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Opinion
L'étouffement d'al-Qods:
un crime contre le patrimoine de l'humanité
Fadwa Nassar
Mercredi 19 janvier 2011
Le pouvoir d’occupation sioniste vient d’annoncer la décision de
compléter au cours de cette année le mur de séparation et de
colonisation, qui entoure al-Qods, dont 200 kms ont été achevés
ces récentes années. Il n’en reste en fait que 20 kms à
construire pour achever l’étouffement d’une des plus anciennes
villes dans le monde, qui symbolise, comme son premier nom
l’indique, la paix (Ur Salem). Par ce geste symbolique (car la
destruction de la ville a effectivement commencé depuis son
occupation par les colons sionistes et son étouffement il y a
plusieurs années), l’entité sioniste annonce au monde sa volonté
de détruire l’avenir de la ville sainte après avoir tenté de
détruire son passé et son présent.
Le processus de l’étouffement d’al-Qods fait partie du plan
colonial et raciste consistant à faire de la ville sainte
millénaire une ville juive, à la manière sioniste, c’est-à-dire
une ville de haine, de colonisation et de nettoyage
ethnico-religieux, exclusive et arrogante, dont le véritable et
authentique passé devrait laisser la place à un pseudo-passé
inventé et mensonger forgé par une idéologie coloniale et
raciste, et où le présent n’est que violence armée et policière
coloniale, arrestations, destructions, profanations de lieux
saints, expulsion de la population et mesures oppressives de
tout genre que seul un esprit malade et immoral peut inventer.
Le mur sioniste entourant la ville millénaire et historique
d’al-Qods, dont la construction a commencé il y a quelques
années, sous le criminel Sharon, a déjà produit ses effets
destructeurs sur la société palestinienne : séparation entre les
familles elles-mêmes, entre les familles et leurs lieux de
travail ou leurs écoles, entre les malades et leurs centres de
soins, sans parler des longues files d’attente aux « postes de
passage » entre al-Qods et la Cisjordanie, pour supporter les
soldats ennemis, leur arrogance et violence raciste et où sont
arrêtés les Palestiniens venant de Cisjordanie, voulant soit se
rendre à leur travail, soit rendre visite à leurs familles, soit
se faire soigner, soit tout simplement se rendre à la mosquée
al-Aqsa ou d’autres mosquées ou églises de la ville ou bien
visiter leur ville et capitale occupée, etc…
Les vingt kilomètres prévus pour cette année 2011 sépareront al-Qods
de Qalandia et du camp de Shu’fat. Selon Hatem Abdel Qader, il
s’agit d’une double séparation : « le mur sépare al-Qods de la
Cisjordanie, d’abord, mais il sépare également al-Qods de
certains de ses quartiers, villages et bourgs», comme cela s’est
passé avec Abou Dis, Sawahera et el-Ram. Le mur construit avait
déjà éloigné de la ville 125.000 Maqdisis, il en éloignera
100.000 supplémentaires. L’administration coloniale (Yagir
Seguev, responsable de la partie est de la ville, dans la
municipalité sioniste) a reconnu que le mur avait des fonctions
politiques et démographiques, et non seulement sécuritaires
comme certains le prétendaient. Les responsables israéliens
affirment même que ces zones situées hors du mur seront
administrées par le futur Etat palestinien, en tant que «
Jérusalem-Est ».
Il s’agit d’un hideux nettoyage ethnico-religieux, consistant à
vider la ville de sa population palestinienne : Les Palestiniens
représentent actuellement 35% de la population dans la ville
entière (est et ouest) d’al-Qods, mais le plan, établi déjà en
1973, vise à réduire ce taux à 22%. 300.000 Palestiniens vivent
dans la partie est d’al-Qods, colonisée à présent par 200.000
Israéliens. En expulsant de plus en plus de Palestiniens, par le
biais du mur et du retrait de la carte de résidence, les
sionistes espèrent devenir une majorité démographique dans la
ville.
En 1948 déjà, l’occupant avait déjà procédé au nettoyage
ethnico-religieux de la partie occidentale de la ville, en
commettant des massacres et en expulsant sa population
palestinienne, dont une grande partie de religion chrétienne.
