Opinion
L'assassinat
d'Oussama Ben Laden
Fidel Castro Ruz
Fidel Castro - Photo:
RIA Novosti
Mercredi 4 mai 2011
Ceux qui s’occupent de ces thèmes savent que notre peuple s’est
solidarisé, dès le 11 septembre 2001, avec celui des États-Unis
et qu’il a offert sa modeste coopération médicale aux victimes
du brutal attentat commis contre les Tours jumelles de New York.
Nous avons offert aussitôt les pistes aériennes de notre pays
aux avions étasuniens qui n’auraient pas su où atterrir par
suite du chaos régnant dans les premières heures de l’attentat.
Nul n’ignore la position historique de la Révolution cubaine, toujours
contraire aux actions qui mettent la vie des civils en danger.
Partisans décidés de la lutte armée contre la tyrannie de
Batista, nous étions en revanche opposés par principe à tout
acte terroriste qui aurait provoqué la mort d’innocents. Cette
conduite, que nous avons suivie pendant plus d’un demi-siècle,
nous donne le droit d’exprimer nos vues sur ce thème épineux.
Lors d’un meeting de masse à la Cité des sports, j’avais affirmé ce
jour-là ma conviction que jamais la guerre ni la violence ne
réglerait la question du terrorisme international.
Ben Laden a été d’ailleurs, et pendant de longues années, un ami
des États-Unis qui l’a formé militairement parlant, et un ennemi
de l’URSS et du socialisme. Mais, quels qu’aient été les actes
qu’on lui a attribués, l’assassinat d’un homme désarmé et
entouré de sa famille constitue un acte abominable. Or, c’est
apparemment ce qu’a fait le gouvernement de la nation la plus
puissante qui ait jamais existé.
Obama affirme dans le discours préparé avec soin pour annoncer
la mort de Ben Laden : « Et nous savons que les pires images
sont celles qui sont invisibles aux yeux du monde. La chaise
vide à table. Les enfants contraints de grandir sans mère ou
sans père. Les parents qui ne sentiront plus jamais l’étreinte
de leurs enfants. Près de trois mille citoyens nous ont été
arrachés, laissant un trou béant en nos cœurs. »
Ce paragraphe contient une vérité dramatique. Mais il ne saurait
faire oublier aux gens honnêtes les guerres injustes que les
États-Unis ont déclenchées en Iraq et en Afghanistan, les
centaines de milliers d’enfants qui ont été contraints de
grandir sans mère ou sans père, et les parents qui ne sentiront
plus jamais l’étreinte d’un enfant.
Des millions de citoyens ont été arrachés aux peuples d’Iraq,
d’Afghanistan, du Vietnam, du Laos, de Cambodge, de Cuba et de
bien d’autres pays du monde.
Des centaines de millions de personnes n’ont pas oublié non plus
les images horrifiantes des êtres humains qui, à Guantánamo,
territoire occupé de Cuba, défilent en silence, soumis durant
des mois, voire des années, à des souffrances insupportables
capables de rendre fou, après avoir été séquestrés et
transportés dans des prisons secrètes avec la complicité
hypocrite de sociétés censément civilisées.
Obama ne peut cacher qu’Oussama Ben Laden a été exécuté devant
ses enfants et ses femmes, maintenant aux mains des autorités du
Pakistan, un pays musulman de presque deux cent millions
d’habitants dont les lois ont été violées, la dignité nationale
bafouée et les traditions religieuses outragées.
Comment empêchera-t-il maintenant les femmes et les enfants de
la personne exécutée sans loi ni procès d’expliquer ce qu’il
s’est passé, et les images d’être transmises dans le monde ?
Le 28 janvier 2002, Dan Rather, journaliste de la CBS, avait fait savoir qu’Oussama Ben
Laden avait été, le 10 septembre 2001, la vieille donc des
attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, soumis à
une dialyse du rein dans un hôpital militaire du Pakistan. Il
n’était pas en condition de se cacher et de se réfugier au fond
d’une grotte.
L’assassiner et lancer son corps dans les profondeurs de la mer
sont une preuve de crainte et d’insécurité, et le convertissent
en un personnage encore plus dangereux.
L’opinion publique étasunienne, une fois passée l’euphorie
initiale, en arrivera à critiquer des méthodes qui, loin de
protéger les citoyens, finissent par multiplier les sentiments
de haine et de vengeance contre eux.
Fidel Castro Ruz
Le 4 mai 2011
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