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Israel Policy Forum
Ils
sont prêts pour la paix Que faire?
Gershon Baskin*
[il y a, du côté arabe, une véritable
volonté de parvenir à la paix avec Israël, en particulier
depuis l'initiative de la Ligue arabe. Que faire? Convaincre la
communauté internationale (hors les Etats-Unis) de s'en mêler,
et les Israéliens d'accepter de rentrer dans le jeu de la négociation.
Les bases sont là]
http://www.ipforum.org/
Israel Policy Forum, 16 janvier 2007
L'information publiée ce matin par Ha'aretz concernant un canal
secret de pourparlers officieux qui ont débouché sur un
"non-document" d'accord pour une paix pleine et entière
entre Israël et la Syrie, en pleine connaissance de cause des
deux gouvernements, s'ajoute à aux déclarations officielles
faites par le conseiller juridique du président syrien, la
semaine dernière, à la conférence de "Madrid + 15".
La Syrie est prête pour une véritable paix avec Israël. Les
officiers du renseignement israélien le disent depuis des
semaines, même s'ils ont compris un peu tard, les ouvertures de
paix syriennes arrivent de Damas depuis au moins un an (certains
parlent même de deux ans, autant pour les services de
renseignement).
Le même Ha'aretz avait publié il y a plusieurs mois une
information après le dernier sommet de la Ligue arabe à Khartoum
en mars 2006, selon laquelle les Etats arabes préparaient une
"offensive de paix". L'info était publiée en bas de
page d'une page intérieure. Quand j'ai vu le titre
("offensive de paix arabe"), j'ai dû, en tant qu'Israélien,
me frotter les yeux pour savoir si j'avais bien lu. Mais j'avais
bien lu, et je n'ai pas compris pourquoi cette info ne figurait
pas à la une du journal. En 1967, la même Ligue arabe, dans la même
capitale du Soudan, avait déclaré ses célèbres "trois
non" : non à la reconnaissance (d'Israël), non aux négociations,
non à la paix. En 2006, la Ligue arabe ratifiait à l'unanimité
l'initiative de paix déjà adopté à l'unanimité en mars 2002,
au plus haut de l'Intifada. Si les Etats arabes avaient publié le
même appel à la paix en 1948, les Israéliens auraient dansé
dans les rues. La Ligue arabe ne l'a pas fait alors, mais elle le
fait maintenant.
A la conférence "Madrid + 15", qui marquait les 15 ans
depuis le début du processus de paix, l'un après l'autre, les
représentants arabes ont appelé Israël, les Etats-Unis et le
reste du monde à soutenir l'initiative de paix de la Ligue arabe.
Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, a dit :
"la Ligue arabe, lors de son sommet à Beyrouth [en 2002] a
tendu la main de la paix à Israël, sur la base d'une
reconnaissance pleine et entière et d'une normalisation des
relations fondée sur une application mutuelle et en parallèle
des obligations qui leur ont été données par la communauté
internationale à travers les résolutions du Conseil de sécurité
et les principes de Madrid : la terre en échange de la paix.
Nous, du côté arabe, n'avons pas vu d'initiative de paix de
l'autre côté. Je saisis l'occasion de cette rencontre pour
inviter Israël à ne pas avoir peur de la paix et de tendre la
main, comme nous l'avons fait." Tout à fait remarquable!
Alors que le "non-document" israélo-syrien peut
toujours être démenti, l'initiative de paix de la Ligue arabe ne
peut pas l'être. Les Etats arabes et la direction palestinienne
sous la présidence de Mahmoud Abbas continuent de déclarer qu'il
n'existe pas de meilleur voie pour faire avancer la paix en ce
moment. Le 15ème anniversaire de la conférence de Madrid nous
offre l'occasion de porter un regard en arrière et de retenir les
leçons des échecs passés. L'une de ces leçons est claire : il
n'y a plus de place pour des mesures partielles, pour des accords
provisoires ou pour des Feuilles de route qui ne mènent nulle
part. La majorité des Israéliens et desPalestiniens préfèrent
un processus négocié qui débouche sur un accord définitif. Les
deux peuples, et leurs dirigeants, savent que la formule d'une
paix israélo-palestinienne est la solution de deux Etats pour
deux peuples, fondée sur les paramètres de Clinton. Le
"non-document" israélo-syrien prouve que la formule
pour parvenir à la paix au Nord est claire et mutuellement acceptée,
et que tout ce qui reste à faire pour Israël est de remettre les
Fermes de Sheba'a aux Nations unies qui devront déterminer à qui
elles appartiennent. Ces trois mesures remplissent les conditions
de l'initiative de paix de la Ligue arabe, et garantiraient à
Israël la paix et la normalisation avec les 22 Etats arabes.
