Le Musée National de l’Histoire
des Etats-Unis et le
multi-milliardaire qui vient d’y
financer une nouvelle exposition,
voudraient vous faire croire que
nous allons devoir faire plus de
guerres si nous voulons être libres.
Peu importe que nos libertés
semblent se réduire chaque fois que
nous sommes en guerre. Peu importe
que des quantités d’autres pays
bénéficient de plus de liberté que
nous sans avoir fait la guerre. En
ce qui nous concerne, la guerre est
le prix de la liberté. C’est
pourquoi cette nouvelle exposition
s’intitule : "Le
prix de la liberté : les Etasuniens
en guerre."
L’exposition s’ouvre sur ces mots
: "Les Etasuniens sont allés à la
guerre pour conquérir leur
indépendance, agrandir leur
territoire, définir leurs libertés
et défendre leurs intérêts dans le
monde." Ils sont vraiment idiots ces
Canadiens qui ont obtenu leur
indépendance sans faire la guerre,
n’est-ce pas ? Imaginez tous les
gens qu’ils auraient pu tuer !
L’exposition est étonnamment assez
honnête en ce qui concerne
l’impérialisme, en tous cas des
premières guerres. Il est bien
spécifié, même si cet aveu est
accompagné des justifications
d’usage, que l’un des objectifs de
la guerre de 1812 était de conquérir
le Canada.
Par contre, en ce qui concerne la
seconde partie de l’exposition :
"... définir leurs libertés et
défendre leurs intérêts dans le
monde", le texte de présentation est
proprement scandaleux. L’exposition,
du moins pour ce que j’ai pu en voir
sur Internet, n’explique absolument
pas en quoi une guerre peut aider à
"définir nos libertés". Et, inutile
d’ajouter que c’est le gouvernement,
et pas les "Etasuniens" qui croit
avoir des "intérêts dans le monde"
qui doivent être "défendus" par la
guerre.
L’exposition est un tissu de
mensonges et de falsifications. La
guerre civile étasunienne est
présentée comme "le conflit le plus
meurtrier des Etats-Unis." Vraiment
? Parce que les Philippins ne
saignent pas ? Ni les Vietnamiens ?
Ni les Irakiens ? Voilà ce que nous
enseignons à nos enfants ! La guerre
espano-étasunienne est présentée
comme une tentative de "libérer
Cuba" et tutti quanti. Mais c’est
par omission que l’exposition pèche
le plus. Elle passe sous silence les
faux prétextes utilisés pour
déclarer les guerres, elle ignore ou
minimise hypocritement les morts et
les destructions. Elle expédie
rapidement les guerres qui sont trop
récentes pour que nous puissions les
regarder en face.
L’exposition fournit aux
enseignants
un manuel qui est supposé
recouvrir les 12 dernières années de
guerre (qui ont causé la mort de 1,4
million personnes rien qu’en Irak)
mais qui en fait ne parle que des
événements du 11 septembre. Il
commence ainsi :
Le 11 septembre a été une
épouvantable tragédie. Les
attaques dévastatrices
perpétrées par des terroristes
d’al Qaeda sur le territoire
étasunien ont fait 3 000 morts
et déclenché une guerre contre
le terrorisme menée par les
Etats-Unis. Les événements de
cette journée auront des
conséquences sur les décisions
sur la politique intérieure et
étrangère pendant encore de
nombreuses années. A 20H46, le
11 septembre 2001, un avion de
ligne a percuté la tour du nord
du World Trade Center de New
York. Les pompiers et les
sauveteurs se sont précipités
sur les lieux. Comme on
commençait à diffuser les
premières images à la TV, les
spectateurs horrifiés ont pu
voir le second avion percuter la
tour du sud à 21H03. Trente
minutes plus tard, un troisième
avion s’est écrasé sur le
Pentagone. Un autre avion qui se
dirigeait vers Washington, D.C.,
s’est écrasé en Pennsylvanie
après que les passagers se
soient opposés aux pirates de
l’air. Le pays a chancelé. Mais
les Etasuniens ont décidé de
répliquer inspirés par les
paroles d’un des passagers qui
ont fait échouer la dernière
attaque : ’Vous êtes prêts les
gars ? On y va !’"
