Opinion
Des combattants et
résistants faits prisonniers
Fadwa Nassar
Dimanche 7 octobre
2012 La célébration par
le mouvement du Jihad islamique de
la date commémorant le début de sa
lutte armée, il y a maintenant un
quart de siècle, peut être
considérée comme une célébration à
la gloire des martyrs et des
prisonniers palestiniens. Le 6
octobre 1987, deux mois avant la
première intifada, est marquée par
l’opération al-Shuja’iyya, au cours
de laquelle six combattants du
mouvement s’étaient battus contre
les soldats et officiers de
l’occupation, à Gaza même, pendant
de longues heures, avant de
succomber en martyrs. L’un des
combattants, le martyr Musbah
Assouri, s’était échappé de la
prison sioniste à Gaza, avec le
combattant martyr Khaled Jaadi, au
mois de mai 1987. Ils ne s’étaient
pas enfuis de la scène des combats
mais ont repris la lutte contre
l’occupant. L’opération armée de
Shuja’iyya, au cours de laquelle un
officier supérieur sioniste a été
tué, fut un des moments importants
ayant contribué au déclenchement de
la première intifada, dans les
territoires occupés en 1967,
puisqu’elle fut suivie par des
manifestations, réprimées dans le
fer et le sang, et ce, avant
d’arriver à l’événement déclencheur,
l’écrasement d’ouvriers palestiniens
par un char de l’occupant. Le mouvement du
Jihad islamique en Palestine a,
depuis sa fondation, connu les
prisons de l’occupation. Son
fondateur déjà, dr. Fath Shiqaqi,
avait été arrêté et détenu pendant
plusieurs années et à deux reprises,
par l’occupant, pour incitation à la
lutte et transport d’armes. Lorsque
les combattants ne succombent pas,
ils sont faits prisonniers. Ce fut
le cas de dizaines de combattants,
avant même le début de la première
intifada, et parmi eux, les
combattants ayant réussi à
s’échapper de prison en mai 1987.
Les combattants et résistants du
Jihad islamique subirent une féroce
répression, au cours des premiers
mois de l’intifada, de sorte que des
analystes politiques ont cru à la
disparition du mouvement. Mais c’est
sans compter sur l’esprit et le
souffle nouveaux qui ont réussi à
mobiliser des centaines de jeunes,
partout en Palestine et dans l’exil,
des hommes et des femmes, venant
d’horizons divers, mais tous attirés
par l’encadrement idéologique et
politique du mouvement, fondé sur
les trois termes : islam, palestine
et jihad (combat). Ataf ‘Alayan :
une combattante pour la liberté
Son nom fut
longtemps associé à la détention
administrative qu’elle a dû
affronter, pendant l’intifada al-Aqsa,
et la longue grève de la faim
qu’elle a menée pour réclamer son
bébé de 18 mois. Mais Ataf ‘Alayan
avait été fait prisonnière suite à
une opération armée (non pas la
première) contre l’occupation, dans
la région d’al-Qods. Elle avait
également mené une grève de la faim
pendant 40 jours, pour réclamer la
cessation de la torture. Pendant
toute la période de la grève de la
faim de Hana’ Shahabi, au début de
cette année, Ataf ‘Alayan s’est
retrouvée au premier rang des
manifestants pour réclamer la fin de
la détention administrative.
Qahira Saadi,
Fatima Zaq, Hana’ Shalabi et Lina
Jarbouni
Des combattantes et
des résistantes, arrêtées au cours
ou avant les opérations armées
contre l’occupant, mais aussi, comme Hana’ Shalabi, pour « prévenir »
tout acte de résistance. Qahira
Saadi, membre du mouvement du Jihad
islamique, et mère de quatre
enfants, proche parente du résistant
Sheikh Bassam Saadi, toujours en
détention administrative, avait été
arrêtée en 2001 pour avoir participé
à une opération armée contre
l’occupation. Elle fut condamnée à
plusieurs perpétuités avant d’être
libérée au cours de l’opération
d’échange avec le soldat sioniste
Shalit, il y a presque un an.
Aujourd’hui, Qahira Saadi se bat
pour la libération de Lina Jarbouni,
sa sœur de lutte et de détention,
comme c’est le cas pour Fatima Zaq,
qui avait accouché en prison, et
dont le fils, le plus jeune des
prisonniers palestiniens, entre
cette année en maternelle. Lina
Jarbouni, des territoires
palestiniens de 48, avait été
condamnée à 13 années de prison à
cause de son appartenance au
mouvement du Jihad islamique et sa
participation à la préparation d’une
opération armée, mais l’accord
d’échange contre le soldat sioniste,
qui a libéré toutes ses compagnes de
lutte et de détention, n’a pas
réussi à la libérer, elle aussi. Elle
fut la principale victime de la
fourberie sioniste et du manque de
précision de la liste des
prisonniers et prisonnières fournie
par la résistance palestinienne et
supervisée par l’Egypte.
