Opinion
La danse macabre du
cynisme
Fidel Castro Ruz
Fidel Castro - Photo:
RIA Novosti
Vendredi 25 février 2011
La politique de pillage imposée par les États-Unis et leurs
alliés de l’OTAN au Moyen-Orient est entrée en crise. Et cette
crise est due, forcément, à la hausse des cours des
céréales dont les retombées ont été plus fortes dans les pays
arabes où la rareté de l’eau, les zones désertiques et la
pauvreté du peuple généralisée contrastent avec les revenus très
élevés des secteurs privilégiés liés aux énormes ressources
pétrolières.
Alors que les prix des aliments ont triplé, les fortunes
immobilières et les trésors de la minorité aristocratique se
chiffrent à des billions de dollars.
Le monde arabe, de culture et de religion
majoritairement musulmane, s’est en plus senti humilié par
la mise en place, à feu et à sang, d’un État qui n’a respecté
aucune des obligations élémentaires ayant présidé à sa création
dans le cadre de l’ordre colonial qui existait à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et
qui permit aux puissances victorieuses de fonder l’ONU et
d’imposer les règles du jeu régissant le commerce et l’économie
mondiaux.
La trahison de
Anwar
El-Sadat
à Camp David a empêché l’existence de l’État arabe palestinien
visé dans les accords de l’ONU de novembre 1947, si bien
qu’Israël est devenu une forte puissance nucléaire alliée des
États-Unis et de l’OTAN.
Le complexe militaro-industriel étasunien a livré des dizaines
de milliards de dollars tous les ans à Israël et même aux États
arabes que celui-ci soumettait et humiliait.
Le génie s’est échappé de la bouteille, et l’OTAN ne sait pas
comment le contrôler.
Il va s’efforcer de tirer le plus gros profit des regrettables
événements libyens. Nul n’est capable de savoir actuellement ce
qu’il se passe dans ce pays. L’Empire a fait publier par ses
médias toutes sortes de chiffres et de versions, jusqu’aux plus
saugrenus, afin de semer le chaos et la désinformation.
De toute évidence, une guerre civile se déroule en Libye.
Pourquoi et comment a-t-elle éclaté ? Qui en paiera les
conséquences ? L’agence Reuters, se faisant l’écho d’une banque
japonaise bien connue, la Nomura, a signalé que les cours du
pétrole pourraient battre tous les records :
« "Si
la Libye
et l’Algérie arrêtaient leur production pétrolière, les cours
pourraient dépasser 220 dollars le baril, et l’OPEP verrait
réduite sa capacité inutilisée à 2,1 millions de barils par
jour, similaire aux niveaux de la guerre
du Golfe, et au record de 147 dollars le baril établi en
2008", a affirmé la banque dans une note. »
Qui pourrait payer des prix pareils? Quelles en seraient les
conséquences en pleine crise alimentaire ?
Les principaux leaders de l’OTAN jubilent. Le Premier ministre
britannique, David Cameron – selon ANSA – « …a admis dans un
discours au Koweït que les pays occidentaux avaient fait erreur
d’avoir soutenu des gouvernements non démocratiques dans le
monde arabe. » Félicitons-le du moins pour sa franchise.
Son collègue français Nicolas Sarkozy a déclaré : « La poursuite
de la répression brutale et sanglante contre la population
civile libyenne est répugnante. »
Le ministre italien des affaires étrangères, Franco Frattini, a
jugé « crédible » la quantité de mille morts à Tripoli, et a
parlé de "chiffres tragiques" et de "bain de sang".
Selon Hillary Clinton, le « bain de sang » est « absolument
inacceptable » et « doit cesser ».
Pour Ban Ki-moon, « le recours à la violence dans ce pays est
absolument inacceptable… le Conseil de sécurité agira en accord
avec les décisions de la communauté internationale… nous
envisageons une série de variantes. »
En fait, ce qu’attend Ban Ki-moon, c’est qu’Obama dise le
dernier mot.
Le président étasunien a parlé ce mercredi après-midi. Il a fait
savoir que sa secrétaire d’Etat partirait en Europe afin de
décider avec les alliés de l’OTAN des mesures à prendre. À le
voir, on constatait qu’il ne voulait pas laisser filer
l’occasion de se colleter avec le sénateur républicain d’extrême
droite, John McCain, avec le sénateur pro-israélien du
Connecticut, Joseph Lieberman, et avec les dirigeants du
Tea Party, et de
garantir son investiture par le Parti démocrate.
Les médias de l’Empire ont préparé le terrain en vue d’une
action. Une intervention militaire en Libye n’aurait rien de
surprenant, ce qui garantirait par ailleurs à l’Europe les
presque deux millions de barils par jour de pétrole léger
qu’elle importe, si des événements qui mettraient fin au
leadership ou à la vie de Kadhafi n’intervenaient pas avant.
De toute façon, le rôle d’Obama est plutôt compliqué. Comment
réagira le monde arabe et musulman si une telle équipée faisait
couler à flot le sang libyen ? La vague révolutionnaire
déclenchée en Égypte freinera-t-elle une intervention de l’OTAN
en Libye ?
L’invasion de l’Iraq déclenchée par Bush sous de faux prétexte –
mission remplie !
s’était-il exclamé – a coûté la vie à
plus d’un million d’Arabes innocents.
Nul dans le monde n’acceptera jamais la mort de civils
innocents, en Libye ou ailleurs. Je me demande : les États-Unis
et l’OTAN appliqueront-ils un jour ce même principe aux civils
désarmés que leurs drones et leurs soldats tuent tous les jours
en Afghanistan et au Pakistan ?
C’est vraiment la danse macabre du cynisme !
Fidel Castro Ruz
Le 23 février 2011
Le dossier Libye
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