Opinion
Le service civil :
le comble de l'asservissement
Fadwa
Nassar
Samedi 28 juillet
2012 Depuis quelques
mois, une lourde menace pèse sur la
jeunesse palestinienne qui vit dans
le territoire occupé en 48 (Etat
sioniste), celle de devoir assurer
un « service civil » au profit de
l’institution militaire sioniste.
L’idée n’est pas nouvelle, puisque
Sharon l’avait déjà agitée, en
pleine période de l’Intifada al-Aqsa,
sous le prétexte de l’équation
trompeuse de l’égalité des droits et
des devoirs de tous les citoyens «
israéliens ». Mais il s’agissait à
l’époque d’un « service »
non-obligatoire, qui permettrait aux
jeunes palestiniens, s’ils
acceptaient leur enrôlement, de «
bénéficier » de droits (accès plus
facile au travail, facilités de
paiement pour les études
universitaires, entre autres).
Mais les jeunes
palestiniens et moins jeunes avaient
dès le départ compris qu’il ne
s’agissait en fait que de les
soumettre à l’Etat colonial, qu’un
moyen d’éradiquer leur appartenance
palestinienne et de dénaturer leur
culture et identité nationales. De
vastes protestations avaient eu
lieu, des campagnes d’explication
ont été menées auprès du jeune
public palestinien qui, à cause de
sa marginalisation par les
institutions coloniales et de
l’apartheid vécu au quotidien et de
sa pauvreté, avait au départ prêté
une oreille attentive à cet appel,
puisqu’il ne s’agissait pas de
s’enrôler dans l’armée criminelle
des sionistes, mais juste d’assurer
un « service civil » bénévole dans
les agglomérations arabes. C’est
ainsi que le gouvernement sioniste
et ses bras médiatiques et
universitaires avaient présenté
l’affaire. Il a donc fallu beaucoup
d’énergies pour les associations des
jeunes palestiniens et les partis
politiques, ainsi que le haut comité
représentatif des masses arabes,
pour lutter contre la propagande
insidieuse gouvernementale,
insistant sur le fait que «
l’égalité des droits et des devoirs
» avancée par le gouvernement
sioniste n’est qu’un leurre, puisque
les Palestiniens de 48 sont privés
depuis 1948, de cette égalité, leurs
maisons sont démolies, leurs terres
sont confisquées, leurs
agglomérations sont encerclées par
les colonies et manquent de
ressources financières ; leur
culture est ignorée, leur histoire
bafouée, et quand ils avancent les
mots d’ordre d’égalité dans leurs
luttes politiques, ils sont
considérés comme une menace
intérieure par la société coloniale
et ses appareils de renseignements.
Pour contrer la
propagande mensongère du
gouvernement faisant du « service
civil » une voie de passage vers la
citoyenneté, les Palestiniens de 48
ont pris pour exemple le sort des
jeunes palestiniens druzes que
l’Etat enrôle dans son armée, comme
moyen de diviser les Palestiniens de
48 entre plusieurs communautés, et
dans un refus de les reconnaître en
tant que Palestiniens. Malgré le
service militaire accompli par les
jeunes druzes, les terres de leurs
villages sont confisquées comme le
sont les terres arabes en général,
et bien peu de druzes parviennent
aux échelons supérieurs de l’armée.
Et malgré la collaboration de
certains chefs de clans druzes
depuis l’occupation en 1948, la
communauté druze n’est pas mieux
lotie que le reste des Palestiniens.
D’ailleurs, un mouvement de refus du
service militaire parmi les jeunes
palestiniens druzes est né il y a
plus d’une décennie, ignoré par les
médias occidentaux qui préfèrent
éclairer le refus des certains juifs
d’accomplir leur service militaire «
dans les territoires », comme ils
disent, c’est-à-dire en Cisjordanie.
Ce mouvement s’élargit au point que
plusieurs jeunes druzes se trouvent
actuellement en prison et d’autres
dans la « clandestinité ». Ils sont
soutenus par plusieurs sheikhs et
personnalités politiques druzes, qui
ont constitué également des
mouvements politiques affirmant leur
appartenance arabe et palestinienne,
et refusant le jeu des anciens chefs
de clans.
