|
Opinion
Puisque ni Arafat, ni Abbas, ni
Haniyeh ne conviennent...
peut-être serait-il temps de tirer les conclusions
Daniel Vanhove
Mercredi 18 novembre 2009 Pour tout observateur
attentif, rien de bien neuf dans les déclarations récentes de
l’ensemble de la diplomatie occidentale à propos de la décision
du président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas de ne pas
se représenter aux élections prochaines, prévues début 2010.
Chacun y est allé de sa petite intervention – jusqu’à Shimon
Pérès ! – pour inviter l’intéressé à revoir sa position.
Là où les représentants de nos divers
gouvernements ont ignoré depuis des décennies, la détérioration
toujours plus grave de la situation dans les Territoires occupés
par Israël et tout particulièrement à Gaza, l’empressement à
soutenir de manière presque unanime et encourager Mahmoud Abbas
à se représenter à ces futures élections, devrait au minimum,
nous interpeller.
En effet, comment comprendre que pendant des
années, nos élus et leurs médias serviles n’ont cessé de mettre
en exergue la corruption endémique et généralisée de l’appareil
étatique palestinien jusqu’à son sommet ; n’ont cessé
d’abandonner les leaders palestiniens à leur funeste sort ;
n’ont cessé d’ignorer les multiples compromis acceptés par une
population étranglée ; n’ont cessé d’encourager et soutenir les
initiatives israéliennes de tous genres, y compris dans le
laisser-faire du Mur d’apartheid, dans l’alliance du
gouvernement avec l’extrême-droite, dans le blocus assassin de
la Bande de Gaza, dans l’emprisonnement de parlementaires et de
mineurs, dans la non-application des résolutions des
Nations-unies et le non-respect du Droit international et
humanitaire, etc… et d’assister au revirement soudain de ces
mêmes élus trouvant aujourd’hui toutes les qualités à Mahmoud
Abbas, pour qu’il reste à la tête d’un hypothétique Etat ?
Comment comprendre une telle attitude, sinon que l’homme de
l’ombre, le pâle représentant des Palestiniens, celui-là même
qui parfois s’accrochait au cou d’Ehud Olmert pour l’embrasser
est tellement consensuel, tellement faible qu’il convient
parfaitement aux interlocuteurs israéliens en premier lieu et
par ricochet à tous ceux qui soutiennent activement Israël dans
la poursuite de sa politique profondément injuste, hors-la-loi
et criminelle ?
A l’heure où Mahmoud Abbas se dirige peut-être
vers la décision politique la plus courageuse de sa carrière,
c’est la panique dans les chancelleries. Perdre un tel
interlocuteur s’avère sans doute perdre un allié bien utile et
fort peu encombrant. La décision est même interprétée par
certains comme une manœuvre tactique visant à le rendre
incontournable, indispensable, quelques mois avant les
élections, lui assurant ainsi la certitude d’une réélection
aisée et massivement soutenue de l’extérieur. Et puis, qui donc
pourrait remplacer cet évanescent papy, si peu vindicatif, si
peu déterminé, si policé et si soumis aux dictats qui lui sont
imposés !? A 74 ans, la retraite volontaire de celui-là même qui
fut l’un des artisans des moribonds Accords d’Oslo ne semble pas
recevoir l’aval de ses interlocuteurs étrangers qui n’osent
imaginer devoir faire face à un nouveau candidat dont on ne
connaît pas encore le nom, ni la tête, et moins encore les
intentions. Diable, que nous préparent encore ces imprévisibles
insoumis !?...
Or, pour la population palestinienne qui a tout
enduré depuis plus de soixante ans sans percevoir la moindre
lueur dans l’avènement de son Etat, ces prochaines élections ne
sont-elles pas une opportunité de faire table rase de tout ce
qui a manifestement échoué ? Et d’en tirer les conclusions ?
