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Annonces en Europe de frappes terroristes,
relayées par les États-Unis
Au-delà de réelles
menaces, des jeux politiciens
Djamel Bouatta
Mardi 5 octobre 2010
Le climat rappelle la situation post-septembre 2001.
On a l’impression d’une veillée d’armes en Occident avec les
alertes aux attentats terroristes. Mais force est de
constater également qu’il y a un flou entre ces alertes en
cascade et des manipulations politiciennes. Rien de mieux qu’un
sentiment de peur pour surfer sur des crises sociales dont les
horizons demeurent obscurcis ou encore pour faire passer des
lois liberticides, comme en France.
Après la publication
d'informations sur des projets déjoués d'attentats terroristes
dans plusieurs pays européens, voilà que les États-Unis y
mettent leur couche. Washington lance une mise en garde à ses
ressortissants qui voyagent en Europe pour leur demander d'être
vigilants.
Le département d'État a, de son côté, annoncé qu’il
prendra ultérieurement les mesures qu'il jugera appropriées. Il
est vrai que la situation est lourde de menaces.
Dans les foyers traditionnels du terrorisme, le moment n’est
plus à l’accalmie. Le Sahel, pour commencer par ce qui nous
préoccupe, est de nouveau en effervescence avec le rapt par Aqmi
d’étrangers au cœur du gisement d’uranium exploité par la France
dans le nord du Niger. Cet enlèvement a recontextualisé la
problématique du terrorisme dans le vaste désert en partage
entre le Niger, le Mali, la Mauritanie et l’Algérie, mettant à
nu des compétions extra-africaines pour son contrôle, les jeux
de certaines de ses capitales plutôt enclines à se prêter à ces
jeux et l’attitude, notamment, de l’Algérie qui prône la bonne
vieille formule : l’Afrique aux Africains.
Plus que jamais d’actualité, en ces temps où le continent est
redevenu un véritable terrain de chasse pour ses innombrables
richesses et son marché de consommation encore vierge. En
Afghanistan, c’est le retour à la case départ : les taliban sont
de retour et marquent des points en dépit des 150 000
hommes fournis par les armées les plus modernes. Ils auraient
même rouvert leurs camps au djihadisme international, à en
croire le Pentagone qui cherche à faire revenir le président
américain sur sa décision de rapatrier les soldats américains à
partir de l’année prochaine. Le syndrome du Vietnam est le
cauchemar d’Obama.
Le Pakistan, lui, est d’ores et déjà redevenu le sanctuaire du
terrorisme international. Pourtant, ce pays donne l’impression
d’être sous haute surveillance avec notamment des attaques de
drones américains qui s'intensifient depuis un mois dans les
bastions du terrorisme. Les plans terroristes déjoués selon des
agences de renseignements occidentales la semaine dernière en
Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et aux États-Unis,
auraient été élaborés par le numéro trois du réseau Al-Qaïda, le
cheikh Younis Al-Maurétani, en accord et avec l'appui financier
d'Oussama Ben Laden, des informations qui ont été à l'origine de
la dernière alerte terroriste en Europe et qui ont été
confirmées par le Centre britannique d'écoutes GCHQ (Government
Communications Headquarters) sur la base de communications
téléphoniques et électroniques de huit Allemands et de deux
Britanniques basés à la frontière pakistano-afghane, dans ces
zones tribales, refuge du fondateur d’Al-Qaïda et mythique lieu
de naissance des taliban, formés au tout début, il ne faut
jamais l’oublier, par les services pakistanais. Ceux-ci,
communiquant avec des personnes en Allemagne et en
Grande-Bretagne, auraient discuté de la façon d'obtenir des
armes et des matières explosives, ainsi que de la location de
lieux sûrs pour se réfugier avant et après des attentats, du
style du raid sanglant qui avait fait 166 morts dans la ville
indienne de Bombay en 2008. Washington a tout de suite rebondi,
exigeant davantage de fermeté de la part d’Islamabad pour
éradiquer le terrorisme sur son territoire.
Le département d’État américain ne s’embarrasse plus pour
pointer du doigt le pouvoir pakistanais, civil et militaire,
accusés de laisser faire les membres d'Al-Qaïda et d'autres
groupes islamistes sur leur propre sol, le long de la frontière
avec l’Afghanistan. Il faut s’attendre à de nouvelles pressions
américaines. La France a la première pris les devants. Elle est
en état de vigilance accrue.
La semaine dernière, Paris a mis en garde sur la possibilité
d'un attentat imminent d'Aqmi, quelques jours après
l'enlèvement, revendiqué par ce groupe, de sept personnes, dont
cinq Français, au Niger. La France a sauté sur l’occasion pour
marquer sa présence dans le Sahel, où son armée est lancée dans
une large opération de recherche de ses otages, sur le Niger et
le Mali, pourtant membres à part entière du commandement
opérationnel saharo-sahélien basé à Tamanrasset et de son
prolongement sécuritaire installé à Alger !
La position de Paris n’est, cependant, pas au goût de tous, y
compris dans les pays survolés par ses avions. Les annonces
d'attentats déjoués et d'alertes en Europe se multiplient donc à
une cadence rapide ces derniers jours, signe que le danger est
réel dans un climat international tendu, tout comme la
possibilité d'une exploitation politique, estiment des experts.
La stratégie de communication des pouvoirs occidentaux sur
le risque d'attentats est remise en question par des
spécialistes de la lutte antiterroriste, pour lesquels : moins
on révèle plus on avance dans la prévention et l’éradication
d’un phénomène qui ne saurait être réduit à une nationalité.
Faisant remarquer à ce propos que les suspects de frappes en
Occident sont tous de nationalité occidentale et, de plus en
plus, des Occidentaux de souche, contrairement à la génération
précédente de terroristes composée de naturalisés. Huit
Allemands et deux frères britanniques seraient au cœur de la
dernière menace terroriste, selon un responsable du
renseignement pakistanais. Une institution suédoise spécialisée
dans les études du terrorisme prévient que les Occidentaux
radicalisés qui se déplacent facilement à travers le monde
représentent une menace terroriste de plus en plus pressante.
Sans minimiser les menaces terroristes, quelques questions
méritent d’être posées.
Aux États-Unis, les républicains peuvent avoir intérêt à
démontrer les failles de l'administration du président Barack
Obama qui lui peut chercher à montrer à quel point il est
mobilisé dans la lutte antiterroriste à l'approche des élections
de mi-mandat en novembre. En France, l'opposition de gauche a
soupçonné d'arrière-pensées politiques le président Nicolas
Sarkozy au plus bas dans les sondages à un an et demi de la fin
de son mandat. Sa rivale en 2007, l'ex-candidate socialiste à la
présidentielle, Ségolène Royal a évoqué “une part de mise en
scène”.
Et puis dans ce vacarme, Sarkozy a fait passer sa réforme des
retraites et son sixième tour de vis dans la loi sur
l’immigration agrémentée de la déchéance de la nationalité
française qu’il cherche à mettre aux normes
judéo-chrétiennes.
Alors, les peurs peuvent-elles exorciser les problèmes réels
tels que la perte de pouvoir d’achat et d’emplois, faire oublier
des promesses électorales ? Certainement mais, pour
un temps seulement car, la réalité reprend vite le dessus. Comme
la propagande peut être éventée plus tôt que prévu. Il reste que
les peurs peuvent alimenter des sentiments droitiers. En France,
la remontée du Lepénisme version Marine, l’héritière de son
fondateur et propre père, est à relier aux dérives droitières de
Sarkozy.
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Publié le 6 octobre 2010 avec l'aimable autorisation de
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