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Par Fériel Berraies Guigny. Paris

La Francophonie se meurt elle ?

A l’ère du franco scepticisme et des replis identitaires, on s’interroge sur le devenir de la francophonie en tant que projet fédérateur des peuples ayant en commun la langue française. C’est le thème de la 13ème Conférence annuelle de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), réunie les 6 et 7 mai, à Paris.

 

La francophonie a connu son heure de gloire, mais, pour beaucoup, elle est vouée à une mort certaine. Même des intellectuels français, dont Jacques Attali dans son rapport sur la croissance, exhorte au nécessaire apprentissage des langues étrangères dont l’anglais. Un coup fatal pour la langue de Molière qui disparaît de plus en plus des sphères de l’économie, des sciences, de la diplomatie ou comme langue parlée dans les organisations internationales. Mais au seuil de la mondialisation et au vu de l’isolationnisme politique de certains Etats, peut-il en être autrement ? La frilosité par rapport au français en Europe est spectaculaire, le rejet politique en Afrique et dans certains pays du monde arabe tout aussi épidermique. Autant de signes annonciateurs d’un début de périgée ? Le français deviendrait-il, à terme, une langue morte ?

Pourtant au départ, la Charte de la Francophonie se voyait servir un idéal politique et culturel de grande ampleur:

- créer entre ses membres le partage de la langue française et l’utiliser au service de la paix, de la coopération et du développement, avec pour objectifs d’aider à l’instauration et au développement de la démocratie, à la prévention des conflits et au soutien à l’État de droit et aux droits de l’homme ;

- intensifier le dialogue des cultures et des civilisations ;

- aider au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle, par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies.

Aujourd’hui, que reste t-il de ce projet fédérateur né durant la période de la décolonisation ? Une idée qui s’essouffle ou la perception d’une velléité géostratégique qui se cache sous le prétexte d’une diversité culturelle encouragée ?

La conférence de l’IRIS a permis de lancer le débat en conviant diverses personnalités à analyser la place de la francophonie dans la mondialisation et face à la diversité culturelle.

Pascal Boniface, directeur de l’IRIS a entamé les débats en rappelant l’impact stratégique de la francophonie et en soulignant que celle-ci est le lien dans la différence des appartenances culturelles, mais aussi l’occasion de partager un espace de réflexion. Elle est un sujet souvent débattu qui reste paradoxalement méconnu. Le colloque  cherche à sensibiliser le public aux objectifs et contraintes, en prévision de la tenue du Sommet de la Francophonie en octobre 2008 à Québec.

 

Une priorité de la diplomatie française !

Le secrétaire d’Etat français chargé de la Coopération et de la Francophonie, M. Alain Joyandet a rendu un hommage appuyé à l’action du secrétaire général de la Francophonie, M. Abdou Diouf, rappelant que la francophonie est au cœur de la politique étrangère française. Sans l’Afrique, la francophonie n’aurait pas d’avenir, a-t-il ajouté. Ceci n’excluant pas pour autant l’apport des autres espaces, à savoir la France d’Outre Mer ou les expatriés français qui constituent eux aussi des petits morceaux de la France. Il a rappelé ensuite qu’il «ne s’agit pas de s’étendre pour s’étendre» mais de constituer des Etats ayant comme langue officielle le français (…),un bien commun qu’il s’agit de préserver. La Francophonie doit aussi être populaire pour permettre aux jeunes d’y adhérer pour pouvoir se projeter dans l’avenir. Elle doit aussi s’investir dans les nouvelles technologies de la communication et dans l’enseignement, à travers le développement de campus numériques».

Pour Abdou Diouf, la francophonie a toujours été axée sur les réalités du monde contemporain, qui ne sauraient être départagées   de la globalisation. Aussi prédire son devenir et sa viabilité reste difficilement envisageable. Concrètement, la francophonie devra s’engager dans une dynamique de cohérence, d’efficacité, en promouvant la coopération multilatérale tout en évitant la dispersion des projets.

 

Francophonie des pauvres  et… des riches

Mongi Bousnina, directeur général de l’Organisation arabe de l’éducation, de la culture et de la science (ALECSO), a rappelé que la francophonie et son devenir concernent le monde arabe autant que le dialogue interculturel et les aléas imposés par la mondialisation. Il a ajouté que l’attachement à la langue française puisait ses racines dans l’histoire, car l’arabophonie et la francophonie ont des liens datant de deux siècles. La renaissance arabe a en effet puisé dans la langue française au XIXème siècle alors qu’elle s’ouvrait à la modernité au travers des sciences profanes. Les premières traductions de l’arabe se sont faites du français et les Lumières ont inspiré les réformateurs du Maghreb. Durant l’ère de la décolonisation, on a revendiqué l’enseignement du français et les valeurs de la Révolution française de 1789 avaient influencé les mouvements nationalistes du Maghreb ayant abouti à l’indépendance.

Comment alors expliquer le déclin de la francophonie ? Il est clair que l’enjeu est avant tout économique, et que l’acquisition d’une langue se fait aussi dans l’optique de déboucher sur un emploi. En ce sens, la francophonie est limitée dans ses moyens car «elle est fille d’une mondialisation positive et non dominatrice».