Puisque rien ni personne ne semble jamais convenir aux
différents gouvernements israéliens : ni Yasser Arafat qui était
trop ceci, ni Mahmoud Abbas qui est trop cela, ni Ismaïl Haniyeh
qui n’est ni ceci ni cela tout en même temps ; qu’ils volent,
pillent, emprisonnent et massacrent toujours plus leurs voisins
au fil des ans ; qu’ils refusent obstinément l’arrêt de la
colonisation et par leur comportement affichent une arrogance
peu commune, peut-être est-ce le moment de remettre en cause le
partage-même de ce qui fut décidé sans l’avis des premiers
concernés, en 1947… et de dénoncer la solution choisie par les
Etats dits démocratiques qui leur fut imposée, la déclarant
caduque et impossible à réaliser de par l’intransigeance
coloniale israélienne…
Et peut-être dans la foulée conviendrait-il de
rappeler que finalement, le problème des pogroms puis du
génocide des juifs pendant la dernière guerre mondiale était
bien un problème européen qui ne concernait pas le Proche-Orient
où ils vivaient tranquilles. Problème qui dès lors, ne devrait
pas trouver sa solution sur le dos des Palestiniens qui
aujourd’hui continuent à payer notre ardoise ! Et de suggérer
aux Européens et leurs alliés de trouver sur leurs terres, un
endroit pour l’établissement de l’Etat « juif »
d’Israël. Ce sera l’occasion de voir si leur détermination au
soutien d’un tel Etat déguisé en démocratie sera toujours aussi
appuyée et inconditionnelle…
Ainsi, voilà bientôt deux ans, je proposais dans
La Démocratie Mensonge, une solution à la question
israélo-palestinienne, sous forme de « pensées
interdites » :
« (…) Si l’on regarde l’Histoire humaine, rien n’y est
jamais définitif. Tout est, là également, en constante
évolution. Et tout particulièrement, les frontières
délimitant les limites de tel ou tel pays. Il n’est qu’à
jeter un œil sur les cartes géographiques d’antan. Celles
d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec celles d’hier ou
d’avant hier. Et ne sont probablement pas à l’image de
celles de demain. Transformées elles aussi, par la
conjonction des forces qui les (re)dessinent. Et dans ce
cas-là, les forces en question sont la volonté et les
décisions des hommes et des femmes qui peuplent le monde et
ses régions, et en modèlent, en modifient ses étendues et
ses limites. Il ne faut pas remonter bien loin dans le passé
pour en avoir des exemples : que ce soit en ex-URSS, en
ex-Yougoslavie, en ex-Tchécoslovaquie pour ne parler que
d’une Europe qui n’a de cesse de se redessiner, les récentes
nouvelles frontières sont nombreuses. Et ne sont
certainement pas définitives. Dans quelque temps,
qu’adviendra-t-il du Kosovo, du Monténégro, de l’îlot russe
de Kaliningrad enclavé en pays baltes eux-mêmes rattachés à
l’Union européenne, du Kurdistan inscrit sur plusieurs pays,
du Sahara occidental, ou du Tibet, … ? Bien malin qui
pourrait en dessiner aujourd’hui les futures frontières.
Mais l’observation des faits scientifiques
nous a appris aussi autre chose, d’essentiel : dans son
évolution, l’univers a horreur du gaspillage d’énergie,
étant entendu que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se
transforme. Pour une fois, essayons donc d’en tirer les
leçons et de nous les appliquer.
Il n’y a pas si longtemps, au moment où
quelques responsables juifs réclamaient une terre pour
accueillir leur projet de foyer national, étaient envisagées
trois éventualités : la Palestine, l’Argentine et l’Ouganda.
Le choix s’est porté sur la Palestine, pour diverses raisons
dont celle d’un retour à la Terre Promise… cette fadaise !