Ce qui fait obstacle sur le chemin d'un nouveau et véritable
processus de paix, ce sont deux gouvernements qui fonctionnent
mal, l'un à Ramallah-Gaza et l'autre à Jérusalem, et les
obstacles placés sur ce chemin par
l'administration Bush. Pour convaincre et mobiliser le
gouvernement israélien, il faut que soit entreprise une offensive
sur trois fronts :
1) par la Ligue arabe et les Etats arabes qui ont un traité de
paix avec Israël (Egypte et Jordanie),
2) par la société civile israélienne, ses mouvements pour la
paix et ses leaders d'opinion, et
3) par l'Union européenne ou des Etats membres de l'Union (comme
l'Espagne, l'Italie, la France, la Suède et d'autres) qui ont un
rôle essentiel à jouer auprès du président Mahmoud Abbas en
donnant l'assurance qu'une pareille offensive de paix conduirait
à des négociations israélo-palestiniennes sur un statut définitif
et non à des accords intérimaires et autres Feuilles de route.
L'Union européenne doit également indique son engagement à
impulser un réel processus de paix en fournissant sur le terrain
des observateurs et des troupes garantes de la paix dans les
territoires occupés, à la fois pendant les négociations et une
fois que les accords auront été conclus et qu'Israël aura
commencé à se retirer des territoires. De son côté, Israël
doit accepter d'étendre le cessez-le-feu conclu à Gaza à la
Cisjordanie, pour créer une atmosphère positive pour les négociations.
Ce qu'il est demandé au gouvernement américain, c'est de se
tenir à l'écart et de permettre qu'un vrai processus de paix se
déroule. Ils pourront participer une fois que des accords auront
été conclus.
Dans le même temps, le président Abbas doit avancer dans les négociations
sur le plan intérieur avec le Hamas sur la formation d'un
gouvernement d'union nationale, et même s'il échoue, il a la légitimité
de négocier. Si un accord israélo-palestinien est soumis au vote
du peuple palestinien, il ne fait pas de doute qu'un accord qui répondrait
à la plupart de ses aspirations (liberté, Etat) jouirait de son
soutien. L'obstacle principal dans les négociations du côté
palestinien sera la question des réfugiés. Si un véritable
processus est entamé, les dirigeants palestiniens devront finir
par déclarer publiquement ce que la plupart d'entre eux disent en
privé : le droit au retour des réfugiés s'exercera dans l'Etat
palestinien et non en Israël. Plus tôt les dirigeants
palestiniens feront cette déclaration publique, et plus facile il
sera de résoudre les autres grandes questions : frontières, Jérusalem,
sécurité.
Il y a un grand sentiment d'urgence à faire avancer le processus
dès aujourd'hui. On a le sentiment que le temps est compté pour
la solution à deux Etats. Il y a en même temps le sentiment de
plus en plus fort qu'il
existe de nouvelles chances d'avancer. Il n'est donc plus temps,
ni de trembler, ni de poser des réserves. C'est maintenant le
moment pour la Ligue arabe, pour l'Egypte, la Jordanie, l'Union
européenne de prendre
l'initiative de réunir les parties autour d'une table. Israël
craint une conférence internationale de type Madrid, en
particulier sans l'engagement direct et le contrôle des
Etats-Unis. Mais nous ne pouvons pas compter sur
l'administration Bush pour soutenir ce processus, ce qui est bien
dommage. Il est peu probable que les Etats-Unis soient dans une
position qui leur permette d'offrir de "bons offices"
constructifs pendant au moins deux ans, et nous ne pouvons pas
nous permettre d'attendre deux ans, avec les seules "visites
de maintenance" de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice. Il
ne reste presque plus rien à maintenir, après avoir tant traîné
les pieds depuis six ans.
On sait bien qu'au Moyen-Orient, quand on n'avance pas, on recule.
On ne peut pas envisager de rester immobile, et trop de choses
sont en jeu pour se permettre d'attendre l'arrivée d'une nouvelle
administration américaine. Israël et les Arabes ne peuvent pas
le faire tout seuls. Il doit y avoir un soutien et un engament
internationaux pour assurer que le processus avance. Dans l'intérêt
de la sécurité à long terme d'Israël, il serait sage de la
part de tous ceux qui sont sincèrement concernés par l'avenir
d'Israël d'encourager et de soutenir la communauté
internationale en soutenant pleinement l'initiative de paix de la
Ligue arabe.
Trad. : Gérard pour La Paix
Maintenant
(1) Gershon Baskin est le co-directeur israélien du Israel/Palestine
Center for Research and Information. www.ipcri.org
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