Quant aux
Palestiniens « bédouins » du Naqab
(autre catégorisation sioniste de la
population palestinienne), ceux qui
ont accepté de s’enrôler
(non-obligatoire) restent
extrêmement minoritaires, et le
mouvement de refus est à présent
quasi-général, depuis la campagne de
nettoyage ethnico-religieux subie
par la région du Naqab, après les
accords d’Oslo.
Après la proposition
de Sharon, aujourd’hui, c’est une
nouvelle loi qui est au centre des
débats de l’entité coloniale, celle
qui devrait remplacer la loi Tal,
qui a permis jusqu’à présent aux «
haridim » (juifs religieux)
d’échapper au service militaire,
pour se consacrer à leurs études
bibliques. En réalité, la loi Tal
accordait également aux haridim les
avantages sociaux réservés aux
militaires, « avantages » ou droits
refusés aux Palestiniens. Les
discussions entre les sionistes sur
cette loi, les conflits entre
religieux, extrémistes, libéraux et
travaillistes tournent surtout sur
l’enrôlement des « haridim », et non
sur celui des Palestiniens, car les
premiers font partie de la société
coloniale et se considèrent comme «
garants spirituels » de la survie de
l’Etat sioniste. Quant aux
Palestiniens, ils ne font aucunement
l’objet de débats, puisque toute la
société juive coloniale a décidé
qu’ils devraient se soumettre à
l’ordre sioniste, sinon « partir »…
Si les « haridim »
sont sollicités à participer à
l’armée coloniale, ce n’est pas le
cas des Palestiniens, sollicités
pour des tâches civiles, car la
mentalité sioniste ne peut faire
confiance à la loyauté des
Palestiniens et les entraîner aux
armes ou leur en fournir. La
nouvelle loi du recrutement
militaire parle surtout d’assumer et
de « partager le fardeau » militaire
de l’Etat colonial. Ce qui veut
dire, en fait, que l’armée sioniste
n’est plus cette armée qui
accueillait allègrement les jeunes
juifs pour aller vers la conquête
des régions arabes (Palestine et les
autres pays), mais elle est devenue
une armée vieillie qui a besoin de
recrues pour « partager le fardeau
», d’autant que ses soldats meurent
plus fréquemment au combat (Liban et
Gaza, et le camp de Jénine en 2002)
et sont activement recherchés par
les résistants palestiniens pour les
échanger contre les prisonniers
palestiniens. Depuis l’intifada al-Aqsa,
être soldat dans l’armée sioniste
est devenu dangereux et être
officier, c’est aussi être menacé
d’être arrêté dans un des aéroports
européens pour « crimes de guerre »
ou « crimes contre l’humanité ». En fait, l’Etat
colonial sioniste a lancé sa
campagne de recrutement dans l’armée
et ses branches civiles, au moment
même où il accentue son attitude
raciste et coloniale envers la
société palestinienne, au moment où
il lance plusieurs campagnes
militaires contre les territoires
occupés en 1967 (Cisjordanie et
Gaza), et deux guerres destructrices
contre le Liban et la bande de Gaza
(2006 et 2008-2009), au moment où il
protège les colons en Cisjordanie et
où il se prépare à lancer une guerre
contre l’Iran, la Syrie et le Liban.
L’armée coloniale a besoin d’assurer
ses arrières, c’est-à-dire son «
front intérieur », pour ses
prochaines aventures militaires, et
c’est aux Palestiniens de 48 qu’elle
s’adresse. L’Etat sioniste n’a pas
l’intention d’accorder aux
Palestiniens l’égalité avec les
colons, mais il a besoin d’eux,
comme serfs et main-d’œuvre
gratuite, pour porter le lourd
fardeau qu’est devenue l’armée
coloniale. C’est pourquoi les
jeunes palestiniens de 48 et tous
les partis politiques palestiniens,
dans l’Etat sioniste, refusent
catégoriquement la loi ou le projet
de loi. Ils ont décidé de lancer un
mouvement de désobéissance civile,
ils se disent prêts à être arrêtés
et emprisonnés (ceci est un honneur,
affirment-ils) et Jamal Zahalqa,
représentant du Rassemblement
National démocratique a juste dit :
« si cela (notre refus) ne leur
plaît pas, qu’ils s’en aillent du
pays ».
Le sommaire de Fadwa Nassar
Les dernières mises à jour
|