En parlant avec des enseignants
qui ne sont pas des sociopathes, on
s’aperçoit que ce genre
"d’enseignement" dispensé par nos
musées a un impact épouvantable sur
les étudiants. Il faut lire
Teaching About the Wars
(enseigner les guerres, ndt) qui
vient de sortir. Le livre est écrit
par des enseignants qui essaient de
fournir à leurs étudiants une
analyse des guerres plus complète et
plus honnête que ce qu’on trouve
d’ordinaire dans les livres de
classe dont beaucoup sont encore
pires que l’exposition dont je viens
de parler. Ces professeurs/auteurs
affirment que lorsqu’un enseignant
prétend ne pas avoir d’opinion, il
enseigne aux enfants la paresse
morale. Prétendre être indifférent à
ce qui se passe dans le monde
apprend aux enfants à ne pas se
soucier de ce qui se passe dans le
monde. Selon eux, les enseignants
doivent avoir un point de vue mais
en fournir d’autres à leurs élèves
pour leur enseigner l’analyse
critique, le doute, et le respect
des opinions des autres.
D’après eux, on ne devrait pas
inciter les étudiants à rejeter en
bloc toutes les déclarations
officielles ni à penser que la
vérité est inatteignable. Il faut au
contraire former leur esprit
critique pour qu’ils puissent
évaluer le degré de vérité de ces
déclarations et se faire leur propre
opinion. Jessica Klonsky écrit :
"Parmi les cours sur les
médias que j’ai donnés, un de
celui qui a eu le plus d’effet
comprenait un exercice de
comparaison entre deux points de
vue médiatiques. J’ai d’abord
montré les premières 20 minutes
de ’Salle de contrôle’, un
documentaire en Arabique de Al
Jazeera, la chaîne de TV
internationale du Qatar. Et
beaucoup de mes étudiants ont
réalisé pour la première fois
qu’il n’y avait pas que les
soldats qui mouraient pendant
les guerres."
Les soldats étasuniens
représentent 3 pour cents des morts
de la guerre en Irak de 2003-2011.
Ces élèves n’avaient jamais entendu
parler des 99,7 autres pour cents.
Apprendre ce que la guerre est
réellement est certainement une des
importantes leçons qui manquent dans
notre système d’éducation.
Un autre sujet de cours important
porte sur qui déclare la guerre et
pourquoi. Bill Bigelow présente un
modèle de cours qui permet à des
enseignants de mettre leurs élèves
face à des situations réelles mais
en changeant les noms des pays. Ils
peuvent discuter de ce que les pays
auraient dû faire avant d’apprendre
que l’un des pays est le leur et
avant d’apprendre ce qu’il a fait en
réalité. Puis ils peuvent commenter
ses actions. Bigelow commence aussi
son enseignement sur la "guerre
contre le terrorisme" en demandant
aux étudiants de définir le mot
"terrorisme" (et non pas en
s’attaquant les uns les autres, ce
qui est sans doute la manière dont
le Musée National d’Histoire
Etasunienne recommanderait de
"définir" ce mot).
Un professeur termine son cours
sur le sujet en demandant "Quelle
différence pensez-vous que cela
ferait si tous les élèves du pays
avaient la discussion que nous avons
aujourd’hui ?" Il est clair qu’une
question de ce genre encourage les
futurs enseignants parmi ses
étudiants à faire bénéficier leurs
futurs élèves d’un niveau
d’enseignement qui n’a plus rien à
voir avec la mémorisation des dates
de batailles présentée par le
professeur comme un bon moyen
d’impressionner les autres.
Un bon enseignement peut-il
concurrencer le Musée de l’air et de
l’espace sponsorisé par Lockheed
Martin, les jeux vidéos, Argo,
Zero Dark 30, les mensonges
sophistiqués des recruteurs, le
Projet de Commémoration du Vietnam,
l’instrumentalisation du drapeau par
les réseaux de télévision, les
fascistes assurances d’allégeance
quotidiennes et le manque de
perspective d’une vie meilleure sur
d’autres bases. Parfois oui. Et de
toutes façons plus il se répand,
mieux c’est.
Un des chapitres de
Teaching About the Wars décrit
un programme pour établir des
contact entre des élèves étasuniens
et des élèves d’Asie occidentale par
le biais de vidéos discussions. Cela
devrait faire partie de l’éducation
de tout les jeunes. Je vous garantis
que les "pilotes" de drones que
notre gouvernement utilise pour
établir à distance des liens en
temps réel beaucoup plus
destructeurs avec des pays étrangers
n’ont jamais parlé à de petits
étrangers quand ils étaient jeunes.
David Swanson
David Swanson est l’auteur de
War is a Lie. Il habite en
Virginie.
Pour consulter l’original :
http://www.counterpunch.org/2013/03/21/teach-the-children-wa...
Traduction : Dominique Muselet
© LE GRAND SOIR -
Diffusion non-commerciale autorisée et
même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 26 mars 2013