Fouad Razim,
doyen des prisonniers d’al-Qods,
libéré
A la tribune, devant
les foules immenses venues ce 4
octobre à Gaza, pour célébrer la
fondation du mouvement du Jihad
islamique et la date de l’opération
symbole d’al-Shuja’iyya, il y a 25
ans, Fouad Razim, libéré après 31
ans de détention suite à l’accord
d’échange, a rappelé la nécessité de
se mobiliser et de poursuivre le
combat, pour empêcher la judaïsation
d’al-Qods et la libérer. Bien qu’il
considère Gaza comme sa patrie,
puisque c’est la Palestine, Fouad
Razim rêve cependant de sa ville
natale d’al-Qods, à laquelle il ne
peut revenir, puisque l’occupant le
lui a interdit. La maison paternelle
a été démolie, après l’opération
armée qu’il a menée, juste après la
fondation du mouvement du Jihad
islamique. Les sionistes ne lui
pardonnent pas ses apparitions
devant les tribunaux, où il refusait
de « s’excuser » et ne faisait que
répéter que s’il le pouvait, il
recommencerait, refusant de
reconnaître la légalité de ces
tribunaux. Sa famille, et surtout sa
mère, décédée pendant sa détention,
furent soumises aux humiliations par
l’occupant, pensant que cela ferait
fléchir le combattant. Aujour’hui,
Fouad Razim et ses frères de combat,
libérés et certains éloignés à Gaza,
comme lui, ont repris le flambeau de
la résistance.
La bataille pour
la dignité : Sheikh Khodr Adnan,
Hana’ Shalabi, Bilal Diab, Thaer
Halahla et les autres
Khodr Adnan, jeune
résistant de ‘Arrabe, dans la région
de Jénine, a été détenu plusieurs
fois par l’occupation, et par
l’Autorité palestinienne. C’est lui
qui fut à l’initiative de la
protestation contre la venue de
Lionel Jospin à l’université, en
2000, alors que ce dernier venait de
condamner le Hezbollah, l’accusant
de « mouvement terroriste ». Sheikh
Khodr Adnan, un des principaux
responsables du mouvement du Jihad
islamique en Cisjordanie, a
déclenché, au mois de janvier
dernier, la bataille pour la dignité
des prisonniers et des Palestiniens,
en refusant le principe de la
détention arbitraire. Sa grève de la
faim de 66 jours, aujourd’hui
dépassée, a cependant été
victorieuse, à cause de la
libération de Khodr Adnan, mais
aussi du large mouvement populaire
qu’elle a suscitée dans les
territoires occupés, et de l’espoir
qu’elle a donnée aux nouvelles
générations. Suite et parallèllement
à sa bataille, plusieurs prisonniers
administratifs osent défier
l’occupant. Hana’ Shalabi, Bilal
Diab, Thaer Halahla, Mahmoud Safadi,
Mahmoud Sersek, Ja’afar Izzidine,
résistants du mouvement du Jihad
islamique ou proches, ils ont décidé
l’affrontement, sous le signe de la
« dignité ». Aujourd’hui, après leur
libération (Mahmoud Safadi est
toujours en détention), tous sont
engagés dans la poursuite du
mouvement, dans la solidarité avec
les prisonniers toujours en grève de
la faim et dans la mobilisation
populaire, contre l’occupation et la
coordination avec l’occupant.
Combattants et
résistants, les fils et filles du
mouvement du Jihad islamique, fondé
il y a 31 ans par dr. Fathi Shiqaqi,
tombé martyr le 26 octobre 1995,
poursuivent le chemin. Ataf ‘Alayan
a déclaré à ce propos « qu’un
mouvement dont le secrétaire général
tombe martyr ne peut être vaincu »,
reprenant les mêmes paroles de dr.
Fathi Shiqaqi, suite à l’assassinat
de Sayyid Abbas Moussawi, secrétaire
général du Hezbollah, quelques mois
auparavant. Islam, Palestine et
Jihad, ce sont les mots d’ordre pour
lesquels ces combattants et
résistants se sont engagés. Depuis
la bande de Gaza ils lancent leurs
fusées sur les colonies sionistes
installées dans la Palestine
occupée, instaurant un équilibre «
de la terreur » contre l’armée
sioniste. Dans le reste de la
Palestine et dans l’exil, ils se
battent sur le terrain, forment et
organisent la jeunesse. Ils savent
que le chemin qu’ils ont emprunté
s’achève par le martyre, la nouvelle
vie souhaitée par tous les
combattants de la liberté. Mais ils
savent aussi qu’en attendant de
parvenir à ce stade, les prisons de
l’occupation sont souvent les «
demeures » de passage.
Gloire à tous les
martyrs et les prisonniers de la
révolution palestinienne !
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