Opinion
Au seuil de la
catastrophe : les rois d'Israël
chevauchent en guerre contre la Syrie
Fida
Dakroub
Samedi 1er juin
2013
Généralités
Ainsi que nous l’eûmes annoncé
auparavant et qu’il fut confirmé la
veille et que nous en recevrons la
nouvelle peut-être dans les jours à
venir, Israël s’engagea directement dans
la guerre impérialiste contre la Syrie,
et ses forces aériennes frappèrent des
positions militaires de l’armée syrienne
dans les environs de Damas, démasquant
par conséquent l’impérialisme
occidental, le sionisme mondial, le
despotisme arabique et l’obscurantisme
takfiri, qui se rassemblèrent dans une
Sainte-Alliance, face à ce que l’on
appelle « l’axe de la résistance », soit
l’Iran, la Syrie, l’Irak, le Liban, et
derrière eux la Russie et la Chine ;
pendant ce temps, et sur le territoire
syrien, l’armée arabe syrienne
s’avançait à plusieurs fronts, au rif de
Damas, au rif de Homs et à Alep, et la
crise syrienne entra dans un cul-de-sac
; il n’y a que deux voies pour la
résoudre :
ou la Sainte-Alliance abandonne
l’option militaire et cesse d’entraîner,
d’armer et d’infiltrer les groupes
takfiris dans le territoire syrien, pour
que le dialogue s’établisse entre la
prétendue « opposition » et le
gouvernement syrien ;
ou une guerre régionale se
déclenche, dont le feu brûlerait non
seulement les pays impliqués, mais bien
plutôt tout le Moyen-Orient.
Nous ne le dissimulons pas : le
conflit qui a surgi en Syrie n’est pas
un conflit entre un régime despotique et
une foule de moines méditant, tel que le
présentent les médias monopoles, mais un
conflit entre l’impérialisme occidental,
le sionisme mondial, le despotisme
arabique et l’obscurantisme takfiri d’un
côté, qui, pour la première fois, se
posent en une Sainte-Alliance, et
l’Iran, la Syrie, l’Irak, le Liban,
voire le soi disant « l’axe de la
résistance », appuyés par la Russie et
la Chine, de l’autre côté.
Tout tourne autour de cette
démarcation ; et tout autre discours,
qui pourrait voir dans la crise syrienne
une bataille contre un régime despote,
est en effet qu’un discours de misère ou
une misère de discours.
Kerry à Moscou
Or, les longs pourparlers avec
les responsables russes, d’abord au
Kremlin ensuite au ministère des
Affaires étrangères, lors de la visite
du secrétaire d’État des États-Unis,
John Kerry, à Moscou, ont permis
d’aboutir à la déclaration suivante :
les approches de la Russie et des
États-Unis dans la question syrienne «
n’on jamais été vraiment différentes.
C’est sur le règlement en Syrie que les
parties ont « réellement convenu de
coopérer (…) Moscou et Washington
œuvreront en commun au respect intégral
du Communiqué de Genève », a notamment
déclaré le ministre des Affaires
étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov
[1]». Kerry, qui avait atterri à
l’aéroport de Moscou-Vnoukovo, a
effectué sa première visite en Russie en
tant que chef de la diplomatie
américaine, un de ses déplacements les
plus délicats après la forte dégradation
des liens bilatéraux l’an passé [2].
Selon lui, les parties ont réellement pu
« sortir de l’impasse ».
« Les États-Unis pensent que
nous partageons des intérêts très
importants sur la Syrie, notamment la
stabilité dans la région et le fait de
ne pas avoir d’extrémistes qui créent
des problèmes dans la région et ailleurs
», a déclaré M. Kerry.
« Nous nous sommes mis
d’accord pour que la Russie et les
États-Unis encouragent le gouvernement
syrien et les groupes d’opposition à
trouver une solution politique », a
déclaré Sergueï Lavrov, à l’issue
d’entretiens à Moscou avec son homologue
américain, John Kerry.
La Syrie est l’une des pommes
de discorde entre les deux pays, la
Russie étant le principal défendeur de
la Syrie et du peuple syrien, alors que
les États-Unis « bénissent » la
transportation des groupes takfiris, à
travers la Turquie et certains pays
arabes, pour « guerroyer » contre le
gouvernement syrien.
