Opinion
Ghaza: Un ramadan
sous les bombes
Fares
Chahine
Mercredi 3 août 2011
En ce début du mois sacré de
Ramadhan, les pères de famille éprouvent
toutes les peines du monde à faire face
aux besoins de leurs foyers. La crise
financière qui frappe l’Autorité
palestinienne, depuis quelques mois,
plus particulièrement depuis
l’enclenchement de pas concret sur le
chemin difficile de la réconciliation
nationale, s’est traduite, le mois
passé, par l’incapacité à verser la
totalité des salaires de ses employés
civils et militaires.
Ghaza.
De notre correspondant
En ce début du mois sacré de
Ramadhan, la majorité des salariés,
chefs de famille, éprouvent de
grosses difficultés à faire face aux
besoins de leurs foyers. La crise
financière qui frappe l’Autorité
palestinienne, depuis quelques mois,
exactement depuis l’enclenchement de
pas concrets sur le chemin difficile
de la réconciliation nationale,
s’est traduite, le mois passé, par
l’incapacité à verser la totalité
des salaires de ses employés civils
et militaires. A la mi-juillet,
seule la moitié des salaires du mois
de juin a été versée, soit près de
60 millions de dollars. 150 000
employés de l’Autorité
palestinienne, dont le total des
salaires atteint près de 120
millions de dollars, représentent
l’un des principaux moteurs de la
machine économique palestinienne,
surtout depuis l’instauration du
blocus israélien sur la bande de
Ghaza en 2006 et la fermeture des
points de passage avec Israël aux
visages de dizaines de milliers de
travailleurs réguliers en territoire
israélien, faisant d’eux des
chômeurs en quête d’aides
humanitaires après avoir été, de
longues années, une source non
négligeable d’approvisionnement du
budget de l’Autorité palestinienne.
La période dorée, pour ces
travailleurs actuellement au
chômage, a été de 1994 à 2000, année
où s’est déclenchée l’intifadha d’El
Aqsa. Durant la guerre contre la
bande de Ghaza en décembre
2008-janvier 2009, l’armée
israélienne a méthodiquement détruit
toutes les infrastructures de base
de la petite industrie
palestinienne, mettant les
personnels, des milliers de
personnes, au chômage forcé.
Actuellement, le taux de chômage et
la pauvreté ont atteint des niveaux
inégalés, touchant plus de la moitié
de la population active. Si l’on y
ajoute la division entre la bande de
Ghaza et la Cisjordanie qui dure
depuis plus de quatre ans (depuis
que le mouvement Hamas a décidé de
prendre le contrôle de l’enclave
palestinienne par la force des
armes, ndlr) et ses retombées
néfastes sur l’économie
palestinienne, ainsi que sur la
cohésion au niveau du tissu social,
on peut facilement imaginer la
situation pénible qui sévit
actuellement dans les territoires
palestiniens.
Sur un autre plan, comme chaque
année au début du mois sacré de
Ramadhan, les prix de beaucoup de
produits de grande consommation,
comme la viande et le poulet,
certains légumes et fruits, ont été
revus à la hausse par des
commerçants sans scrupules.
L’Autorité palestinienne tente,
comme chaque année, de dissuader les
commerçants d’augmenter les prix,
surtout des produits de base, mais
ses efforts risquent de rester
vains.
Mais il ne faut pas croire que la
vie est aussi sombre pour tout le
monde. Pour les nouveaux riches (les
propriétaires de tunnels de
contrebande, contrebandiers, les
hommes proches de l’Autorité,
surtout dans la bande de Ghaza, les
commerçants en gros) la vie sous le
blocus est plutôt rose. Que ce soit
dans les rues huppées de la ville de
Ghaza ou celles, étroites, des camps
de réfugiés où le taux de pauvreté
est le plus important, vous pouvez
rencontrer des personnes roulant en
4×4 flambant neufs, comme vous
pouvez aller faire vos courses au
supermarché Métro récemment inauguré
dans le centre-ville de Ghaza, qui
n’a rien à envier aux plus grands
supermarchés des capitales voisines.
Quant aux sites de divertissement,
comme les hôtels et restaurants de
luxe – qui sont bien au-dessus des
moyens de la majorité des
Palestiniens –, ils ne cessent
d’éclore dans la pauvre et étroite
bande côtière gouvernée par les
hommes du Hamas qui en possèdent une
bonne partie.
On ne peut évidemment clore la liste
des difficultés auxquelles fait face
la population palestinienne sans
citer Israël et ses crimes
incessants que ce régime commet tous
les jours. A l’aube du premier jour
du Ramadhan, les soldats israéliens
ont tué de sang-froid deux jeunes
Palestiniens dans le camp de
réfugiés de Kalandiya, près de
Ramallah.
Un geste traduit par l’autorité
palestinienne comme une tentative
d’escalade israélienne dans le but
de brouiller les cartes avant
septembre, mois au cours duquel la
direction palestinienne compte se
diriger vers l’ONU pour faire
reconnaître l’Etat palestinien par
cet organisme mondial. Les fortes
chaleurs, les longues coupures de
courant, la crise financière, la
division persistante, le blocus
allégé mais pas totalement levé, les
agressions militaires israéliennes
incessantes sont les ingrédients qui
marquent ce début de Ramadhan qui
risque de se transformer en une rude
expérience pour toute une population
qui, malgré tout, ne baisse pas les
bras.
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