Opinion
Kadhafi met le feu
au sein de l'OTAN
Djamel Bouatta
Le siège de l'OTAN
Jeudi 23 juin 2011
Avec Kadhafi, l’OTAN perd
non seulement sa crédibilité mais
aussi son efficacité.
Le tyran de Tripoli donne des sueurs
froides à l’OTAN. Reclus à Tripoli,
Kadhafi a fait de l’alliance
atlantique un objet de dérision avec
son incapacité à le déloger, ses
erreurs de cibles et aujourd’hui des
dissensions entre ses membres. Au
point où l’OTAN a fini par se
transformer en cible médiatique.
L’alliance atlantique a perdu un
drone-hélicoptère mardi au-dessus de
la capitale libyenne. Le drone est
américain et l’un des responsables
de l’organisation a indiqué qu’il a
pu avoir été abattu ou victime d’un
incident mécanique ou d’une
défaillance des systèmes de
communication. La veille, l’OTAN
reconnaissait, après l’avoir nié,
qu’elle avait mené un raid aérien à
Sorman, à l’ouest de Tripoli. Les
autorités libyennes avaient affirmé
qu’une frappe de la coalition
internationale avait provoqué la
mort de quinze personnes dont trois
enfants. Dimanche, l’OTAN a avoué
“deux bavures”. Elle a admis qu’une
frappe nocturne sur la capitale
libyenne a fait neuf morts dont cinq
de la même famille et dix-huit
blessés. L’OTAN, qui a regretté la
perte de vies de civils innocents, a
expliqué qu’elle visait “un site
militaire de missiles”, mais qu’“une
erreur dans le système (…) peut
avoir fait un certain nombre de
victimes civiles” ! Le 16 juin,
l’alliance reconnaissait avoir
accidentellement frappé une colonne
de véhicules des forces rebelles
dans la région de Brega, pourtant
officiellement libérée. Sa
crédibilité sur le terrain et sa
légitimité juridique sont remises en
cause. Tout comme, en son sein, les
frais engagés par l’opération
militaire. À Bruxelles, siège de
l’OTAN, le climat est à
l’incertitude. L’OTAN risque de
perdre la guerre d’opinion face à
Mouammar Kadhafi, a estimé le
ministre italien des AE, Franco
Frattini, qui ne cache pas
l’intention de son gouvernement de
retirer ses avions de la campagne
contre Kadhafi, d’autant que
Berlusconi ne tient plus que par la
volonté de la Ligue du Nord qui est
contre les expéditions étrangères.
“L’OTAN met en péril sa crédibilité
: nous ne pouvons pas prendre le
risque de tuer des civils”, a ajouté
le diplomate italien au Luxembourg,
en marge d’une réunion sur la crise
grecque. Sur le plan juridique,
c’est la légitimité de l’opération
militaire de l’OTAN qui est remise
en cause. Barack Obama est sommé de
rendre des comptes sur
l’intervention alliée en Libye. Le
représentant démocrate Dennis
Kucinich a déposé une mesure visant
à retirer les fonds nécessaires à la
poursuite des opérations. Il est
reproché au président américain de
s’être engagé en Libye sans
l’autorisation du Congrès. Selon les
détracteurs de l’intervention, le
président américain viole la loi
1973 sur les pouvoirs de la guerre.
D’après le texte, une guerre menée
sans l’autorisation du Congrès ne
peut excéder 60 jours. Or,
l’opération en Libye a débuté il y a
trois mois. D’autre part, les
États-Unis, qui sont aussi engagés
depuis 10 ans dans la guerre en
Afghanistan, peinent de plus en plus
à assurer 75% des dépenses de
l’OTAN. En France également, un vote
à l’Assemblée nationale décidera le
12 juillet si le pays poursuivra son
engagement au-delà de quatre mois
comme le prévoit la constitution. La
guerre en Libye a déjà coûté près de
87 millions d’euros à Paris, a
indiqué le général Pontiès,
porte-parole adjoint du ministère
français de la Défense. Soit un
million d’euros par jour, une
dépense abyssale pour un pays en
crise financière. D’autres pays
comme la Belgique ou l’Italie ont
souhaité passé la main pour le coût
de l’opération mais aussi pour son
enlisement. Et les opinions
publiques occidentales sont hostiles
à l’idée d’un renforcement de
l’action de l’alliance en Libye, en
particulier au sol, en dépit de son
ralentissement après plus de trois
mois d’opérations. Une enquête
effectuée par le cabinet Harris en
Europe et aux États-Unis pour le
compte du quotidien britannique
Financial Times, qui l’a publiée
mardi, montre que plus que 50% des
citoyens allemands, américains,
britanniques, espagnols, français et
italiens “s’opposent clairement” à
une action à même d’accélérer la
mission de la coalition
internationale en Libye. Selon le
sondage, 48% des Britanniques, 51%
des Français et 56% des Américains
sont contre le déploiement de forces
de terre en Libye. Si la légitimité
de l’OTAN en Libye semble s’éroder,
celle du Conseil national de
transition (CNT), organe politique
de la rébellion, est, elle, de plus
en plus reconnue. Mais que
deviendrait la rébellion sans l’OTAN
?
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Publié le 23 juin 2011 avec l'aimable
autorisation de Liberté
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