Il faut attendre la conférence
internationale sur la Syrie qui aurait
lieu en juin, ainsi que la rencontre
Poutine – Obama, pour savoir dans quelle
des deux directions mentionnées
ci-devant la crise syrienne se
dirigerait [3]. Pour rappel, Moscou et
Washington ont convenu de tenir dans les
plus brefs délais une conférence
internationale sur la Syrie. À preuve,
Dmitri Peskov, porte-parole du chef de
l’État russe, avait déclaré que la
prochaine rencontre entre les deux
présidents pourrait se tenir dans le
cadre du sommet du G8, en Irlande du
Nord [4]. Tel est le bilan principal de
la visite en Russie du secrétaire d’État
américain John Kerry [5].
Israël renonce à sa «
neutralité »
À l’inverse de l’optimisme
qu’avait créé la visite de John Kerry à
Moscou, le président américain, Barack
Obama, ne voulant que montrer ses
biceps, a indiqué que les États-Unis se
réservaient le droit de prendre des
mesures diplomatiques et militaires pour
régler le conflit en Syrie, mais ils
désiraient régler ce problème ensemble
avec la communauté internationale.
Sur un autre plan, Israël
s’implique directement dans la guerre
impérialiste contre la Syrie, et renonce
à sa « neutralité » en estimant que la
chute de Bachar el-Assad affaiblirait
aussi l’Iran. Au début de la guerre
impérialiste contre la Syrie, la
discrétion israélienne restait de
rigueur, mais cette prudence n’est plus
de mise. Il y a un an, le président
israélien, Shimon Pérès, avait déclaré
qu’il souhaitait la victoire des
rebelles syriens qu’il admirait pour
leur courage [6]. Cette petite phrase du
M. Pérès se traduit, il y a quelques
mois, en aides militaires et logistiques
aux groupes armés qui combattent l’armée
syrienne dans des villages proches de la
frontière israélo – syrienne [7].
L’implication d’Israël dans la guerre en
Syrie se fait d’ores et déjà sur deux
plans, logistique et tactique.
Sur le plan logistique
Sur le plan logistique, Israël
a ouvert les hôpitaux aux blessés des
groupes armés. La preuve en est qu’en
mois de mars, onze combattants blessés
ont été soignés en Israël, selon un
bilan officiel israélien. Huit d’entre
eux ont été rapatriés en Syrie et les
deux derniers restaient hospitalisés
dans le nord d’Israël, l’un à Nahariya
et l’autre à Safed [8]. Il suffit de
faire le parallèle avec la révélation de
Moti Kahana, pour le quotidien israélien
Yediot Aharonot, à propos de la création
d’un fond pour financer les insurgés
syriens, pour déterminer jusqu’à quel
point Israël est impliqué dans la guerre
en Syrie. Durant son intervention dans
l’Institut de Washington pour la
politique du Proche Orient « Think Tank
», M. Kahana avait dévoilé que son frère
Steeve était un réserviste de l’armée
israélienne dans les services médicaux
qui soignaient les blessés syriens qui
passaient au Golan. Il avait signalé
entre autre s’être rendu en Syrie, comme
s’il se rendait à Tel-Aviv : « Nous
avons recueilli des centaines voire de
milliers de dollars dans les deux
dernières années et je suis chargé de
transférer des dons à des organisations
libérales en Syrie », ajouta-t-il,
signalant avoir lui-même accordé à ce
fond une somme s’élevant à 100.00
dollars [9]. Mieux encore, le site Web
israélien Debka File a confirmé
qu’Israël avait déjà construit un
hôpital de campagne tout près de la
frontière avec la Syrie et la Jordanie,
pour soigner les blessés des insurgés «
syriens » :
“Israel has set up a large
field hospital near the Tel Hazakah
observation and military post on Golan
which overlooks southern Syria and
northern Jordan. There, incoming Syrian
war wounded are vetted and examined by
Israeli army medics who decide whether
to patch them up and send them back, or
judge them badly hurt enough for
hospital care. The seriously hurt are
moved to one of the nearest Israeli
hospitals in Safed or Haifa [10]”.
Sur le plan tactique
Sur le plan tactique, Israël
avait décidé de changer les « règles du
jeu » en menant des frappes tactiques
contre des cibles militaires de l’armée
syrienne. Israël avait prévenu que le
transfert d’«armes stratégiques» au
Hezbollah libanais pourrait justifier
des frappes préventives.
Premier raid : dans la
nuit du 30 au 31 janvier, l’aviation
israélienne avait mené plusieurs raids
aériens contre des cibles situées dans
la zone frontalière entre la Syrie et le
Liban. Les appareils auraient pris pour
cible un «centre de recherches
militaires» à Jamraya, dans les
faubourgs de Damas. Deux personnes
travaillant sur le site auraient été
tuées et cinq autres blessées. La Syrie
a reconnu qu’une attaque avait eu lieu
contre son territoire [11]. Le lendemain
des raids, Amos Harel a écrit dans le
quotidien israélien Haaretz « Israël
s’engage dans la guerre civile syrienne
[12] » (t.d.a.).
