Opinion
Reconstruire
les camps des réfugiés palestiniens en
attendant le retour au pays
Fadwa Nassar
Camp de
Refugies Palestiniens Liban Copyright
BAR ELYA
Lundi 5 septembre
2011
Le document wikileaks
relatif au camp de Nahr el-Bared, au
nord du Liban, récemment publié, suscite
bien de remous, notamment au sein des
réfugiés palestiniens au Liban. Rappelons
d’abord les faits : des groupes armés,
composés de plusieurs nationalités
arabes (libanais, palestiniens, syriens,
saoudiens, irakiens, koweitiens, etc..),
qui s’étaient installés dans le camp des
réfugiés palestiniens de Nahr el-Bared,
engagent un combat contre l’armée
libanaise, au mois de mai 2008, suite à
des combats de rue dans la ville de
Tripoli. Ce sont les miliciens de
Fath-el-islam. L’armée libanaise,
voulant déloger les miliciens, détruit
le camp, non sans avoir demandé au
préalable, par le biais du gouvernement,
à la population civile de se réfugier
momentanément ailleurs. Les réfugiés
palestiniens et leurs organisations
politiques et militaires abandonnent
leurs maisons et leurs biens, fruits
d’une vie de labeur, ayant décidé qu’il
valait mieux, pour l’avenir des
relations palestino-libanaises, ne pas
affronter les autorités libanaises et
croire en leurs promesses.
Cela, c’est la version
classique vendue aux réfugiés et leurs
amis, et aux médias. Selon cette
version, les réfugiés retourneront à
leur camp, reconstruit avec les fonds
européens et arabes. Il suffit
d’attendre, de supporter et surtout
d’avoir foi dans les autorités
libanaises, palestiniennes, arabes et
internationales.
La vraie version est
tout autre et a été révélée par le
document publié par wikileaks ces
derniers jours, portant le n°
BUCHAREST37408, dévoilant au grand jour
les mensonges et les compromissions de
toutes ces parties. Dès le 15 mai 2008,
soit en pleine bataille, l’ambassade
américaine à Bucarest annonce qu’un plan
américain est mis en route dans le cadre
d’un plan régional, en collaboration
avec les autorités libanaises,
palestiniennes et saoudiennes, pour
supprimer le camp de Nahr el-Bared et
transférer ses réfugiés dans une
nouvelle ville conçue près de Ramallah,
en Cisjordanie, la ville nouvelle d’al-Rawabi.
Les réfugiés palestiniens de Nahr-el-Bared
se comptent à 35.000 personnes et la
ville d’al-Rawabi pourrait accueillir
40.000, elle serait donc conçue sur
mesure.
Ce document dévoile les
mensonges de l’ancien premier ministre,
le sinistre Sanioura, qui avait assuré,
sans ciller, que « la sortie du camp est
momentanée, la reconstruction certaine
et le retour inévitable » au moment même
où il participait au plan de transfert
des réfugiés. Les
assurances fournies par Sinioura et le
représentant de l’Autorité palestinienne
à Beyrouth, Abbas Zaki, s’avèrent être
des mensonges délibérés pour faire taire
leur voix, alors qu’ils complotaient
contre le droit au retour des réfugiés à
leur patrie, à leurs villes et villages
d’où ils ont été expulsés et la
récupération de leurs biens.
Les réfugiés
palestiniens du camp de Nahr-el-Bared
avaient suivi les consignes et attendent
encore, patiemment, la reconstruction du
camp. Celle-ci est en route, assure-t-on
dans les cercles onusiens, libanais et
palestiniens, mais sous quelle forme ?
Là gît une autre question. Il est vrai
que le camp se reconstruit, mais d’une
manière qui laisse à croire qu’il va
s’agir d’un quartier libanais et non
d’un camp palestinien, ou alors d’un
camp à la nouvelle mode, c’est-à-dire
avec un poste de la police libanaise en
plein milieu, avec des routes assez
larges pour que puissent circuler des
véhicules (blindés ?). Dans tous les
cas, le cœur du camp a disparu, à tout
jamais, avec ses maisons et ses ruelles
typiques, où une vie sociale
palestinienne s’était tissée dans
l’exil, autour de la revendication du
retour et de la libération de la
Palestine.