Aujourd’hui, plutôt que de continuer dans cette option qui
paraît sans issue, dans cette obsession sanglante et
meurtrière d’imposer les frontières du jeune Etat d’Israël
au cœur de la Palestine historique dont les habitants n’ont
jamais eu leur mot à dire sur cette décision, et d’en payer
le prix le plus fort depuis 60 ans, pourquoi ne pas
envisager une quatrième voie, plus économe à tout point de
vue ? En outre, dans l’esprit de la « globalisation » où
tout est bon à n’importe quelle entreprise pour améliorer
ses marges bénéficiaires par l’entremise de la
délocalisation, l’idée s’inscrit tout à fait dans l’air du
temps…
De toutes les manières, plus les années
passent, plus la domination d’Israël sur la région semble
comptée. Depuis 1967, à l’inverse de ce qui apparaît au
premier coup d’œil, l’Etat israélien a perdu une partie du
terrain volé à ses voisins. Il a rétrocédé le Sinaï à
l’Egypte, a quitté la majeure partie du Sud Liban, s’est
retiré de Gaza, et devra tôt ou tard négocier le Golan
syrien… avant d’entamer des pourparlers au sujet des
nombreuses colonies implantées en Cisjordanie dont on sait
que toutes sont illégales.
Son recours à une oppression féroce sur ce
qui lui reste en est d’autant plus brutale : les
Palestiniens en font les frais chaque jour… avant, sans
doute, l’implosion de l’Etat israélien sous sa forme
actuelle, condamné à disparaître par la définition même de
ses statuts racistes et de ses pratiques d’apartheid
impossibles à perpétuer éternellement dans un monde qui
prône la « démocratie » comme modèle…
L’Algérie a résisté pendant plus de 130 ans
à l’occupation française… Même dans un infernal quotidien,
les Palestiniens savent avoir encore du temps devant eux… et
il est fort improbable que les pays arabes voisins acceptent
la disparition du 3ème lieu saint de l’Islam à Jérusalem, au
seul profit du judaïsme…
Ainsi, puisqu’il est établi que les
Etats-Unis soutiennent inconditionnellement et, envers et
contre tout, le gouvernement et le peuple israéliens,
pourquoi ne pas offrir à ces derniers, l’un des plus grands
espaces qui soit – la superficie des USA est de 9.630.000
km² et celle d’Israël de 20.770 km², soit moins de 0,25 % du
territoire américain – en leur permettant d’y édifier leur
Etat ? Les espaces désertiques ne manquent pas dans le
Sud-Ouest des USA et quelques grands déserts pourraient bien
accueillir ceux qui semblent avoir un penchant atavique pour
la chose.
Avec les techniques actuelles, nul doute
qu’il soit possible de déménager les quelques vieilles
pierres restantes du Mur des Lamentations… Et si vraiment
cela ne pouvait être envisagé par crainte de dommages
irréversibles au site historique, ou par respect pour ceux
qui désireraient rester à Jérusalem, ainsi que pour le
tourisme qui retrouverait-là son affluence d’antan, on
pourrait assurément compter sur les techniciens d’Hollywood
pour effectuer de parfaits décors de la Ville Sainte, plus
vrais que nature ! Et pourquoi pas, envisager jusqu’à la
reconstruction totale du Temple de Salomon qui trônerait
alors, dans toute sa splendeur, au centre d’une nouvelle
capitale, baptisée New-Jerusalem !?
