Pas de place pour la politique arabe
dans la campagne électorale française
Sarkozy a dilapidé
le capital de ses prédécesseurs
Djamel Bouatta
Dimanche 18 mars
2012
Pas grand-chose sur
le monde arabe dans la campagne
électorale des présidentielles
françaises ! À moins qu’il faille
considérer que tout est dit dans les
saillies umpéistes et frontistes sur
l’islam de France et les promesses de
Nicolas Sarkozy et de Marine le Pen de
tordre le cou à l’immigration non
blanche et dont le gros des troupes
vient de pays arabes.
Quant au candidat socialiste, il est peu
disert sur les questions
internationales. Pour autant, le bilan
des relations franco-arabes est
“catastrophique”, de l’avis de tous les
observateurs et certainement du
département arabe du Quai d’Orsay. En
cinq années, Nicolas Sarkozy aura, pour
ainsi dire, dilapidé le capital de ses
prédécesseurs qui obéissait à la règle
de l’équilibre imprégnée par De Gaulle.
Les dérives verbales islamophobes du
président qui crapahute pour un second
mandat, en sont une preuve, s’il en
faut, et ce ne sont pas les explications
de son entourage, selon lesquels, c’est
“pour améliorer sa cote de popularité en
France”, qui convaincront du contraire.
Ce n’est surtout pas son soutien
inconditionnel à Israël qui fera
accroître leur mise au point. Les
relations franco-israéliennes ont revêtu
avec Sarkozy un caractère identique aux
liens que ce pays ouvertement rebelle au
droit international a tissé avec les
États unis. Au point que le président
français s’est vu qualifié de “partisan”
et de “sectaire” par des spécialistes de
la scène franco-arabe. Le Crif,
l’association des juifs de France, est
devenu, sous son mandat, aussi
entreprenant que l’Aipac aux États unis.
Contrairement aux Chirac, Mitterrand,
Giscard et Pompidou, qui se prévalaient
d’une filiation avec de Gaulle pour
cultiver des amitiés dans le monde arabe
ou, à tout le moins, observer à son
égard une attitude de neutralité,
Nicolas Sarkozy n’a pas cherché à
nourrir des facilités de contact ni avec
les sociétés arabes ni avec leur
intelligentsia qui le lui ont rendu par
ailleurs en lui refusant toute
sympathie.
À la colère homérique du président
Chirac à Al-Qods, face à la police
israélienne molestant des Palestiniens
venus l’ovationner, ou encore, au
discours de son ministre de AE,
Dominique de Villepin, du 14 février
2003, aux Nations unies, contre la
guerre en Irak, qui est resté gravé dans
les esprits des arabes, Nicolas Sarkozy
a lui ouvertement revendiqué sa grande
proximité avec Israël, refondant dès
2007 les relations franco-israéliennes,
quand bien même il lui est arrivé de
congratuler le président de l’Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbas, lequel, on
l’aura remarqué, n’est plus invité à
l’Élysée depuis que la course
présidentielle a été ouverte en France !
Il a fallu la venue du chiraquien Alain
Juppé aux Affaires étrangères françaises
pour que la France revisite quelques
fondamentaux de sa politique arabe, mais
celle-ci est bien loin de revenir à son
point d’équilibre. Au-delà de
l’affectif, Nicolas Sarkozy n’a même pas
eu l’audace de saisir au vol le vent de
transformation qui a soufflé dans le
monde arabe. Faut-il rappeler les propos
de son ex-ministre ministre des AE,
Michèle Alliot-Marie, ce mardi 11
janvier 2011, seulement trois jours
avant la fuite du dictateur de Monastir
: “… nous proposons que le savoir-faire
de nos forces de sécurité, qui est
reconnu dans le monde entier, permette
de régler des situations sécuritaires de
ce type”! Quand Sarkozy a voulu se
singulariser, ce fut pour proposer ses
CRS contre des populations en quête de
démocratie.
Chez les richissimes du Golfe, ce qui a
enthousiasmé le président français,
c’est de fourguer à ses amis du CGC le
“Rafale” invendable de Dassault et du
nucléaire civil. Quand à sa proximité
avec Qatar, sa source coule de
l’alignement sur Washington et l’Otan
qu’il a fait opérer à la France. Il
n’est pas inutile de rappeler que
derrière ce petit pays gazier, derrière
la bonhomie de son émir et de sa
troisième épouse, c’est toute la new
politique arabe de Washington. Le
président français a voulu étendre au
monde arabe son modèle françafrique, un
réseau de nature néocolonialiste. Tout
le monde se souvient des paroles
élogieuses vis-à-vis de ses pairs
arabes, pourtant peu fréquentables s’il
leur avait appliqué les règles de la
démocratie et de la bonne gouvernance,
lors de ses visites chez eux ou quant il
les recevait à l’Elysée. La caricature
ayant été le défunt Kadhafi, qui a
planté sa tente bédouine sur le parc
d’un hôtel dépendant de la présidence
française ! Jusqu’à aujourd’hui, la
France officielle n’a jamais
sérieusement pris en compte la question
démocratique dans le monde arabe. Et les
autocrates le lui ont bien rendu :
Mediapart(site d’info. français) a
révélé que la campagne de 2007 de
Nicolas Sarkozy a été financée par le
défunt dictateur libyen à hauteur de 50
millions d'euros ! Pour ce qui concerne
le Maghreb et l’Algérie en particulier,
Nicolas Sarkozy n’a ni cherché ni essayé
d’observer un quelconque équilibre.
Paris vient de le répéter : sa balance
penche plutôt du côté du Maroc alors que
Nicolas Sarkozy se fendait de nourrir
des relations “privilégiées” avec Alger
dont son pays a partagé 130 années
d’histoire “commune”. Avec le Printemps
arabe, les rapports franco-arabes se
sont d’ores et déjà modifiés. Les
gouvernements dominés par les islamistes
qui prennent presque partout le pouvoir
par les urnes n’entretiennent plus
forcément le même rapport avec la France
que les anciens régimes. Les péripéties
franco-tunisiennes en font foi.
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Publié le 18 mars 2012 avec l'aimable
autorisation de Liberté.
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