Prisonniers
Quelle protection
pour les prisonniers libérés ?
Fadwa
Nassar
Hanaʼ
Shalabi - Photo : CPI
Lundi 5 mars 2012 L’arrestation de Hana’ Shalabi par
l’armée sioniste il y a deux
semaines pose de manière urgente le
problème de la protection des
prisonniers libérés au cours de
l’opération d’échange d’octobre
dernier, qui avait réussi à libérer
1054 prisonniers et prisonnières
contre le soldat sioniste Shalit
capturé sur son char dans la bande
de Gaza. Hana’ Shalabi faisait partie des
prisonnières libérées. Elle avait
été arrêtée avant d’être placée sous
détention administrative. Elle est
libérée deux mois et demi plus tard,
dans le cadre de cette opération
d’échange. Il y a plus de quinze
jours, elle est à nouveau arrêtée et
menacée d’être placée en détention
administrative, une nouvelle fois.
Depuis, elle mène une grève de la
faim, refusant le principe de cette
forme de détention arbitraire et des
traitements humiliants que subissent
les prisonniers et prisonnières,
notamment lors de leur arrestation
et interrogatoire. Elle poursuit la
lutte menée par le dirigeant Khodr
Adnane qui, après 66 jours de grève
de la faim, a réussi à arracher la
promesse de sa libération le 17
avril prochain. Mais Hana’ Shalabi n’est pas la
seule prisonnière à être de nouveau
jetée en prison, après sa
libération. Trois autres prisonniers
libérés au cours de l’opération
d’échange ont été arrêtés dans la
région d’al-Khalil, au cours des
mois précédents. Il s’agit de Ayman
Isma’il Sherwane, arrêté au mois de
janvier, et placé en détention
administrative pour 6 mois, de Ayman
Abou Daoud, arrêté en février, alors
qu’il s’était déplacé au siège du
gouverneur militaire sioniste pour
signaler sa présence, selon
l’obligation faite par l’occupation
à tous les prisonniers libérés
vivant en Cisjordanie, al-Qods y
compris. Et récemment, Azzam Ahmad
Abou Arqoub est arrêté et placé en
détention administrative pour la
sixième fois. D’autres prisonniers libérés ont été
menacés et convoqués aux postes
militaires. L’un d’eux, dans la
province de Nablus, Nassim Hilmi
Karkari, 40 ans, a récemment fait
l’objet d’une incursion dans sa
maison, par une patrouille de
l’occupation, pour lui remettre un
ordre de convocation. Plusieurs
prisonniers ont été interdits de
voyager pour se faire soigner, alors
que leurs maladies sont dues aux
mauvaises conditions de détention. Membre du bureau politique du Hamas
et ancien prisonnier responsable du
dossier des prisonniers, M. Saleh Aruri a récemment mis en garde
contre la vague d’arrestation qui
touche les prisonniers libérés. Il a
déclaré dans une interview avoir
rencontré les responsables égyptiens
pour en discuter, étant donné que
l’Egypte a supervisé l’accord
d’échange. Pour lui, trois questions
urgentes demeurent et doivent faire
l’objet de l’intervention égyptienne
: l’arrestation des libérés, la
libération des prisonnières et la
fin de la mise en isolement des
dirigeants de la résistance. Quant à
Ahlam Tamimi, prisonnière libérée
qui avait été condamnée à 16
perpétuités, et membre du Hamas,
elle a récemment évoqué un plan
sioniste visant à assassiner les
prisonniers libérés déportés hors de
Palestine, en Turquie notamment. De son coté, Riad Achkar, chercheur
dans la question des prisonniers, a
indiqué que l’occupation procède par
petits pas, kidnappant les
prisonniers libérés les uns à la
suite des autres, afin de ne pas
soulever des vagues de protestation
populaire ou d’attirer l’attention
des médiateurs arabes, notamment
l’Egypte. Il a également lancé un
appel aux responsables égyptiens,
leur réclamant de faire appliquer
les termes de l’accord avec les
forces de l’occupation.