Deuxième raid : dans la
nuit du 2 au 3 mai, l’aviation
israélienne aurait lancé un nouveau
raid aérien en Syrie. Selon des
sources officielles américaines
citées par la chaîne CNN, les
appareils israéliens ont pris pour
cible un ou plusieurs convois
transportant des armes destinées au
Hezbollah libanais. Une source
officielle israélienne a confirmé le
raid à l’agence AP. Selon cette
source, qui a requis l’anonymat, les
armes visées ne seraient pas
chimiques. Le lieu précis du raid
n’est pour l’heure pas connu.
Cependant, la Syrie n’a pas confirmé
ces raids [13].
Troisième raid : dans la
nuit du 4 à 5 mai, l’aviation
israélienne avait mené un deuxième
raid en Syrie en 48 heures,
affirmant vouloir empêcher un
transfert d’armes au Hezbollah
libanais, mais pour Damas ceci avait
ouvert la porte à toutes les options
et avait rendu la situation dans la
région plus «dangereuse». Selon la
Syrie, l’État hébreu avait frappé
dans la nuit de samedi à dimanche
trois positions militaires au
nord-ouest de Damas avec des
missiles tirés par des avions venus
d’Israël via le Liban. Un
responsable israélien a confirmé la
frappe, affirmant qu’elle «visait
des missiles iraniens destinés au
Hezbollah» [14].
Parallèlement à ces frappes, les
responsables israéliens ne cessent
pas de proférer des menaces contre
la Syrie ; il suffit de suivre les
déclarations de Tel-Aviv à propos
des missiles russes S-300 qui
auraient été livrés à Damas
récemment pour déterminer jusqu’à
quel point Israël s’implique dans le
conflit syrien. À titre d’exemple,
le chef du Conseil de Sécurité
d’Israël, Yaakov Amidror, avait
averti les responsables européens
qu’Israël était déterminé à détruire
les missiles S-300 une fois déployés
sur le territoire syrien [15].
Pour sa part, le colonel Zvika
Haimovich a déclaré qu’Israël avait
déjà déterminé, en trois points, sa
« ligne rouge » pour que son armée
détruise les missiles S-300 :
1. que les missiles soient
pointés vers l’espace aérien
israélien ;
2. que les missiles soient
transférés au Hezbollah ;
3. que les missiles tombent dans
les mains des groupes takfiris [16].
Pourtant, une question pertinente
s’impose ici : jusqu’à quel point
les menaces de Tel-Aviv ainsi que
les récentes frappes aériennes
sont-elles efficaces à freiner le
déploiement des missiles S-300 sur
le territoire syrien, ainsi que leur
transfert au Hezbollah libanais ?
Nous devons avouer ici qu’il se
trouve des moments dans l’histoire
où il vaut mieux faire recours à la
sagesse des fous qu’à la folie des
sages. Lisons ensemble ce que mullah
Djeha Nasreddin aurait dit dans une
situation pareille.
La gifle de Hodja Djeha
Nasreddin
Hodja Djeha Nasreddin sort sur le
pas de sa porte en tenant une
cruche, mais se rendre à la fontaine
par cette chaleur est une corvée. Il
avise une petite fille qui passe
par-là et lui demande d’aller lui
chercher de l’eau.
-Surtout ne casse pas la cruche,
lui recommande-t-il et là-dessus lui
donne une paire de gifles.
La petite se met à pleurer et son
voisin qui a vu la scène, est
furieux d’une telle brutalité :
- Qu’Allah te maudisse, Nasreddin
! Il n’y a pas d’être plus vil que
toi !
- Dis-moi, toi qui fais le
censeur : à quoi servent les gifles
quand la cruche est cassée ?
Si Tel-Aviv craint plutôt que la
Syrie ne transfère au Hezbollah des
systèmes d’armes sophistiquées,
susceptibles de changer le rapport
de forces avec le mouvement libanais
à sa frontière nord, nous ne
pourrions alors que parodier
l’anecdote du mullah Nasreddin
mentionné ci-dessus : à quoi servent
les frappes préventives israéliennes
contre la Syrie quand les missiles
S-300 ont été déjà déployés sur le
territoire syrien et transférés au
Hezbollah libanais ? Il fallait
voir, dans ce sens, le président
syrien Assad faisant allusion à ce
point-ci pendant un entretien à la
chaîne libanaise al-Manar [17].
À Tel-Aviv l’audace ne manque
sûrement pas, mais la prudence, ô
mon âme, la prudence !