La Francophonie doit aujourd’hui être renouvelée par l’incorporation en son sein du pluralisme linguistique et de la diversité culturelle. Mais ce qui pose problème, c’est que son apprentissage est coûteux pour les pays du Sud, les écoles sont payantes et élitistes, les manuels ne sont pas bon marché et la co-édition n’est pas financée. La traduction stagne et la promotion de la langue française tout autant par conséquent. Conséquence : on est passé d’une «francophonie des pauvres» et à une «francophonie des riches».

Jacques Legendre, Secrétaire général de l’assemblée parlementaire de la Francophonie a rappelé que, dès le XVIe siècle, la langue française avait un rapport certain avec le monde car elle était la langue la plus parlée. Un siècle plus tard, à l’ère de la décolonisation, le français allait devenir presque comme un butin de guerre mais également comme un instrument diplomatique.

 

Langue de liberté ou de domination ?

Aujourd’hui, la définition d’Etat francophone prête à caution. Si le français est parlé par des Etats, des minorités ethniques ou l’élite de certains pays, d’autres pays comme l’Algérie ou Israël refusent d’y adhérer. Une dialectique s’est installée entre ceux qui pensent que le français est la langue de la liberté et ceux qui, au contraire, la perçoivent comme la langue du dominant. Le marché des langues fait qu’aujourd’hui, le français doit continuer de figurer parmi les langues les plus parlées dans le monde pour éviter la marginalisation. Mais on ne pourra pas défendre le français sans le respect des autres langues. Le risque serait d’autant plus grand de tomber dans des relents de néocolonialisme.

Dominique Wolton, directeur de l’Institut des sciences de la communication, met en garde contre les dangers de la globalisation qui s’est faite en trois temps : le premier est survenu suite à la seconde guerre mondiale avec l’avènement de l’ONU et des instances internationales, ensuite la mondialisation économique introduite dans les années 80 avec l’avènement d’une énorme machine capitaliste, qui va creuser les écarts et faire naître les inégalités sociales entre le Nord et le Sud, et enfin la chute des idéologies et l’émergence des identités avec le risque des clivages et des chocs entre les civilisations.

La francophonie est au cœur de tous ces enjeux économiques, politiques et culturels. Elle doit faire un travail pour se remettre à niveau et rester le prodigieux instrument diplomatique qu’elle a toujours été. La France, pour sa part, doit cesser d’être le seul contributeur, en finançant à hauteur de 75 à 80% l’Organisme international de la francophonie (OIF), pour ne pas être accusée de «néocolonialisme par la finance». Elle doit aussi se défaire de l’image de la Françafrique.

Pour Jean-Claude Jacq, secrétaire général de l’Alliance française de Paris, toute hégémonie d’une langue est un danger. Il faut donc se prémunir contre la stérilisation de la pensée qui consisterait à nier la diversité culturelle. On assiste aujourd’hui à un double paradoxe : d’une part, le besoin d’une langue commune masquant l’influence de l’empire, car la langue accompagne toujours la puissance, et d’autre part, une recherche de l’identité ou «l’ivresse d’attache». Ceci explique pourquoi le français se trouve dans une position de confluence entre deux idéologies contraires.

 

Donner et recevoir

Ni la Mondialisation ni l’anglais ne constituent des menaces pour la francophonie, a estimé M. Driss Khrouz, directeur de la Bibliothèque nationale du Maroc. La langue n’est plus au service de la domination, car elle véhicule des valeurs. Le français s’est ainsi enrichi par le contact des peuples. Sa force est dans sa capacité de partage dans le respect de l’autre.

Jean Musitelli, ancien ambassadeur de France à l’Unesco, a rappelé l’importance de la Convention sur la diversité culturelle adoptée en 2005 par l’Unesco car elle est une façon de faire face à l’hyper culture globalisée qui menace le monde. Le risque de formatage culturel est grand pour les générations à venir. La francophonie est, dès lors, le seul recours. Là où la mondialisation risque de favoriser le repli identitaire, elle devra être cohérente dans l’action pour dynamiser les échanges, créer des circuits locaux, appliquer des programmes de coopération.

Soumaïla Cissé, président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), est convaincu, pour sa part, que la francophonie est un outil d’intégration majeur. C’est une courroie de transmission entre les peuples. Il ne faut cependant pas se départir de certaines réalités africaines, car les peuples ne parlent pas tous le français, qui reste une langue de l’élite. Aussi le danger viendrait-il qu’elle soit utilisée comme outil de pouvoir contre le pauvre ou l’analphabète.

La francophonie doit apprendre à vivre et à se nourrir de ses contradictions. Elle doit promouvoir le dialogue des cultures. La diversité n’est ni éparpillement ni domination. Elle est la rencontre d’espaces différents, loin de l’indigénisation des peuples. Elle est nous, et ne saurait être vue au travers du seul prisme de la France. De même, une langue qui se superpose à la langue maternelle ne saurait assimiler celle-ci, mais l’accompagner sur le chemin de la tolérance et l’identité plurielle. Il n’y a donc pas un «français mais des français» de diverses religions, races et couleurs. Et il est encore temps, comme le disait Léopold Sédar Senghor, «d’aller au rendez-vous de la francophonie du donner et du recevoir».

Crédits :
Exclusivité de L'Expression Tunisie
Groupe Dar Assabah Tunisie

www.lexpression.com.tn
Article de presse Courtesy of Fériel B.G
Publié le 7 décembre 2008 avec l'aimable autorisation de Fériel Berraies Guigny



Source : Fériel Berraies Guigny


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