Opinion
La reconnaissance
d'un Etat palestinien au détriment des
réfugiés?
Fadwa
Nassar
Camp de
Refugies Palestiniens Liban Copyright
BAR ELYA
Vendredi 19 août 2011
La visite au Liban du président de
l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas,
a été placée sous le signe de la
reconnaissance par le Liban de l’Etat de
Palestine, ce qui s’est concrétisé par
le changement du statut du bureau
représentatif de l’Autorité
palestinienne en ambassade de la
Palestine. Il s’agissait également de
coordonner les efforts pour la bataille
diplomatique engagée par l’Autorité
palestinienne en vue de la
reconnaissance par l’ONU de l’Etat de
Palestine, puisque le Liban occupe
actuellement un siège au conseil de
sécurité.
Le président palestinien et la
délégation qui l’accompagnait, ont
également rencontré, au cours de cette
visite, plusieurs personnalités
libanaises, dont le premier ministre,
avec qui il avait d’ailleurs inauguré
l’ouverture officielle de l’ambassade de
Palestine.
Cette visite a suscité des questions
importantes quant au statut des réfugiés
palestiniens. Deviennent-ils, dès à
présent, des citoyens de l’Etat de
Palestine, qui ne concerne que la
Cisjordanie, y compris la partie
orientale d’al-Qods, et la bande de
Gaza, alors que les réfugiés
palestiniens viennent en majorité des
villes, villages et bourgs de la
Palestine occupée en 1948 ? Ou bien
gardent-ils le statut de réfugiés en
attendant leur retour en Palestine, tel
que l’exigent le droit et la morale
humaine, d’abord, puis les résolutions
internationales, en l’occurrence la
résolution 194 qui réclame le retour des
réfugiés et la compensation de leurs
biens confisqués ?
Ces questions se posent avec acuité
d’autant plus que depuis plusieurs mois,
une bataille fait rage autour du rôle de
l’UNRWA, organe de l’ONU spécialement
créé pour aider les réfugiés
palestiniens dans les domaines du
logement, de l’éducation et du travail,
en attendant leur retour au pays. Sans
cependant aborder le dossier de l’UNRWA,
dans cet article, il est nécessaire de
dire que se profile en ces moments une
crise de confiance entre les parties
concernées, au point que des
associations de réfugiés ont monté une
association à Gaza, « UNRWA Watch »,
pour surveiller le travail de
l’organisme onusien.
Mais la visite du président Mahmoud
Abbas concerne les camps palestiniens,
qu’il n’a d’ailleurs
pas visités. Tout en déclarant le refus
de l’installation définitive des
réfugiés dans les pays d’accueil, dont
le Liban, il s’est dit prêt à remettre
les armes qui se trouvent dans les
camps, aux autorités libanaises, bref, à
démilitariser les camps palestiniens, ce
que refusent la plupart des
organisations, dont le Fateh. Les
déclarations de Mahmoud Abbas avaient
pour but d’apaiser ses interlocuteurs
libanais à propos de l’installation
définitive des réfugiés, que les
Libanais rejettent en majorité, non par
patriotisme pour une partie d’entre eux,
mais en vue de préserver un équilibre
confessionnel qui reste l’assise de
l’Etat.
Maintenir le statut de réfugiés et le
droit au retour
Mais du côté palestinien, les questions
se posent sur la signification profonde
de cette visite, et par ricochet, sur
celle de la proclamation de l’Etat
palestinien en septembre prochain, à
l’ONU. De son côté, le représentant du
Jihad islamique au Liban, Hajj Abou
‘Imad Rifa’î, a exprimé les craintes
suscitées, parmi les réfugiés,
concernant la reconnaissance de l’Etat
palestinien, au-delà de la question des
armes : tout en saluant le changement de
statut de la représentation de l’OLP,
dans le cadre de la bataille
diplomatique menée par l’Autorité
palestinienne, « car nous considérons
que toute réalisation contre l’ennemi
sioniste et face à l’administration
américaine est un acquis pour notre
peuple », il a mis en garde contre « les
projets d’installation définitive (tawtîn)
qui visent à liquider la cause des
réfugiés.
C’est pourquoi nous appelons à
distinguer entre la question des
réfugiés palestiniens et celle du rôle
de l’ambassade palestinienne au Liban.
Car le rattachement des réfugiés à
l’ambassade menace gravement leur cause,
qui est au cœur de la question
palestinienne. Les propositions faites
par les uns, consistant à fournir des
passeports aux réfugiés qui seraient
émis par l’ambassade à Beyrouth,
signifient précisément la liquidation de
la cause des réfugiés et un pas dans le
sens de la suppression de leur droit au
retour et leur privation même du droit à
le réclamer ».
Il a souligné qu’un tel pas présente de
lourdes conséquences, car il signifie le
changement du statut juridique des
réfugiés palestiniens, ceux-ci, expulsés
de leur terre occupée en 1948, et
reconnus dans le monde tels quels,
deviendraient des sujets résidents dans
un autre Etat. L’annulation du statut de
réfugiés signifie le démantèlement de
l’UNRWA avec les graves conséquences que
cela implique, la première étant
d’affranchir la communauté
internationale de sa responsabilité
envers la souffrance occasionnée par
l’occupation sioniste pendant plus de
soixante ans. Mais plsu grave encore est
la privation des réfugiés de leur droit
à réclamer le retour à leur terre et
leurs maisons, puisqu’ils deviendraient
des sujets d’un Etat dont la superficie
est limitée à une partie de la Palestine
historique, qui a reconnu l’Etat de
l’ennemi sioniste sur leur terre ».
Pour le représentant du Jihad islamique,
il faut distinguer entre « l’élévation
du niveau de la représentativité
palestinienne et la question des
réfugiés. Nous insistons sur le fait que
la responsabilité de cette cause revient
entièrement à la communauté
internationale, première responsable de
la souffrance des réfugiés, communauté
représentée par l’UNRWA. Il ne faut
faire aucun pas pouvant aller dans le
sens d’affranchir la communauté
internationale de sa responsabilité, ou
de modifier le statut juridique des
réfugiés, qui attendent le retour à leur
terre. »
Il a ajouté : « Nous, au mouvement du
Jihad islamique, nous considérons que la
présence d’une référence palestinienne
unifiée représentant les réfugiés au
Liban, et assumant la résolution de tous
leurs problèmes, est la meilleure
formule pour protéger la cause des
réfugiés au Liban, pour faire face aux
projets d’installation définitive, qui
sont fomentés pour liquider leur droit
au retour, pour résoudre les problèmes
de la vie quotidienne et les problèmes
économiques dont ils souffrent. »
Cette déclaration faite à l’occasion de
la visite de Mahmoud Abbas au Liban a
été saluée par l’ensemble des
organisations palestiniennes qui
continuent à réclamer le droit des
réfugiés à retourner au pays. Les
rassemblements pour le retour,
organisées à Maroun el-Ras, à la
frontière avec la Palestine occupée, et
dans le Golan, en vis-à-vis avec la
partie occupée par les sionistes, les 15
mai et 6 juin derniers, ont d’ailleurs
montré la détermination des réfugiés à
se battre et à se sacrifier pour le
retour au pays. C’est par leur
mobilisation et la structuration de leur
mouvement que les réfugiés sauront
empêcher l’exécution des complots qui se
trament, avec des capitales arabes et
des parties palestiniennes.
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