Après la destruction du
camp de Jénine, en Cisjordanie, en 2002
par l’armée sioniste, qui avait rasé des
quartiers entiers pour écraser les
combattants et leurs familles sous les
décombres, les Emirats arabes unis
s’étaient portés volontaires pour
reconstruire les quartiers détruits. Les
normes sionistes furent appliquées,
puisque l’Autorité palestinienne n’a
aucune voix au chapitre : les rues sont
assez larges pour laisser passer les
véhicules militaires et les maisons
assez espacées les unes des autres pour
empêcher les combattants recherchés de
se déplacer librement et de fuir leurs
poursuivants. Mais il n’y avait aucun
plan, alors, pour détruire le camp en
entier et déplacer ses habitants. Ils
iraient où, sinon en Palestine même, au
cœur même de la région occupée par les
sionistes en 48. Le camp fut donc
maintenu, mais avec des quartiers
« modernisés » pour répondre aux normes
de la sécurité sioniste.
Le camp de Nahr el-Bared
n’est pas le premier à être détruit au
Liban, mais il est le premier à être
reconstruit, du moins en partie, grâce à
la persévérance de sa population et la
présence d’une volonté politique dans le
pays hostile aux plans américains dans
la région . Avant lui, d’autres camps le
furent par d’autres forces militaires :
le camp de Tell el-Zaatar fut bombardé
par les Phalanges libanaises avec la
supervision de l’armée syrienne, qui
était leur alliée lors de cet épisode de
la guerre civile libanaise. Les
Phalanges ont vite fait de détruire
toute trace de son existence. Le camp de
Nabatiyeh a été détruit par l’ennemi
sioniste. Celui de Jisr-al-Bacha, par
les Phalanges également.
Mais ce qui distingue le
sort de Nahr el-Bared des autres camps,
c’est la perfidie et la fourberie des
responsables libanais et palestiniens,
surtout, étant donné que ce sont eux qui
« rassuraient » les réfugiés de leur
retour, d’autant plus que les réfugiés
ne sont sortis de leur camp qu’après
avoir reçu ces assurances. Dans tous les
cas, les réfugiés ont compris la leçon :
ils refuseront désormais de quitter ces
camps de misère sauf s’il s’agit de
retourner en Palestine, là où sont leurs
terres et où furent ou sont leurs
maisons, qu’il pleuve des bombes ou des
fusées sur leurs têtes.
Revendiquer et lutter
pour la reconstruction du camp de Nahr
el-Bared ne signifie aucunement vouloir
demeurer au Liban, assurent les réfugiés
à ceux qui ne comprennent pas leur
insistance à vouloir vivre dans un camp.
Continuer à vivre dans un camp de
réfugiés s’avère être une des
principales armes pour exiger le retour
au pays. Vivre dans le camp c’est être
certain que l’UNRWA, office de l’ONU
chargée des réfugiés palestiniens,
continuera à assurer sa mission, même
imparfaite. Vivre dans le camp c’est
maintenir une vie palestinienne en exil,
maintenir une culture et un mode de vie
en liaison avec les Palestiniens
réfugiés dans le monde, dans l’attente
du retour au pays. Vivre dans le camp,
c’est finalement être sous la protection
des armes palestiniennes, souvent très
mal utilisées certes, mais qui
continuent cependant à empêcher toute
attaque et à imposer le respect de
l’être palestinien.
Dans un pays où de
nombreuses voix affichent clairement
leur hostilité à la présence
palestinienne, où plusieurs massacres
ont été commis par des bras libanais et
où des forces politiques refusent encore
d’accorder les droits civiques aux
réfugiés, il est nécessaire de se
protéger.
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