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Par Fériel Berraies Guigny
IIIe
Sommet international des Médias africains à Tunis
Reconstruire
l'image de l'Afrique!
L'image de l'Afrique, est souvent couplée
à la famine, la violence, la maladie, la misère humaine. En
Occident, ce sont ces images que l’on retrouve sur les écrans
de télévision, les affiches publicitaires, les unes de
magazines. Devant ce constat affligeant, les sociétés civiles
africaines, et les institutions concernées par le phénomène ce
sont attelées depuis un certain nombre d’années, à juguler
tous leurs efforts en vue de déconstruire ces mythes récurrents.
L’heure est à la déconstruction d’un
héritage trop souvent assumé par notre Continent. Non
au misérabilisme socio humain, l’heure est venue pour
une nouvelle Afrique, forte de ces nouvelles générations. Car
l’avenir de l’Afrique gît en ces enfants, les germes d’un avenir meilleur est toujours
possible, de par leur vision et leurs espérances retrouvées.
Pour cela, les sociétés civiles et les
gouvernants se doivent de leur donner les moyens de leurs rêves.
Le Troisième Sommet international des Médias Africains qui a eu
lieu, du 27 au 31 mars 2008 à Tunis, a invité un vaste panel de
spécialistes venus de tous bords, pour discuter des meilleurs
stratégies pour donner à la jeunesse d’Afrique l’opportunité
de reconstruire l’ image de leur Continent.
Célébrant, cette année 2008, sous les auspices de
l’Union Africaine, l’année des jeunes, toute une série de
dispositions était déjà prévue par . la charte de l’Union
Africaine pour la jeunesse, en 2006.
La réalité de ces résolutions paveront
elles la voie pour une meilleur écoute des besoins des jeunes
africains ? la parole qui
leur est si peu souvent donnée, sera t-elle écoutée ?
comment leur donner en cette année symbolique, la possibilité de
s’exprimer et d’agir?
Le “Rebranding” thème
marketing anglo-saxon devenu très à la mode, suffira t-il pour communiquer des messages et une vision plus positives de
l’Afrique à ces jeunes et au Monde?
Les 53 pays africains, finiront ils par comprendre
l’importance de l’ image extérieure et la prise en
charge pro-active de leur communication ?
Si l’on prend deux exemples de réussite médiatique comme,
le Ghana et l’Afrique du Sud, le risque
est grand que l’on cesse d’aborder l’Afrique comme un
tout, mettant les pleins phares sur les pays qui ont réussi leur
reconstruction communication,
mettant en exergue les différences réelles qui existent
entre chaque pays ?
Au final, n’est il pas juste de penser, que le rebranding dessert
aussi, car tous les
pays africains, n’ont pas les mêmes moyens de leur
communication !
Qu’à cela ne tienne, le troisième Sommet international des médias
africains, a permis d’aborder toutes ces questions, grâce à
l’invitation du gouvernement tunisien en partenariat
avec la Banque
Africaine de Développement ( BAD) et l’Agence Africaine pour la
Communication ( ACA)
Parmi les sponsors et les participants, ont compte la présence de Mme
Saida Agerbi, de l’Association des mères tunisiennes, l’Union Africaine avec madame Habiba Mejri Sheikh,
Directrice de la Communication et porte parole de l’Union
Africaine, le Dr Erieka Bennett Présidente de l’Agence
Africaine de la Communication, Catherine Ampaw cofondatrice
de OBETV Londres, Dr
Kerida Mac Donalds de Unicef et Speak Africa, Marie Stella Ray de
la société the Hat Factory,
Amadou Mahtar Ba président de All Africa Global Media,
Paul Regis fonctionnaire international au programme des Nations
Unies sur la propriété intellectuelle à Genève, ainsi que
Magatte Wade directeur de la Communication auprès du Cabinet du
président de la BAD et tant d’autres. Trois jours pour discuter
des objectifs et des enjeux en vue de construire une meilleur
Afrique dans la forme pour espérer aboutir un jour, à un
meilleur fond.
Le Dr Erieka Bennett qui a pris la parole pour l’ouverture de
la première séance plénière, a rappelé une nouvelle fois que
2008 est l’année de l’enfant. Une date très spéciale selon
elle qui a toute son importance, car l’heure est venue de donner
aux jeunes la possibilité de mettre les premiers jalons de cette
nouvelle Afrique. Cette Afrique plurielle et unie. Et même si
elle est américaine, le Dr Bennett a affirmé « que bien
qu’ayant vu le jour hors de l’Afrique, l’Afrique a vu le
jour en elle »
Elle rappelle ainsi que l’Afrique a laissé des enfants dans divers
continents, l’histoire les a ravi à leur terre d’origine,
mais c’est cette diaspora des descendants qui pourra également
paver les nouvelles voies de la reconstruction. Pour cela, le Dr
Bennett insiste sur la nécessité de
casser les stéréotypes négatif, par la seule force de
l’ intégrité journalistique et le professionnalisme.