Ce serait tout avantage pour les
Israéliens : ils ne seraient pas trop dépaysés par
l’environnement naturel ; seraient directement sous l’aile
protectrice et satellitaire de leur bienfaiteur ; ne
devraient plus utiliser leur argutie habituelle de peurs
paranoïaques alimentées par la présence d’Arabes et de
musulmans innombrables à leurs frontières ; n’auraient plus
besoin d’un budget militaire exponentiel pour garantir la
paix avec leurs voisins, ce qui leur permettrait de se
pencher sur le problème réel de la pauvreté dans le pays ;
n’auraient plus à vivre en état de stress permanent parce
qu’ils seraient mieux abrités d’éventuelles attaques
suicides ; pourraient se livrer sans limite à leur
occupation favorite, à savoir, l’extension de leur
territoire, etc… Le colossal budget militaire ainsi
économisé pourrait servir à édifier très rapidement les
infrastructures modernes dont ils bénéficient aujourd’hui,
et pourrait en outre être consacré aux soins psychologiques
indispensables pour soigner les nombreuses névroses d’une
grande majorité de citoyens. Enfin, comble de bonheur, ils
seraient proches du Saint des Saints puisque le souffle
divin traverse aussi le Président yankee [à l’époque du
président Bush- ndlr], qui conduit désormais le monde de
vision en vision… Comme on peut le voir, là également, point
de dépaysement…
La région du Moyen-Orient serait finalement
libérée de l’une de ses tensions majeures. La Communauté
internationale serait définitivement débarrassée de l’un de
ses plus épineux problèmes puisque le cas échéant, tout
problème israélien deviendrait interne aux Etats-Unis. Là
également, que d’économies d’argent et d’énergie ! Le calme
reviendrait sans doute dans l’ensemble de la région. Ainsi
peut-être que sur les cours pétroliers. Le nouveau
Moyen-Orient ainsi reconstitué pourrait être sécurisé d’Est
en Ouest et du Nord au Sud et nettoyé de tout danger
nucléaire, y compris en Iran. Et les peuples libérés
pourraient enfin se consacrer à l’essentiel. Ce qui au vu
des dégâts à tous niveaux, éliminerait le chômage et
assurerait du travail pour tous, pendant des décennies
entières. Nous serions en Europe, soulagés des interventions
indigestes des prétentieux de salons, politologues
incompétents, journalistes verbeux, « spécialistes »
pédants, etc… Et chacun de nous pourrait en définitive,
consacrer son temps à autre chose.
Quand on voit les milliards engloutis, dans
la conquête spatiale pour les armes sophistiquées des uns,
dans la reconstruction et l’aide humanitaire sans fin des
autres, sans compter les coûts indécents d’une diplomatie
inopérante de tous, en termes strictement économiques,
l’impact d’un tel plan serait i-ni-ma-gi-na-ble ! Au lieu
d’entraîner les forces vives du pays dans leurs guerres
ruineuses, les Etats-Unis pourraient booster leur économie
de façon vertigineuse. Les places boursières s’envoleraient.
Et leur image extérieure retrouverait une blancheur
(presque) immaculée.
Plutôt que de renouveler sans cesse des
promesses jamais tenues à propos d’un futur Etat
palestinien, celui-ci pourrait éclore dans ses limites
historiques, et la place libérée par une partie de la
communauté juive permettrait d’y accueillir tous les
réfugiés entassés dans les pays voisins qui, eux aussi,
seraient débarrassés d’un douloureux problème à l’intérieur
de leurs frontières… Tous les Israéliens, juifs ou non, qui
le désirent pourraient rester en Palestine et cohabiter
sereinement avec leurs compatriotes arabes, musulmans,
chrétiens ou laïcs, comme c’était le cas par le passé, ainsi
que dans nombre de pays de par le monde.
De son côté, le nouvel Israël pourrait
négocier son rattachement comme 51ème Etat aux cinquante
actuels qui forment les Etats-Unis d’Amérique. Il serait
ainsi, enfin reconnu par toutes les Nations, y compris par
les Etats arabes les plus réticents, dans son « droit
d’exister »…
L’ensemble des anciennes Résolutions des
Nations Unies seraient déclarées caduques et une nouvelle
ère de réelle prospérité s’ouvrirait pour chacun. Bref, ce
serait la paix pour tous, dans le meilleur des mondes… Cela
s’avèrerait une véritable manne céleste, proche du miracle…
Mais, quoi de plus naturel, pour le peuple élu dont les plus
convaincus n’ont de cesse de répéter qu’ils sont en dialogue
direct avec Dieu !? (…) »
Daniel
Vanhove
Observateur civil
Membre du
Mouvement Citoyen Palestine
Co-auteur
de Retour de Palestine – 2002 – aux Ed. Vista
Auteur de
Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes
– 2005
et de
La Démocratie Mensonge
– 2008 – parus aux Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire
© LE GRAND SOIR - Diffusion
non-commerciale autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.
|