Des quartiers entiers avaient été vidés, aussitôt occupés par
des colons juifs nouvellement débarqués en Palestine occupée. En
1967, une autre phase du nettoyage ethnico-religieux a eu lieu,
autour et à l’intérieur même de la vieille ville, avec la
destruction du quartier Sharaf, tout près de la mosquée al-Aqsa,
actuellement conçue pour être la place du « mur des lamentations
», soit le mur al-Bouraq. Outre la destruction, le retrait des
cartes de résidence, les sionistes ont également mis en place le
système des lourdes amendes et des taxes exorbitantes pour
ruiner les Maqdisis et les entraîner à quitter leur ville, «
pacifiquement ». Ils ont également anéanti, tout au long de leur
occupation, le système scolaire, interdisant la réfection des
écoles déjà en place et refusant d’augmenter le nombre des
écoles pouvant assurer une scolarité normale pour les
Palestiniens.
Cependant, la nouvelle vague de terreur que les sionistes ont
lancée contre les Maqdisis vise à présent leurs maisons mêmes :
elles sont soit détruites, en prétendant qu’elles ont été
construites de manière « illégale », c’est-à-dire sans
autorisation de l’administration coloniale qui d’ailleurs,
n’accorde pas de permis de construire aux Palestiniens, soit
livrées aux colons, prétendant qu’il s’agit de maisons jadis
habitées ou bien achetées par des juifs. Depuis quelques années,
deux quartiers d’al-Qods sont particulièrement visés : Selwan et
Sheikh Jarrah. Or, ces deux quartiers font partie d’un plan de
construction d’une ville religieuse juive, qui s’étendrait de
Sheikh Jarrah à Selwan, en passant par la vieille ville et la
mosquée al-Aqsa. N’ayant pas réussi à prouver, par la science
archéologique, leurs allégations à propos d’un passé juif de la
ville, même par les travaux de professeurs sionistes des
universités israéliennes ou internationales, ils ont alors
décidé de construire cette ville, en détruisant le passé
arabo-musulman de tous les quartiers d’al-Qods et surtout en
expulsant sa population, devenue témoin gênant d’un massacre
civilisationnel. La destruction récente de la maison historique
du mufti d’al-Qods, Abdel Qader Husseyni, pour construire des
logements coloniaux, ne fait que témoigner de la haine sioniste
pour tout ce qui rappelle le passé arabo-musulman de la ville.
Ces destructions et agressions incessantes contre les maqdisis
sont parallèles aux multiples et croissantes profanations des
lieux saints, et notamment la mosquée al-Aqsa. Le dernier
rapport annuel de l’Institution Internationale al-Qods avait
souligné le rythme de plus en plus accru des interventions des
colons à l’intérieur de la mosquée qui ne se contentent plus de
visites, mais commencent à y célébrer leurs rites religieux,
protégés par la police sioniste. Le plan sioniste consiste, au
moins, à partager la mosquée al-Aqsa, d’en couper une partie
pour la remettre aux juifs, comme ce fut le cas pour la mosquée
Ibrahimi dans la ville d’al-Khalil.
S’opposant à leur expulsion, les Palestiniens d’al-Qods,
soutenus par leurs frères en Palestine occupée de 48, résistent
à ces plans criminels. Depuis quelques années, ils ont réussi à
se mobiliser et à mettre des freins à la judaïsation. A Sheikh
Jarrah, et surtout à Selwan, au cours de 2010, les jeunes sont
parvenus à stopper l’avancée sioniste. Ni les agressions de la
police et des colons, ni les arrestations, ni les intimidations
ou menaces, ne sont parvenues à réduire leur mobilisation. Le
refus des députés d’al-Qods de se faire expulser en installant
une tente au siège de la Croix-Rouge internationale, afin
d’attirer l’attention de l’opinion internationale, sur leur
lutte et détermination et surtout pour rassembler la population
maqdisie autour de la résistance à l’occupation, est également
parvenue à freiner l’avancée sioniste.
Outre la complicité occidentale, et notamment américaine, à ce
processus criminel, c’est le silence et l’attitude passive des
Etats arabo-musulmans, qui frôlent à certains égards la
complicité, qui sont responsables de la destruction progressive
d’une ville millénaire, restée pendant des siècles un des
principaux joyaux de la civilisation humaine.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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