Mme Saida Aghrebi a ajouté quant à elle, que la Tunisie était
terre d’Ifriquiya et forte de cette appartenance, ce pays a
depuis toujours rallié du Nord au Sud, ses diversités tant
ethniques que culturelles. Riche de toutes ces influences,
l’exemple social tunisien reste un modèle pour l’intégration
sociale dans la région. Par ailleurs, la .Tunisie puise son
inspiration dans sa jeunesse qui est son renouveau. Le Président
Ben Ali, exhorte depuis toujours et particulièrement, cette année
au rapprochement et au dialogue avec la jeunesse. En lui
garantissant ses droits et en l’aidant à atteindre ses objectifs d’épanouissement,
la Tunisie est parvenu à
atteindre un des nombreux objectifs du développement pour
le millénaire.
La Porte parole de l’Union Africaine, Habiba Mejri Cheikh, a
rappelé que 50% du Continent africain compte une population de
jeunes, une statistique qui a toute son importance et qui doit
faire prendre conscience de la part importante que la jeunesse
peut apporter dans le devenir d’un pays . L’Union
Africaine est consciente du poids et de la voix des jeunes, mais également de la nécessité
de les informer par
rapport à leurs droits et leurs acquis. Les sociétés africaines
doivent s’investir de la tâche qui consiste à les sensibiliser
par rapport aux enjeux que vivent leurs sociétés. Les aider à
mieux se comprendre pour entreprendre.
Habiba
Mejri (à gauche) et Dr Erieka Bennett (à droite)
La voix des jeunes, mais également de la diaspora africaine en
Occident, est primordiale en vue de lutter contre le prisme éprouvant
et réducteur de certaines images stéréotypées qui renvoient aux
échecs de l’histoire du passé. Rebrand, signifie dés lors, le
choix de sa destinée pour déposer enfin
une empreinte positive sur un passé colonial, économique
et politique parfois, douloureux. Seuls les africains sont capables
de comprendre les mutations de ses sociétés et de détecter les
prémisses de développement tant social, économique que
politique. Sans nier la réalité de nos problèmes, la société
civile a un rôle important en vue de créer un environnement favorable
à la jeunesse.
Le Président de la BAD, Donald Kaberuka a rappelé l’attachement
de la BAD en vue de promouvoir le développement économique, mais
également humain. L’Afrique d’Aujourd’hui doit pouvoir parler
de sa propre voix et les jeunes sont un pilier fondamental de cette
voix. La Diaspora des jeunes est également, une force majeure qui
permettra de construire des compétences, notamment dans les domaines
des médias et du journalisme. Ces compétences, sont les instruments
nécessaires pour construire une image fidèle à l’Afrique. Sans
nier les réalités du terrain, le journalisme se doit de devenir
le porte parole de toute une génération qui vise vers
l’excellence. Les Institutions internationales devront aussi
œuvrer en vue de former les jeunes et les rendre plus outillés
face à cette nouvelle société à reconstruire.
Abordant l’importance de la construction du produit par pays, Paul
Régis, fonctionnaire auprès du programme des Nations Unies
à Genève ,sur la protection de la propriété intellectuelle,
soulève les difficiles problématiques liées au copyright. Il
insiste sur la nécessité de protéger les acquis et de
les défendre juridiquement, à un moment où l’humain vit une
concurrence importante au niveau national et international. La
mondialisation des marchés, fait que l’on doit de devenir de
plus en plus compétitifs. Il est important que les sociétés se
dotent d’attributs distinctifs avec la notion de marque par
pays. Un label qu’un bon nombre de pays dont l’Afrique du Sud
a choisi d’adopter. Il s’agit essentiellement de mettre en
valeur tout ce qui constitue une richesse nationale, tant dans les
domaines des services que des produits. Un pays peut ainsi se
vendre, au travers d’une marque, forgeant ainsi, une identité
compétitive essentielle pour sa promotion vers l’extérieur. Le
tourisme, l’export, le sport, la culture, l’image etc. Un pays
peut être identifié, optimisé par la créativité et la
novation dans un secteur donné. La croissance économique est
aussi le transfert de l’application d’une connaissance. Les
jeunes sont dans ce sens, les innovateurs potentiels
d’aujourd’hui et du futur, quand ils sont à même de créer
et de formuler de nouvelles idées pour promouvoir de leur pays.
