Opinion
Syrie: Washington,
Moscou et Londres décident
de mettre fin au conflit
Dmitri
Kossyrev
Photo: RIA
Novosti - © AFP/
Louai Beshara
Mercredi 15 mai 2013
Source :
RIA Novosti
Washington, Moscou et Londres ont pris
la décision de mettre un terme à la
guerre en Syrie. Pour preuve : la
rencontre de lundi soir entre
le président américain et le premier
ministre britannique coïncidait avec
l'annonce, le jour même, de la visite du
secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon
en Russie.
Une chose est sûre : la position des
USA et du Royaume-Uni a fait un virage à
180 degrés. Ils ne veulent pas laisser
le président Bachar al-Assad à la tête
de l’Etat mais feront des efforts pour
empêcher l'opposition, sous sa forme
actuelle, d'arriver au pouvoir.
Cameron a
apprécié Sotchi
Ban Ki-moon discutera en Russie de la
proposition russo-américaine d’organiser
une conférence sur la Syrie. Les
représentants d'Assad et de l'opposition
pourront y participer. L'Onu est
concernée car cette décision –
d’organiser la conférence, de créer un
gouvernement de transition et d’aller
plus loin – avait été prise l'été
dernière à Genève.
Sauf que Washington et Londres - et
pas seulement - ont tenté de faire comme
si la réunion de Genève n'avait jamais
eu lieu. Assad devait démissionner, et
point ! Aujourd'hui la situation a
changé.
En ce qui concerne la rencontre
d'Obama avec Cameron à Washington,
peu d'informations ont été annoncées au
public mais quelques points intéressants
peuvent être relevés. Tout d’abord le
fait que la Russie est "intéressée et
doit" aider l'Occident à régler la
situation.
Rappelons enfin que l'idée de la
conférence date du 7 mai, date de
l'arrivée à Moscou du secrétaire d'Etat
américain John Kerry, et que le 10 mai
Vladimir Poutine s'est entretenu avec
David Cameron à Sotchi – ils ont une
nouvelle fois évoqué de la Syrie. Le
premier ministre a tellement apprécié
cette entrevue que sur la route du
retour il a longtemps parlé aux
journalistes du déroulement de sa
rencontre avec Poutine et a dit qu'il
pousserait Obama à prendre au sérieux
les initiatives russes.
Le sommet du G8 au Royaume-Uni
prendra probablement le relais et, de
toute façon, il est clair qu’un terrain
d'entente a été trouvé et que l'affaire
est en route. Cela semblait incroyable
il y a un mois.
Le plus important est de comprendre
ce qui s'est réellement passé, pourquoi
l'approche proposée par Moscou il y a un
an, deux ans, et pendant la réunion de
Genève… pourquoi tout cela ne
fonctionnait pas et commence à porter
ses fruits aujourd'hui. Moscou n'a pas
changé de position, contrairement à ses
partenaires atlantiques.
Ils ont fait un virage à 180 degrés
mais il n'est pas facile de le voir.
Depuis un ou deux ans beaucoup de choses
ont été publiquement annoncées à propos
du "dictateur sanguinaire" Assad et de
son opposition démocratique, comme à
propos de tous les autres événements au
Proche-Orient qu'on appelait encore
"printemps arabe".
Publiquement et dans la presse,
beaucoup continuent à dire
approximativement la même chose et c'est
pourquoi on a parfois du mal à
apercevoir qu'au niveau des experts et
du gouvernement, on entend des discours
complètement différents. Il ne reste
plus qu'à dire ouvertement qu'il est
aujourd'hui dans l'intérêt de l'Occident
qu'Assad reste au pouvoir aussi
longtemps que possible.
Voyons ce qui a entraîné un tel
tournant.
"Oublions
Boston, concentrons-nous sur la Syrie"
Commençons par l'évidence : qu'est-ce
qui ne s'est pas produit depuis, disons,
un an ? Le gouvernement syrien ne s'est
pas incliné dans la guerre face à
l'opposition. De plus, à l'heure
actuelle, certains experts parlent d'un
renversement au profit d'Assad et citent
même six raisons à cela, dont le fait
que ses troupes ont appris à combattre
en ville, qu’on a armé le peuple, etc.