Fida Dakroub, Ph.D
Notes
[1]La
voix de la Russie.
(8 mai 2013). « John Kerry à Moscou
: pas de divergences Russie-USA sur
la Syrie ». Récupéré le 12 mai 2013
de
http://french.ruvr.ru/2013_05_08/La-visite-de-John-Kerry-a-Moscou-il-nest-jamais-tard-pour-sentendre/
[2]
Libération.
(7 mai 2013). « John Kerry à Moscou
pour rencontrer Vladimir Poutine ».
Récupéré le 14 mai 2013 de
http://www.liberation.fr/monde/2013/05/07/john-kerry-a-moscou-pour-rencontrer-vladimir-poutine_901428
[3]
Russia Today.
(7 mai 2013). “Russia, US to push
for global Syria conference to bring
conflicting sides to table”.
Récupéré le 12 mai 2013 de
http://rt.com/news/kerry-lavrov-putin-syria-958/
[4]
La voix de la
Russie.
(8 mai 2013). « Poutine espère
rencontrer bientôt Obama ». Récupéré
le 12 mai 2013 de
http://french.ruvr.ru/2013_05_08/Poutine-espere-rencontrer-bientot-Obama/
[5]
La voix de la
Russie.
(8 mai 2013). « John Kerry à Moscou
… »,
loc. cit.
[6]
Le Figaro.
(11 juin 2012). « Israël prend
position en faveur des insurgés
syriens ». Récupéré le 22 mai 2013
de
http://www.lefigaro.fr/international/2012/06/11/01003-20120611ARTFIG00751-israel-prend-position-en-faveur-des-insurges-syriens.php
[7]
Henry, Marc. (29 mars 2013). « Un
hôpital israélien sur le Golan pour
soigner les rebelles anti-Assad ».
Publié dans
Le Figaro.
Récupéré le 22 mai 2013 de
http://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2013/03/29/10001-20130329ARTFIG00585-un-hopital-israelien-sur-le-golan-pour-soigner-les-rebelles-anti-assad.php
[8]Huffington
Post. (27 mars 2013). « Un insurgé
syrien blessé sur le Golan soigné en
Israël est décédé ». Récupéré le 22
mai 2013 de
http://quebec.huffingtonpost.ca/2013/03/27/un-insurg-syrien-bless-_n_2964141.html
[9]
Benhorin,Yitzhak. (10 mai 2013). «
Israeli raising funds to help
Syrians ‘dying near us’ ». Publié
dans Yediot Aharonot. Récupéré le 22
mai 2013 de
http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4378562,00.html
[10]
Debka File.
(8 mai 2013). « Israeli- and
Hizballah-controlled enclaves inside
Syria ». Récupéré le 22 mai 2013 de
http://www.debka.com/article/22959/
[11]
Le Figaro.
(31 janvier 2013). « Syrie : le raid
israélien aurait visé un convoi
d’armes ». Récupéré le 23 mai 2013
de
http://www.lefigaro.fr/international/2013/01/31/01003-20130131ARTFIG00584-syrie-le-raid-israelien-aurait-vise-un-convoi-d-armes.php
[12]
Harel, Amos.
(31 janvier 2013). “Israel enters
the civil war in Syria”. Publié dans
Haaretz.
Récupéré le 23 mai 2013 de
http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/israel-enters-the-civil-war-in-syria.premium-1.500437#
[13]
Le Figaro.
(4 mai 2013). « L’aviation
israélienne a lancé un nouveau raid
aérien en Syrie ». Récupéré le 23
mai 2013 de
http://www.lefigaro.fr/international/2013/05/04/01003-20130504ARTFIG00303-l-aviation-israelienne-a-lance-un-nouveau-raid-aerien-en-syrie.php
[14]
Libération.
(5 mai 2013). « Syrie: nouveau raid
israélien, Damas garde toutes les
options ouvertes ». Récupéré le 23
mai 2013 de
http://www.liberation.fr/monde/2013/05/05/israel-a-mene-un-raid-en-syrie-contre-des-armes-iraniennes_900962
[15]
The Jerusalem Post. (30 mai 2013). “Analysis:
Israel could hit S-300 missiles in
Syria”. Récupéré le 31 mai 2013 de
http://www.jpost.com/Middle-East/Analysis-Israel-could-target-S-300-missiles-in-Syria-314919
[16]
loc. cit.
[17]
SANA. (30 mai 2013). « Le président
al-Assad : Les batailles que
déclenche l’armée arabe syrienne
visent à préserver l’unité de la
Syrie ». Récupéré le 31 mai 2013 de
http://sana.sy/fra/51/2013/05/30/485040.htm
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