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La justice relaxe Dominique de Villepin
Dominique Bègles
Jeudi 28 janvier 2010
L’affaire Clearstream aura surtout été le champ d’affrontements
politiciens entre un ancien premier ministre et le président
Sarkozy, partie civile magistralement désavouée.
« Quand je tire, je tue », affirmait Nicolas Sarkozy. Même pas
mal, a pu répondre en substance Dominique de Villepin, au
prononcé du jugement à l’issue d’un délibéré de trois mois. Le
procès s’était déroulé du 21 septembre au 23 octobre, à Paris.
Il s’agissait d’arbitrer entre les responsabilités des cinq
prévenus dans l’affaire Clearstream. Pour l’ancien Premier
ministre, qui était passible de huit mois de prison avec sursis
et 45 000 euros d’amende, voire d’une peine d’inéligibilité,
c’est la relaxe : pas de preuve qu’il ait agi de mauvaise foi,
pas de preuve qu’il aurait donné des instructions, pas de preuve
de sa complicité par abstention de dénonciation calomnieuse.
Un camouflet pour Sarkozy
Au-delà des détails sur une affaire très obscure (ou, en
particulier, Jean-Louis Gergorin, ancien président d’EADS, fait
figure de principal responsable de la dénonciation et a été
condamné à quinze mois de prison ferme), on retiendra que le
procès avait pris l’allure d’un duel politique entre Dominique
de Villepin et Nicolas Sarkozy. Ce dernier y avait vu la
possibilité d’une vengeance contre le camp chiraquien qui ne
voyait pas d’un bon œil sa candidature à l’Élysée. On murmure
que l’actuel président de la République aurait tout aussi bien
pu orchestrer l’implication de son rival. Lequel se serait ainsi
fait prendre à son propre piège. Un petit jeu sordide de la part
des deux hommes _la mise en scène de leur concurrence au plus
haut niveau de l’État, jusque devant la justice, n’a pas
contribué à revaloriser les institutions et la politique. Seule
certitude, l’acharnement de l’hôte de l’Élysée, qui avait promis
de « pendre à un croc de boucher » les auteurs de la
manipulation et qui s’était porté partie civile, au risque de
mettre en péril l’équité devant la justice. Nicolas Sarkozy
n’avait pas hésité, il y a quatre mois, à qualifier de
« coupables » les cinq prévenus, au mépris du respect de la
présomption d’innocence.
C’est vers l’avenir que je veux me tourner pour servir
les Français
Le jour de l’anniversaire du président, le tribunal
correctionnel vient de lui infliger un camouflet, d’autant que
Dominique de Villepin, dès l’ouverture du procès, n’avait pas
caché son axe de défense. « Je suis ici par la volonté d’un
homme, je suis ici par l’acharnement d’un homme, Nicolas
Sarkozy, qui est aussi président de la République française »,
avait-il déclaré le 21 septembre. Il avait ajouté,
prémonitoire : « J’en sortirai libre et blanchi au nom du peuple
français. » Hier, il n’a pas masqué sa joie : « Mon innocence a
été reconnue. (…) Je salue le courage du tribunal qui a su faire
triompher la justice et le droit sur la politique. (…) C’est
vers l’avenir que je veux me tourner pour servir les Français et
contribuer dans un esprit de rassemblement au redressement de la
France. » Nicolas Sarkozy a, de son côté, publié un communiqué
amer.
« Le tribunal a considéré que le rôle de M. Dominique de
Villepin dans la manipulation ne pouvait être prouvé. J’en
prends acte, tout en notant la sévérité de certains attendus le
concernant. Dans ces conditions, j’annonce que je ne ferai pas
appel de la décision du tribunal correctionnel. »
Dossier
politique
© Journal L'Humanité
Publié le 29 janvier 2010 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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