Analyses
Quand l'Europe des droits de l'homme
encourage le viol du droit international
Daniel Vanhove
Dimanche 14 décembre
Les citoyens européens sont-ils bien informés des
tractations et manigances qui se trament dans les enceintes
prestigieuses de l’Union ? Rien n’est moins sûr !
Ces 8 et 9 décembre, le Conseil des ministres
européens a adopté un texte invitant à « rehausser les relations
entre Israël et l’UE ». En clair, cela signifie une
revalorisation du statut d’Israël sur le plan politique.
La semaine précédente, le Parlement européen
avait pourtant repoussé le vote de ce texte à janvier, invitant
Israël à revoir sérieusement sa politique en matière
d’occupation des territoires palestiniens et particulièrement du
blocus de la Bande de Gaza.
Le 1er décembre, le Commissaire
européen Louis Michel, chargé du développement et de l’aide
humanitaire, avait rappelé que la fermeture continuelle des
points de passage dans la Bande de Gaza constituait une punition
collective à l’encontre de civils et s’inscrivait dès lors, en
violation du Droit humanitaire international.
Ce même 9 décembre à Genève, le Conseil des
Droits de l’Homme adressait une liste de 99 recommandations à
Israël, allant de la levée de son blocus de Gaza à la libération
de prisonniers palestiniens, en passant par l’abandon de la
torture, …
Ce même 9 décembre toujours, Richard Falk, expert
à l’ONU des Droits humains dans les territoires palestiniens
occupés, soulignait « la responsabilité de protéger une
population civile punie collectivement par des politiques qui
s’assimilent à un crime contre l’humanité. »
Ajoutant même « qu’il semblait du mandat de la Cour
pénale internationale, d’enquêter sur la situation, et de
déterminer si les dirigeants politiques israéliens et les chefs
militaires responsables du siège de Gaza devaient être inculpés
et poursuivis pour violations du Droit pénal international. »
Qu’importe ! Il semble que le Conseil des
ministres de l’UE soit constitué d’autistes profonds. Et sous
l’insistance de la présidence française pressée par la fin de
son mandat – à moins qu’il n’y ait d’autres raisons – le texte
du rapprochement de l’UE avec Israël a donc été entériné.
Quelle leçon le citoyen européen et au-delà, tout
observateur extérieur, pourra-t-il retenir de cette dramaturgie,
sinon celle d’une UE qui claironne à tout-va que les Droits de
l’Homme constituent l’une des valeurs essentielles qu’elle
promeut, mais que dans le même temps, ils ne s’appliquent pas
dans tous les cas ? Et qu’à l’observation minutieuse des faits,
il en va donc toujours du détestable deux poids deux mesures, en
fonction des intérêts que l’UE entend défendre : forte en gueule
quand il s’agit de soutenir l’intégrité territoriale et
l’autonomie du Kosovo, de la Géorgie, voire du Tibet, mais bien
aphone lorsqu’il s’agit de condamner Israël depuis 60 ans que
dure la Nakba palestinienne ! Ainsi, par cette lamentable
décision, l’UE envoie un message fort à l’Etat israélien, et
l’encourage à poursuivre sa criminelle politique d’apartheid et
son viol avéré du Droit humanitaire.
Ces élites zélées devraient pourtant comprendre
qu’une justice qui fonctionne à géométrie variable, est perdante
– et nous avec – à tous les coups. Et que dans la foulée, ce
type de décision ne peut que discréditer les références
nombreuses aux valeurs d’une démocratie qu’ils n’ont de cesse
d’invoquer, tout en la fragilisant. Tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur de l’UE, c’est un très mauvais signal envoyé par les
ministres européens, qui au lieu de contribuer à l'émergence de
plus de justice dans le monde, s’en éloignent. Quoi d’étonnant
dès lors, que de plus en plus de citoyens ne se reconnaissent
pas dans le projet d’une Constitution européenne qui éveille
beaucoup de méfiance, et qu’une majorité d’entre eux rejette…
quand leur est demandé leur avis !
Daniel Vanhove
Auteur de La Démocratie Mensonge – 2008 – coll. Oser
Dire – Ed. Marco Pietteur
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