Opinion
La déportation des
Palestiniens :
un crime qui ne dérange pas l'ONU
Fadwa
Nassar
Mercredi 4 avril 2012 La déportation vers la bande de Gaza
de la prisonnière libérée Hana’
Shalabi est le dernier exemple de
déportation exécutée par l’occupant
sioniste de la Palestine, il y a
quelques jours. Hana’ Shalabi a dû
mener une grève de la faim de 44
jours pour être libérée de la
détention administrative, détention
arbitraire pratiquée par l’occupant,
et dont la France officielle n’a
dénoncé que l’aspect excessif et
systématique, mais pas le principe.
Lors des derniers jours de la grève
de la faim, la combattante Hana’
Shalabi a été mise en isolement,
soumise à des pressions
psychologiques et physiques : elle
fut menottée et attachée dans sa
cellule, et la visite de son avocat
et de sa famille interdite. Les
instructeurs sionistes l’ont menacée
pour qu’elle cesse son mouvement de
protestation, et face aux pressions,
elle a dû céder : accepter d’être
déportée à Gaza (qui est cependant
son pays) au lieu de l’être vers la
Jordanie, pour trois ans, si elle
arrêtait la grève de la faim. Hana’ Shalabi n’est pas la première
à avoir été déportée vers Gaza.
Depuis plusieurs années déjà, l’Etat
sioniste a décidé de « se
débarrasser » des prisonniers
combatifs en les libérant de la
prison pour les expulser du pays, ou
les conduire vers le poste militaire
de Beit Hanoun, séparant le
territoire de Gaza de l’Etat
sioniste, loin de leurs familles qui
les attendaient. Sheikh Salah Arouri,
déporté en Syrie, et responsable du
dossier des prisonniers, dans le
mouvement Hamas, fait partie de ces
prisonniers libérés mais déportés.
De la même manière, les députés
d’al-Qods, qui avaient été kidnappés
en 2006 pour appartenance à la liste
électorale soutenue par le Hamas,
avaient été mis en détention
administrative pour plusieurs
années. Sitôt libérés, ils furent
menacés de déportation. Ils ont
protesté et se sont réfugiés dans le
local du comité international de la
Croix-Rouge, à Sheikh Jarrah dans
al-Qods. Mais la police et les
services sécuritaires sionistes
n’ont que faire de la Croix-Rouge et
de son local : ils violent
l’immunité du lieu et s’emparent des
députés. Deux sont déportés et les
deux autres placés en détention
administrative. Entretemps, les
autorités de l’occupation retirent à
ces maqdisis, qui sont nés et ont
été élevés dans al-Quds, et qu’ils
n’ont jamais quitté (sauf pour la
prison), leurs cartes de résidence
pour justifier leur déportation. Et
pour couronner le tout, le CICR n’a
élevé aucune protestation : il a
tout simplement laissé faire,
prouvant par là que la communauté
internationale est sinon complice,
du moins inutile quand il s’agit des
droits du peuple palestinien. Depuis l’occupation de la ville
d’al-Quds et de la Cisjordanie plus
globalement, plusieurs dizaines de
milliers de Palestiniens ont été
déportés vers les pays arabes,
notamment en Jordanie. Ces
Palestiniens expulsés de leur pays
depuis 1967 par les forces de
l’occupation s’ajoutent aux
centaines de milliers de
Palestiniens, expulsés à partir de
1948 et qui forment les réfugiés
palestiniens, que l’Etat sioniste
empêche de retourner dans leur pays. Si l’expulsion en 1948 fut massive
et représente la catastrophe suprême
pour le peuple palestinien, parce
qu’elle a vidé le pays de ses
habitants légitimes pour les
remplacer par des colons
dévastateurs, l’expulsion des
dizaines de milliers de Palestiniens
par la suite, depuis 1948 jusqu’à
présent, n’en représente pas moins
un crime de guerre, étant donné que
ces colons poursuivent, d’une part,
leur projet de « nettoyer » le pays
de ses habitants autochtones, et
qu’ils cherchent d’autre part à
détruire la société palestinienne,
en frappant par le haut,
c’est-à-dire ses éléments combatifs,
son élite politique, économique, et
intellectuelle. Des dizaines de
