que le début. Tous les experts du
Moyen-Orient savent que le Hamas peut prendre le contrôle de la
Cisjordanie en quelques heures. En fait, le contrôle de
l'Autorité Palestinienne et du Fatah sur la Cisjordanie est
maintenu par l'armée israélienne. Dès que le Hamas se sera
emparé de la Cisjordanie, les plus grands centres urbains
israéliens seront à sa merci. Pour ceux qui ne parviennent pas à
le voir, ce serait la fin de l'Israël juif. ça peut arriver dès
ce soir, dans trois mois ou dans cinq ans, la question n'est pas
de savoir 'si ça se produira', mais 'quand.' A ce moment là,
l'ensemble d'Israël sera à portée de tir du Hamas et du
Hezbollah et la société israélienne s'effondrera, son économie
sera ruinée. Le prix d'une maison individuelle de Tel Aviv nord
équivaudra à celui d'un cabanon à Kiryat Shmone ou à Sderot. Au
moment où une seule roquette touchera Tel Aviv, c'en sera
terminé du rêve sioniste.
Les généraux israéliens le savent, les
dirigeants Israéliens le savent. C'est pourquoi ils intensifient
la guerre d'extermination contre les Palestiniens. Les
Israéliens n'envisagent pas d'occuper Gaza. Ils n'ont rien perdu
là-bas. Tout ce qu'ils veulent c'est terminer la Nakba. Ils
larguent des bombes sur les Palestiniens dans le but de les
anéantir. Ils veulent les Palestiniens hors de la région. Il est
évident que ça ne marchera pas et que les Palestiniens
resteront. Non seulement ils resteront, mais le jour de leur
retour chez eux ne fait que se rapprocher vu qu'Israël a épuisé
ses tactiques les plus meurtrières.
C'est précisément à ce moment que le déni
israélien de la réalité entre en jeu. Israël a dépassé le 'point
de non retour'. Son destin funeste est gravé au creux de chaque
bombe qu'il largue sur les civils Palestiniens. Il n'y a rien
qu'Israël puisse faire pour se sauver lui-même. Il n'y a pas de
stratégie de sortie. Il ne peut pas négocier une issue à ce
conflit car ni les Israéliens ni leurs dirigeants n'en
comprennent les paramètres fondamentaux. Israël n'a pas les
moyens militaires d'achever cette bataille. Il peut réussir à
tuer les leaders de la base palestinienne comme il le fait
depuis des années, pourtant la résistance et l'opiniâtreté des
Palestiniens ne font que se renforcer au lieu de faiblir. Ainsi
que l'avait prédit un général des services de renseignements
israéliens pendant la première Intifada, 'pour vaincre, tout ce
que les Palestiniens ont à faire est de survivre. » Ils
survivent et ils sont en fait en train de vaincre.
Les dirigeants Israéliens comprennent tout
ça. Israël a déjà tout essayé, retrait unilatéral, famine et
maintenant extermination. Ils ont cru se débarrasser du problème
démographique en se recroquevillant dans un ghetto juif intime
et douillet. Rien n'a marché. C'est la ténacité palestinienne
incarnée par la politique du Hamas qui définit l'avenir de la
région.
Tout ce qui reste aux Israéliens c'est de
s'accrocher à leurs oeillères et à leur déni de la réalité pour
fuir leur le triste destin qui leur est déjà fixé. Tout au long
de leur déchéance, les Israéliens entonneront les divers chants
de victimisation dont ils sont coutumiers. Imprégnés d'une
réalité faite de suprématie égocentrée, ils seront
hypersensibles à leurs propres souffrances tout en restant
aveugles à celles qu'ils infligent aux autres. De façon assez
singulière, les Israéliens se comportent comme un collectif uni
quand ils bombardent les autres mais, s'ils sont légèrement
blessés, ils deviennent des monades de vulnérabilité innocente.
C'est cet écart entre la façon dont les Israéliens se voient et
celle dont les autres les voient qui transforme les Israéliens
en monstrueux exterminateurs. C'est cet écart qui les empêche de
comprendre les tentatives nombreuses et répétées de détruire
leur État. C'est cet écart qui empêche les Israéliens de
comprendre la signification de la Shoah et d'être capable
d'éviter la prochaine. C'est cet écart qui empêche les
Israéliens de faire partie de l'humanité.
Une fois encore, les Juifs devront errer vers
une destinée inconnue. D'une certaine manière, j'ai
personnellement commencé mon voyage depuis un moment.
Traduit par Djazaïri,
révisé par Fausto Giudice
Article
original publié le 3/1/2009
Source :
Living on Borrowed Time in a
Stolen Land
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