L’Egypte et l’Autorité palestinienne Il est vrai que l’Egypte post-révolutionnaire a joué un rôle
important dans l’accord d’échange
des prisonniers, mettant fin aux
pressions exercées sur la résistance
palestinienne, représentée par le
Hamas, pour permettre la libération
de plusieurs centaines de
prisonniers, condamnés à perpétuité.
L’ancien régime égyptien avait
refusé d’aller dans ce sens. Mais
des questions se posent cependant
sur la volonté du nouveau régime de
faire respecter cet accord, qui a
été violé par les sionistes dès le
premier jour : toutes les
prisonnières ne furent pas libérées,
notamment celles qui sont
originaires des territoires
palestiniens occupés en 48, Wouroud
Kassem et Lina Jarbouni, la première
étant accusée de faire partie du
FPLP et la seconde du mouvement du
Jihad islamique. A présent, c’est la
vague des arrestations des
prisonniers et prisonnières libérés
dans cet échange. Que fait le régime
égyptien ? Superviseur de l’accord,
c’est lui qui devrait exercer des
pressions, et il en a les moyens,
pour faire respecter par les
sionistes les termes de l’accord. Certains ont vite accusé la
résistance islamique du Hamas de
n’avoir pas négocié, par l’Egypte
interposée, un véritable échange,
qui protègerait les résistants
libérés, comme lors des précédents
échanges. Mais ils oublient de
prendre en considération la présence
de l’Autorité palestinienne à
Ramallah qui joue un rôle non
négligeable, du moins par son
attitude passive, dans cette
question. Il est vrai que le président de
l’Autorité palestinienne, M. Abbas,
avait reçu les prisonniers libérés
dans une ambiance de joie et
d’allégresse, que les sionistes
n’avaient pas réussi à gâcher,
malgré tous leurs efforts. Mais
au-delà de cette reception et
au-delà de l’aide matérielle
accordée aux libérés, l’Autorité
palestinienne de Ramallah n’a pas
cherché à assurer la protection des
prisonniers libérés. Elle n’a pas
tiré la sonnette d’alarme en ce qui
les concerne devant les
organisations internationales,
devant la « communauté
internationale » et tous les
visiteurs étrangers qui se rendent à
Ramallah, alors qu’elle s’appuie sur
ses relations internationales pour
faire valoir sa légitimité. Le
ministère chargé des prisonniers et
libérés, du gouvernement de
Ramallah, reste actif et mobilise de
son mieux, mais il assiste
impuissant aux enlèvements répétés
et au durcissement des conditions de
détention. Si le dossier des
prisonniers libérés et même de tous
les prisonniers n’est pas pris en
compte par les responsables de
l’Autorité palestinienne, si
celle-ci ne mobilise pas ses
ambassades et ses relations
internationales, si elle ne soulève
pas la question devant les visiteurs
étrangers, l’Etat de l’occupation
risque là aussi de poursuivre sa
politique criminelle. Quant au peuple palestinien, dans
les territoires occupés en 67 ou en
48, et dans l’exil, il est mobilisé
autour de la question des
prisonniers. Il poursuit les
manifestations, réclamant à présent
la libération de Hana’ Shalabi,
après s’être mobilisé pour le
prisonnier Khodr Adnan (tous les
deux appartiennent au mouvement du
Jihad islamique). Les prisonniers
également se mettent en grève en
soutien à Hana’ Shalabi et
protestent contre leurs conditions
de détention. Certains analystes
annoncent une révolte dans les
prisons, d’autres considèrent que la
situation explosive dans la ville
d’al-Qods risque d’allumer une
nouvelle « intifada ». Quant aux
prisonniers détenus administratifs,
qui sont au nombre de 320 environ,
ils préparent la grève des
tribunaux, comme première mesure
pour une campagne de longue haleine
contre la détention administrative,
la détention la plus arbitraire qui
soit, dans un pays sous occupation.
Le sommaire de Fadwa Nassar
Le dossier des prisonniers
Les dernières mises à jour
|