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Gulf News

La guerre non déclarée à la cuisine arabe
George S. Hishmeh


[Le cuistot israélien tenant des spécialités culinaires arabes : « C'est 'de chez nous' ... »]

in Gulf News, 30 août 2007
http://archive.gulfnews.com/articles/07/08/30/10150036.html

Irène, ma nièce, m’a téléphoné, voici quelques jours de cela, furieuse que certains de ses amis américains, dont des juifs, persistent à qualifier d’ « israéliens » des plats arabes typiques comme les falafel, le hummus et le shawarma, notamment.

Elle voulait me demander comment elle pourrait bien les convaincre que ce n’est absolument pas le cas.

Je connais particulièrement bien ce problème, beaucoup d’Américains ayant pris conscience de cette guerre non déclarée qui fait rage dans beaucoup de restaurants spécialisés dans la cuisine méditerranéenne qui ne se doutent de rien, ou dans les médias.

J’ai été confronté pour la première fois à ce problème en 1969, quand feue Leah Rabin, épouse de feu le Premier ministre israélien assassiné Yitzhak Rabin, qui était alors ambassadeur de son pays à Washington, évoqua, dans une interview publiée dans le quotidien New York Times, la cuisine israélienne, vantant les qualités diététiques de la labnéh (le yoghourt filtré).

Mon premier mouvement fut de dire à ma nièce qu’Israël avait tout juste soixante ans d’existence, et que ces spécialités culinaires existaient, de toute évidence, depuis bien plus longtemps. Ma curiosité m’amena à faire une recherche sur Google à propos des plats israéliens. Internet m’a proposé des centaines de références, dont le site ouèbe du ministère israélien des Affaires étrangères, qui comporte une page consacrée à la cuisine israélienne.

Je n’en croyais pas mes yeux. J’aurais tellement voulu que les gouvernements arabes fassent la même chose. Mais connaissant leur incapacité d’expliciter des questions de vie-et-de-mort, je doutai qu’ils taclassent un jour cette paisible tentative israélienne d’usurper la cuisine arabe.

Aussi, je ne me suis même pas donné la peine de vérifier (s’ils le faisaient), mais j’aimerais être démenti…

A ce propos, les Américains d’origine arabe ont l’habitude de lire, de temps à autre, les pires allégations contre les Arabes ou les musulmans. Deux de ces ragots ont été publiés par la presse américaine, cette semaine.

Dans une tribune publiée par le Washington Post, Nina Shea dénonce une soi-disant « campagne d’épuration ethnique », qui serait aujourd’hui en cours contre les minorités non-musulmanes d’Irak. Cette Shea, directrice du Centre (de l’Institut Hudson) pour la Liberté Religieuse, et membre du Comité des Etats-Unis pour l’étude de la liberté religieuse dans le monde, a vu, dans ces agissements, une similitude avec ce qu’a « subi, voici soixante années de cela, la population juive florissante d’Irak – un tiers des habitants de Bagdad, qui ont fui au lendemain d’une campagne d’attentats à la bombe et de violence orchestrée contre eux. » Sur 125 000 juifs irakiens, seuls 6 000 sont restés en Irak, les autres ayant émigré en Israël.

On aurait pu penser que Shea aurait cherché à vérifier les faits avant de proférer ces allégations outrageantes et controversées.

Naïm Giladi, un juif irakien ayant fui vers Israël et s’étant installé par la suite aux Etats-Unis, affirme, dans un article, publié dans The Link (avril-mai 1998), ainsi que dans son ouvrage Ben Gourion Scandals : How the Haganah & the Mossad Eliminated Jews [Les scandales de Ben Gourion : Comment la Haganah et le Mossad ont éliminé des juifs] que « la vérité – elle est terrible –, c’est que les grenades qui ont tué et mutilé des juifs irakiens et ont endommagé leurs maisons, avaient été balancées par des juifs sionistes. » Il a fait également remarquer que Wilbur Crane Eveland, ancien officier supérieur de la CIA a écrit, dans son ouvrage Ropes of Sand [Cordes de sable], publié en 1980, que, « dans leurs tentatives de présenter les Irakiens comme anti-américains et terroriseurs de juifs, les sionistes ont placé des bombes dans la bibliothèque du Service d’Information des Etats-Unis [à Bagdad], ainsi que dans des synagogues. Après quoi, très rapidement, des tracts [y] ont fait leur apparition, exhortant les juifs à partir se réfugier en Israël. »

Quant au deuxième incident de cette semaine, il impliquait le baptême d’un lycée dernièrement inauguré à New York du nom d’un philosophe et poète libano-américain célèbre dans le monde entier, Gibran Khalil Gibran, un chrétien (ce lycée devant être le premier à proposer des cours d’arabe et sur la culture arabe, à New York). Immédiatement, il a été pris pour cible par des détracteurs, qui ont allégué que ce lycée allait immanquablement devenir un « terrain d’entraînement en puissance pour des mouvements islamistes radicaux. »

La proviseure de ce lycée, Debbie Al-Montaser, une arabo-américaine, a dû démissionner pour avoir refusé de condamner l’utilisation du mot « intifada », un mot utilisé par les Arabes palestiniens pour désigner leur insurrection contre l’occupation israélienne.

Danielle Salzberg, une juive qui ne parle pas un mot d’arabe, a été nommée proviseure par intérim.

Pour ne citer que quelques-unes des distorsions et des allégations au sujet de l’authenticité de la cuisine israélienne, Joan Nathan, auteure du livre The Foods of Israel [Les Nourritures d’Israël], et dont les articles et les recettes sont publiées sur le site ouèbe MyJewishLearning.com, affirme que les falafel sont « le fin du fin de la cuisine israélienne. »

En revanche, Daniel Rogov, critique gastronomique et œnologue du principal quotidien israélien, Haaretz, reconnaît qu’ « en dépit de ces mythes de longue date, les falafel, shawarma, borekas et autre hummus n’ont strictement rien d’israélien… Ces plats sont antérieurs à la création d’Israël de plusieurs millénaires, les archéologues ayant découvert des restes de pois chiches moulus dans les tombes de plusieurs Pharaons. Le shawarma est d’origine turque, de même que les borekas [börek, ndt]… Quant au hummus, la plupart des historiens spécialistes de l’alimentation pensent que ce plat remonte à quatre millénaires environ, et qu’il a probablement vu le jour en Afrique du Nord. »
Il n’est pas indifférent de signaler que son étude très fouillée, intitulée The International Israeli Table [La table israélienne – une table internationale], consultable sur le site ouèbe du ministère israélien des Affaires étrangères, a été écrite voici trois ans de cela.

Maintenant que les choses – du moins, c’est ce que j’espère – ont été rétablies, je sors me payer un sandwich de falafel à la meilleure gargote à sandwiches de falafel et de shawarma de tout Washington, District of Columbia – un sandwich préparé, naturellement et amoureusement, par deux cuisiniers Arabes Palestiniens, venus d’Israël, et travaillant dans un restaurant juif (et cachère) de mon quartier !

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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