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Ha'aretz
La colonisation : un Etat mafieux
Dror Etkes *
[hier (mardi), Shalom Arshav a
publié un rapport qui montre pour la première fois, chiffres à
l'appui, que 40% au moins des terres sur lesquelles sont bâties
les colonies, même les plus anciennes, appartiennent à des
personnes palestiniennes privées. En attendant de traduire ce
rapport, voici la tribune publiée ce jour dans Ha'aretz par Dror
Etkes, responsable de l'Observatoire de la colonisation de Shalom
Arshav et auteur de ce rapport]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/790934.html
Ha'aretz, 22 novembre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Les chiffres qu'a publiés hier l'Observatoire de la colonisation
de Shalom Arshav (La Paix Maintenant) à propos des terres privées
sur lesquelles sont bâties les colonies, montrent une image
effrayante du comportement de l'Etat d'Israël dans les
territoires. Environ 40% des terres occupées par les colonies
sont des terres qui appartiennent à des personnes privées
palestiniennes, chiffres de l'Administration civile. Pour le dire
plus simplement : pendant des dizaines d'années, Israël a étendu
et renforcé l'entreprise de colonisation en dépossédant des
propriétaires palestiniens de leurs terres, propriété que même
l'Etat d'Israël ne conteste pas. A rapprocher de l'argument,
souvent invoqué par les colons ou par les représentants de l'Etat,
selon lequel "les colonies sont établies sur des terres d'Etat."
(1)
Quelles ont été les méthodes utilisées? De 1967 à 1979,
l'administration militaire israélienne (connue sous le nom
d'Administration civile) en Cisjordanie a fait un usage intensif
de la procédure d'"acquisition de terres pour raisons de sécurité"
pour s'emparer de milliers d'hectares de terres palestiniennes
privées. En pratique, ces terres ont servi à l'extension des
colonies.
Bien que "l'acquisition de terres pour raisons de sécurité"
dans une zone occupée soit permise par le droit international,
elle est également limitée dans le temps. La Haute cour de
Justice a ainsi rejeté les recours déposés par les propriétaires
contre ces acquisitions, en se fondant sur l'argument que les
colonies avaient bien une valeur ajoutée en termes de sécurité,
étant situées au cœur de zones dont la population est hostile.
Ce qui signifie qu'au départ, ces colonies destinées à durer
ont été établies sur des terres dont l'acquisition devait être
temporaire. Or, à ce jour, des dizaines de colonies doivent leur
existence juridique à un rituel absurde : le Commandement central
signait une extension du décret d'acquisition des terres sur
lesquelles elles sont bâties, tout en déclarant qu'il était
convaincu que la terre en question nécessaire "nécessaire
à la sécurité".
Ironie de l'histoire : cette méthode s'est heurtée à un problème
à cause du refus des colons de continuer à coopérer avec cette
mascarade, au cœur de toutes ces déclarations fournies par l'armée
à la Haute cour de Justice.
Dans une réponse donnée à la Haute cour par les colons en 1979,
alors qu'elle examinait les acquisitions de terres pour la colonie
d'Elon Moreh, ce furent les colons eux-mêmes qui refusèrent de
reconnaître la nature
provisoire de la colonie qu'ils allaient créer, en disant qu'elle
n'était pas créée pour des raisons temporaires de sécurité,
mais pour répondre à "un ordre divin suprême et
moral". La Haute cour n'eut plus d'autre choix que
d'annuler ses décisions précédentes et d'ordonner à l'Etat de
s'abstenir d'acquérir des terres destinées à accueillir des
colonies. Elon Moreh a dû déménager sur un autre site, mais
toutes les colonies qui avaient été créées de cette manière
demeurent en place jusqu'à ce jour.
Suite au cas Elon Moreh, la construction de colonies dans les
territoires, qui n'a fait que s'accélérer durant cette période,
a opté pour deux techniques parallèles. La première, pseudo-légale,
où le gouvernement a
déclaré terres d'Etat d'immenses portions de Cisjordanie. De
cette manière, sans même que les gouvernements israéliens aient
eu à rendre quelque compte que ce soit, ni pour la façon
contestable dont ces terres ont été déclarées terres d'Etat,
ni pour le fait même que ces terres n'ont été allouées qu'à
des Juifs (bien qu'ils fussent et restent une petite minorité au
sein de la population de Cisjordanie), l'entreprise de
colonisation a pu se renforcer.
La deuxième technique utilisée par Israël constitue une étape
plus avancée encore du mépris qu'a le gouvernement pour l'état
de droit, dont l'application, comme on le pense souvent, est censée
être de son ressort : les gouvernements successifs d'Israël ont
continué à initier, ou "seulement" à permettre la
construction de colonies, de quartiers ou d'avant-postes sur des
terres privées sans même prendre la peine de publier des décrets
d'acquisition, puisque de toute manière, il était probable que
la Haute cour de Justice les annulerait.
Comme cela a été mentionné plus haut, tout cela s'est produit
alors que l'Administration civile avait une pleine connaissance de
ces faits. Celle-ci n'est d'ailleurs pas restée les bras croisés,
et à pris soin de documenter ce phénomène et ses dimensions,
tout en soulignant avec insolence son droit de les cacher au grand
public. Voici ce qu'a écrit à la cour le bureau du procureur du
district de Jérusalem pour motiver son refus de communiquer ses
informations : "le sujet de cette procédure est très
sensible. Il implique, entre autres, des considérations liées à
la sécurité de l'Etat d'Israël et à ses relations
internationales."
S'il est difficile de comprendre de quelles "considérations
pour la sécurité" il est question, il est facile en
revanche de deviner en quoi les relations internationales d'Israël
auraient pu être affectées par ces informations.
Malheureusement, il faut en conclure qu'en ce qui concerne sa
politique de gestion de la terre, l'Etat d'Israël agit en
Cisjordanie comme un Etat mafieux.
(1) Le rapport de Shalom Arshav détaille avec précision la
notion de "terre d'Etat", héritée du droit ottoman,
ainsi que le statut juridique de "terre privée". En
attendant sa traduction en français, on peut consulter ce
rapport en anglais à :
http://www.peacenow.org.il/site/en/peace.asp?pi=61&fld=191&docid=2024
* Dror Etkes est responsable de l'Observatoire de la colonisation
de Shalom Arshav. Pour mieux le connaître, lui et son action,
voir par exemple "Portrait d'un patriote" : http://www.lapaixmaintenant.org/article467
Pour voir ses articles, taper "Dror Etkes" dans le
moteur de recherche de notre site, accessible en bas à gauche
dans la page d'accueil : http://www.lapaixmaintenant.org/
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