Continuons dans l'évidence : en
Amérique le thème politique central est
le scandale qui se poursuit concernant
la Libye, où les Européens, mollement
soutenus par les USA, ont permis à
l'opposition de renverser le "dictateur"
Kadhafi. Après quoi, le 11 septembre
dernier, ses mêmes opposants ont tué
l'ambassadeur américain Chris Stevens à
Benghazi.
Le scandale est l'arme parfaite des
républicains dans leur guerre éternelle
contre les démocrates : la déclaration
du département d'Etat après les
événements de Benghazi ; ce que la
Maison blanche lui a ordonné de dire,
etc. Et toute cette histoire nous fait
penser que la situation de la Libye et
celle de la Syrie aujourd'hui sont trop
semblables.
On pourrait supposer que même en
l'absence d'une position rigide de
Moscou et de Pékin à l'Onu (plus de
zones d'exclusion aérienne ou d'autres
mesures pour soutenir les islamistes
radicaux) le scénario libyen ne se
serait pas forcément répété.
PPourquoi ? On a eu le temps de
regarder de près l'opposition syrienne
pendant ces mois de guerre. Par exemple,
un article inattendu dans le Washington
Post explique comment les jihadistes de
divers pays réagissaient aux
récents attentats de Boston. Il
s'avère que leur réaction est plutôt
passive – qui sont ces frères Tsarnaev
d'on ne sait où, alors qu'il y a tant de
choses importantes, "notamment en Syrie
où les combattants d'Al-Qaïda du Jabhat
al Nusra continuent à gagner des
positions". Par exemple à Alep, où ils
mettent déjà en place leur gouvernement
et lancent des programmes sociaux ; ou
encore à Racca…
Ce magazine fait partie des plus
compétents. On y dit tout ouvertement :
il faut cesser d'aider les ihadistes à
s'emparer d'un pays arabe après l'autre.
Il est temps de créer "sa propre"
opposition syrienne sinon le scénario de
Benghazi se répétera. Sauf qu'elle ne se
crée pas…
Dans l'ensemble, pratiquement tout
coïncide avec la position de Moscou, qui
ne veut pas de jihadistes à Damas. On
sait déjà quel sort connaîtra le pays si
le gouvernement était renversé
rapidement. Mais une conférence où sera
également présente la délégation
gouvernementale syrienne – c'est autre
chose.
Il existe aussi un risque d'expansion
du conflit en dehors des frontières
syriennes. Après Cameron, c'est au tour
du premier ministre turc Recep Erdogan
de se rendre aux Etats-Unis – il est
mécontent de voir qu'Obama ne soutient
pas le renversement d'Assad.
La colère d'Erdogan est due aux
explosions survenues dimanche dernier
dans une ville turque à la frontière
syrienne - de facto la base de
l'opposition syrienne. Une histoire très
étrange qui sent la provocation, de même
que les tentatives permanentes de
l'opposition d'accuser Damas d'utiliser
l'arme chimique.
SSans oublier Israël (dont le premier
ministre Benjamin Netanyahou
s'apprête à venir à Moscou), qui
pourrait également se retrouver impliqué
dans une grande guerre régionale que
l'Occident serait incapable de
contrôler.
La conférence sur la Syrie ne sera
pas simple à organiser. L'idée est
claire – la partie la plus "sauvage" de
l'opposition ne sera pas présente à la
table de négociations. En revanche, il
serait possible de former "sa propre"
opposition et de l'aider sérieusement,
cette fois, même avec des armes.
L'Occident ne devrait pas être le seul à
le faire. La Russie peut en faire
autant./p>
Au stade de la préparation pour la
conférence il y aura, bien sûr, la
tentation de revoir les accords convenus
à Moscou dernièrement. Le diplomate
américain Stephen Sestanovich a dit
beaucoup de choses intéressantes à ce
sujet dans une interview : il est
tentant de mettre la Russie devant un
fait accompli et de faire disparaître
Assad afin que l’on puisse dire "c'est
exactement ce qu'on voulait faire depuis
le début et nous y sommes arrivés".
© 2013
RIA Novosti
Publié le 16 mai 2013
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