Mais encore une fois, il est impératif de protéger toutes ces
nouvelles créations à venir. Certains pays ont réussi car ils
ont pu se faire connaître par un produit, dont la Suisse et
l’Afrique du Sud qui ont mis en place des programmes pour développer
leur stratégie de marques.
Le Slogan « South Africa, alive with possibility » résume à lui seul, une stratégie qui a
permis à un pays de renaître des cendres d’un passé politique
douloureux. En mettant en exergue les points forts, tourisme,
environnement, développement et vision progressiste, dans une grande
diversité culturelle etc. S’agissant des pays en développement,
les marques pourraient fournir une valeur ajoutée à l’identité
et améliorer les exportations. Grâce à cette nouvelle approche
pour le développement, on pourrait réussir à casser les stéréotypes
tout en boostant les exportations.
Marie Stella Ray de la société Hat Factory à Londres, insiste sur les bienfaits de la
construction d’une marque nationale par pays. Une marque est un
symbole, l’identité d’un pays qui lui permet de concrétiser
ses atouts et ses acquis. Car il s’agit avant tout pour elle,
de mettre en avant les avantages compétitifs face à la
globalisation. La marque pour un pays est le reflet d’une
vision, elle met en avant ses acquis dans les domaines économique,
social, et intellectuel. Le Tourisme par exemple, est un excellent
moyen de communiquer un produit par pays. La culture, l’artisanat le sont
tout autant.
Catherine Anpaw de OBEYTV à Londres, explique comment est née cette télé orientée
vers l’Afrique en 1980. Son ambition dés le départ, était
d’apporter une nouvelle image de l’Afrique, pour mettre en
lumière ces mutations et ces c changements au cours des dernières
décennies. Aujourd’hui, cette chaine câblée est transmise en
Grande Bretagne, et elle est également retransmise en Europe, en
Afrique du Nord. Car le rôle des médias est crucial dans cette
nouvelle vision que l’on doit apporter à l’Afrique. Pour
changer l’image de l’Afrique il est plus facile de le faire en
tant que groupe de presse ou média, qu’en tant qu’individu
isolé.
Ahmadou Mahtar Ba, Président de All Africa Global Média, explique qu’il est temps
aujourd’hui de permettre à ce Continent d’écrire sa propre
histoire, loin des anciens discours colonialistes et post
colonialistes. Si l’on veut améliorer l’image du Continent il
faut également s’éloigner des visions négativistes de
certaines agences de presse africains qui ont abondé dans le défaitisme
outrancier. Les médias en Afrique doivent au contraire, jouer un
rôle de premier plan, dans le changement de discours. Les médias
ont une responsabilité, dans ces nouveaux messages qu’ils
devront diffuser. Les moyens sont aussi entre les mains des
gouvernants africains qui doivent réagir dans l’optique de
mettre en place des stratégies au niveau continental.
Magatte Wade, Directeur de Communication au sein de la BAD, insiste sur le rôle
crucial des institutions internationales, dans la reconstruction
de l’image de l’Afrique. Car les médias africains n’ont pas
toujours été de vrais accompagnateurs dans ce processus.
Aujourd’hui il s’agit donc de favoriser une politique de la
diffusion de l’information dans une rigueur et un
professionnalisme éthique. La BAD en tant qu’agence pour le développement,
se doit d’être proche de ses contraintes pour faire face aux réalités
du terrain. De ce fait, la BAD reste sensible à ces partenariats
qui incluent un soutien aux médias, une formation, et un
renforcement des capacités et des compétences dans les domaines
du journalisme.
Abordant l’impact de la jeunesse, dans la construction d’une
nouvelle image pour l’Afrique, le Dr Kerrida Mc Donald de
l’Unicef, insiste pour rappeler que les jeunes se doivent
d’avoir les moyens de créer une « Afrique
meilleur ». Le seul cadre politique qui a permis la
charte de la jeunesse de l’Union Africaine, reste insuffisant.