professeurs d’universités, des
journalistes, des écrivains ont été
déportés, sans que la communauté
internationale ne s’émeuve de ces
atteintes « aux droits de l’homme »
de vivre dans son pays et sur sa
terre, parmi sa famille et ses
proches, ses voisins et ses amis. Le 10 mai 2002 déjà, les forces de
l’occupation avaient banni et
expulsé, sous l’égide de la
communauté internationale, 39
combattants et résistants de
l’Eglise de la Nativité de
Bethlehem, suite à 39 jours de siège
de l’Eglise, 26 vers la bande de
Gaza et 13 dans les capitales
européennes. Certains sont décédés
dans leur exil, d’autres attendent
leur retour, voilà maintenant dix
ans. Certains sont malades, d’autres
furent absents des occasions
familiales (décès, naissances,
mariages, etc..) et dans les
capitales européennes où ils ont été
déportés, ils sont soumis à des
mesures sécuritaires. Mais ils ont
surtout été oubliés par l’Autorité
palestinienne de Ramallah, qui ne
réclame plus leur retour. Seules
leurs familles poursuivent les
protestations et à chaque nouvelle
déportation, le comité des déportés
de l’Eglise de la Nativité réclame à
nouveau leur retour et l’attention
des autorités de Ramallah envers
leur cause. Kifah Harb, l’épouse du martyr
Abdallah Daoud, mort en déportation
il y a deux ans, a déclaré lors de
la commémoration de son martyre, que
« Abdallah Daoud est revenu au pays,
dans un cercueil. Il est temps
d’agir pour un retour immédiat et
rapide des déportés » et a annoncé
que des demandes ont été faites à
l’ONU pour activer leur retour, mais
il fallait avant tout que l’Autorité
de Ramallah adopte leur demande, et
que les efforts officiels s’ajoutent
aux efforts populaires pour mettre
fin aux souffrances des déportés. La déportation fut aussi le sort
réservé à des prisonniers libérés
dans le cadre de l’accord d’échange,
sous l’égide des nouvelles autorités
égyptiennes, du soldat criminel halit contre les 1045 prisonniers
et prisonnières palestiniens. 40
prisonniers palestiniens furent
déportés dans des capitales arabes
(Syrie, Qatar, Jordanie) et
musulmanes (Turquie), et 163 furent
déportés à Gaza (bien que ce soit
leur pays). Hana’ Shalabi avait été
libérée, lors de cet accord
d’échange, pour retourner dans sa
famille. Mais pour les sionistes,
aucun accord ne tient : les forces
de l’occupation se sont
immédiatement lancées dans
l’arrestation des prisonniers
libérés, et la combattante Hana’
Shalabi, entre autres, pour les
placer en détention administrative,
ce qui veut dire les arrêter parce
qu’ils dérangent, par leur présence
dans leur pays, les troupes de
l’occupation. La lutte exemplaire de
Hana’ Shalabi qui a mené la grève de
la faim pendant 44 jours, suite à
son compagnon politique du Jihad
islamique, Sheikh Khodr Adnan, qui a
refusé son arrestation et le
principe détention administrative,a
certes abouti à sa libération, mais
l’occupant est parvenu cependant à y
glisser ce qu’il considère comme sa
vengeance, contre les prisonniers
libérés et surtout contre les
grévistes de la faim, la
déportation. Ni l’ONU, ni l’Union européenne, ni
les organismes des droits de l’homme
ou tout autre organisme
international, n’ont protesté ni ne
protestent contre ce crime de guerre
que représente la déportation des
Palestiniens de leur pays, de leur
ville ou village. Les Palestiniens
d’ailleurs le savent, puisqu’ils
l’ont expérimenté depuis l’opération
massive d’expulsion et de
déportation en 1948 : ce n’est qu’en
prenant les choses en main, par
eux-mêmes, qu’ils pourront faire
cesser ces crimes. C’est d’ailleurs
ainsi, envers et contre tous, que la
résistance palestinienne est née,
contre l’occupant britannique puis
l’occupant sioniste. Et malgré les
souffrances quotidiennes qu’il
endure, il poursuit son combat, sans
relâche et avec détermination.
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