Ha'aretz
A
l’encontre de toute logique de l’aménagement du territoire
Eli
Elan
Village du Naqab
Haaretz, 21
août 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/895513.html
Version
anglaise :
Against all planning logic
www.haaretz.com/hasen/spages/895578.html
Les
chiffres ne laissent pas beaucoup de place au doute : la
non-reconnaissance des villages bédouins dans le Néguev relève
d’une discrimination flagrante. Dans chaque village non reconnu
vivent de 500 à 5.000 citoyens de l’Etat, et selon les critères
acceptés en Israël en matière de planification, il s’agit de
localités de fait. Le Bureau Central des Statistiques définit
une localité comme un lieu où des personnes (dont au moins 40
adultes) vivent de manière constante, un lieu doté d’un
conseil local, mais qui ne se trouve pas dans le domaine de
juridiction d’une autre localité et qui est reconnu par le
Ministère de l’Intérieur. Les villages bédouins répondent
ainsi à tous les critères objectifs. Seul l’arbitraire
gouvernemental fait obstacle à leur reconnaissance.
Les
50.000 habitants des villages non reconnus n’ont pas droit à
une reconnaissance de la part des autorités et ils n’ont par
conséquent droit à aucun des services, même les plus élémentaires.
Les localités dans lesquelles ils vivent – et qui ne sont pas
indiquées sur les cartes – n’ont pas de plan directeur et on
n’y a pas développé d’infrastructures comme des routes,
l’eau, l’évacuation des eaux usées et l’électricité. Les
Bédouins ne peuvent pas recevoir de permis de bâtir, ils se
voient dès lors empêchés de construire des maisons de manière
légale et contraints de vivre sous la menace de démolitions.
Cela alors que c’est l’Etat qui les a établis là où ils
sont il y a plus de 50 ans, quand ils ne sont pas là depuis avant
la création de l’Etat.
Des
localités juives présentant des caractéristiques comparables à
celles des villages non reconnus ont, de manière générale, eu
droit à une reconnaissance officielle. Il y a même des localités
juives qui ont été établies à titre privé sans aucune démarche
ni approbation de type urbanistique et qui ont été reconnues après
coup. En outre, jamais l’Etat n’a pris la décision d’exiger
des habitants d’une localité juive présente en Israël de déménager
dans une localité voisine ou dans une ville proche à la manière
dont par exemple, les habitants de ces villages se sont vu
demander d’aller habiter dans des villes bédouines reconnues
comme Rahat.
Il
semble que lorsqu’il s’agit de la population juive, non
seulement le phénomène de la non reconnaissance de localités
existantes n’apparaît pas, mais il est permis de fonder de
nouvelles localités à l’encontre de toute logique urbanistique
professionnelle. Alors que des dizaines de milliers de citoyens de
l’Etat attendent en vain une reconnaissance depuis 60 ans, le
gouvernement a promu et promeut encore la création de nouvelles
localités communautaires dans le Néguev – pour Juifs évidemment
– en partie aux endroits où se trouvent les villages non
reconnus. Par ailleurs, l’Etat projette de créer encore des
dizaines de fermes isolées sur le territoire du Néguev en plus
des fermes existantes, alors qu’elles ont été installées en
complète contradiction avec la politique nationale de
planification et avec les directives du Conseil National pour la
Planification et la Construction.
L’étendue
du problème n’est pas si énorme qu’on tend à le présenter :
il est question en tout de 46 villages concentrés sur un
territoire représentant environ 2% seulement de la superficie du
Néguev – 12 d’entre eux ont été reconnus au compte-gouttes
au fil des ans et il n’y a aucun obstacle dans l’ordre de la
planification à faire avancer, séance tenante, le processus de
reconnaissance des 34 villages restants.
La
discrimination qui se perpétue à l’encontre de la communauté
des Bédouins habitant les villages non reconnus est un signe de
Caïn sur notre front. Il revient au gouvernement de les reconnaître
immédiatement, et aux autorités chargées de la planification de
cesser de traiter ces villages comme s’ils étaient transparents :
elles doivent les intégrer dans tous les plans nationaux, départementaux
et régionaux, et reconnaître à leurs habitants des droits
fondamentaux comme un toit, des infrastructures et le droit à une
représentation municipale.
L’auteur est architecte et urbaniste, membre de
l’association « Bimkom - urbanistes pour le droit à
l’aménagement du territoire ». (www.bimkom.org)
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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