Car il faut aujourd’hui, un véritable partenariat entre les
différents intervenants oeuvrant auprès de la jeunesse. Un
agenda tant au niveau national que régional, se doit d’être
adopté. La diaspora, les organisations de la jeunesse, les
partenaires, les institutions de presse, les institutions
internationales et les grands bailleurs de fonds, doivent
participer dans cet effort d’implémentation de la charte de
l’Union Africaine pour la jeunesse. L’année de la jeunesse ne
doit pas être une simple date. Pour cela, des espaces, comme le
congrès panafricain de la jeunesse, la culture, la musique, les
programmes de formation devront pallier tous ces efforts, en vue
de permettre aux jeunes de s’exprimer mais également d’agir.
Prenant pour exemple, le modèle tunisien dans la construction de
l’image par pays, l’étudiante Sarah Schaker de
l’Institut des Hautes Etudes, a expliqué comment la
Tunisie forte de son identité multiple mais également de ses
acquis socio économiques a choisi de mise sur les secteurs de
l’éducation et de la jeunesse pour relever les nombreux défis
du développement. Mettant tous
ses efforts dans l’éducation, la formation et la prise en
charge des ressources humaines, le pays s’est doté d’une
infrastructure conséquente qui a fait que le nombre d’étudiants est passé en 1970 de
10350 à 112630 en 85/86. Par ailleurs, la Tunisie au cours des 10
dernières années pour faire face aux demandes croissantes, à
multiplier la création des institutions privées.
La jeunesse de la diaspora, joue aussi un rôle non négligeable dans la
construction de l’image de marque du pays. Nura Salifu,
porte parole du forum de la diaspora africaine, insiste sur le
besoin de déconstruire les images négatives sur l’Afrique, qui
fut longtemps victime d’idées reçues. Elle exhorte pour se
faire, à la construction d’une véritable campagne qui
servirait de plaidoyer pour lutter contre la mauvaise information.
Elle explique qu’il faudrait à l’inverse, se concentrer sur
ce que les jeunes pourraient faire et non sur leurs insuffisances.
Les jeunes doivent également apprendre à interagir avec les médias,
en les sensibilisant dans divers espaces, écoles, concerts,
campagnes de publicité.
Dr Donald Kerrida de l’Unicef et Speak Africa, introduit Speak Africa en tant que
plateforme de communication panafricaine. S’inscrivant dans une
stratégie intégrée avec diverses autres agences, elle est née d’une pensée du chanteur disparu, Bob Marley. C’est
en 2005 à Addis Abbeba qu’eut lieu le concert qui avait réuni
un panel d’intellectuels de l’Afrique pendant trois jours. Des
jeunes avaient également parlé d’intégration. Des chansons
comme « Africa Unite » ou « No woman no cry »
sont autant de messages qui ont atteint les cœurs des jeunes du
Continent. A cet effet, la musique et la culture sont venus
promouvoir le dialogue et la paix, tissant par la même, un véritable
consensus autour de la charte africaine. Comme un processus préparatoire
pour le forum panafricain du développement de la jeunesse.
Permettant des réunions pour traiter des différentes questions relatives à la décentralisation.
Les écoles de journalisme en Afrique, sont une réelle valeur ajoutée
pour le Continent, selon Georges Lang. Elles sont un
vecteur de démocratie et de justice sociale.
Car le pouvoir des médias peut galvaniser même les plus
incultes. Dans les batailles coloniales passées, les médias ont
assisté les grandes leaders comme Nkrumah. Les médias peuvent
constituer des plates-formes de débat et de réflexion pour
construire une bonne représentation de l’Afrique. Par leur
biais, les gouvernants devront rendre compte de leurs agissements.
Pour cela, il faut aboutir avant tout à une presse indépendante
et non partisanne. Il faut raconter l’Afrique dans tout ce
qu’elle a de plus réel et positif. Et surtout pratiquer le
journalisme du vécu, au narratif et s’éloigner autant que
faire se peut, de l’affichage de simples statistiques. Le
journalisme se doit d’avoir visage humain.
En conclusion, le journalisme est le moteur de l’information, pour et
par les jeunes. Il se doit d’être exploité de façon approprié
pour permettre l’échange et la communication. Il est expression
et liberté, il est le porte parole d’une Nation, de toute une génération
en devenir qui se doit de connaître les réalités sociales pour
espérer pouvoir avancer. Le journalisme et les médias peuvent être
les étendards de toute une génération de citoyen de demain. Le
journalisme est par son essence un outil de développement
indispensable pour l’Afrique.
Crédits
Presse : Courtesy of F.B.G Communication
www.fbgcom.net/
fbgcommunication@yahoo.fr
Reportage réalisé
exclusivement pour Babnet
Tunisie.
Publié le 8 avril 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies
Guigny
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