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Tony Blair,
la guerre en Iraq et la ligue internationale des criminels de
guerre
Chris Marsden
Tony Blair
Mardi 5 janvier 2010 Le 13 décembre un juge britannique retira
un mandat d’arrêt pour crime de guerre contre Tzipi Livni,
l’ancienne ministre des Affaires étrangères d’Israël et actuelle
leader de l’opposition. Elle encourait des poursuites en tant
que membre du cabinet de guerre responsable de l’opération
« plomb durci », l’offensive militaire menée contre Gaza entre
le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009.
Quelque 1.400 Palestiniens furent tués, en majorité des
civils, parmi lesquels quatre cent femmes et enfants. 5.000
personnes au moins furent blessées et 21.000 habitations
détruites.
Livni put éviter une arrestation parce qu’on l’informa de
l’existence de ce mandat d’arrêt secret et elle ne se rendit pas
en Grande-Bretagne.
La réaction du gouvernement britannique à l’émission du
mandat d’arrêt a frôlé l’hystérie. Cette réaction consista en
des excuses personnelles à Livni et en promesses de la part du
premier ministre Gordon Brown, du ministre des Affaires
étrangères David Miliband et de la présidente de la Chambre des
députés, Harriet Harman, que le gouvernement allait demander à
faire changer la loi afin de prévenir tout mandat d’arrêt contre
des responsables israéliens à l’avenir.
Il y a des raisons de politique étrangère évidentes à ce que
la Grande-Bretagne se précipite pour protéger le gouvernement de
Benjamin Netanyahu. Israël est un allié crucial de l’Occident au
Moyen-Orient et une voix influente à Washington. Mais il y a
d’autres facteurs qui dictent le comportement de Brown et Cie.
Le jour même où le mandat d’arrêt contre Livni était retiré,
la BBC diffusait une interview télévisée avec l’ancien premier
ministre Tony Blair. Dans cette interview on demanda à Blair
s’il aurait toujours été en faveur d’une invasion de l’Iraq en
2003 s’il avait su que le régime irakien ne possédait pas
d’« armes de destruction massive » (ADM) ainsi que son
gouvernement l’avait prétendu à l’époque.
Blair éluda tout d’abord la question, puis il dit que cela
n’aurait fait aucune différence. La question des ADM n’était
qu’une de ses préoccupations, déclara-t-il. « C’était l’idée de
sa présence [Saddam Hussein] en tant que menace pour la région,
le fait de savoir comment cette région allait changer pendant
qu’il était là » qui avait motivé ses actions, dit Blair.
Même sans ADM « j’aurais quand même pensé que c’était juste
de le faire partir » continua-t-il. « Je veux dire – évidemment,
il aurait fallu utiliser et déployer des arguments différents,
quant à la nature de la menace. »
Blair dit clairement ensuite qu’il avait décidé de suivre une
politique de la guerre préemptive contre un régime n’ayant
commis aucun acte hostile et dans le but d’assurer un changement
de régime. Il dit à ses interviewers que la question en jeu ici
était de savoir si la région allait « évoluer » de la « bonne
manière ».
Les déclarations de Blair constituent un justificatif
suffisant pour qu’il soit traduit en justice sur une accusation
de crimes de guerre. Dans un procès, elles pourraient être
retenues comme une preuve crédible que lui et ses alliés de
l’administration Bush sont coupables d’avoir préparé et mené une
guerre d’agression.
Son admission sape ses efforts passés pour donner une
couverture de légitimité internationale à la guerre contre
l’Irak. Lui et le gouvernement britannique ne pouvaient pas
officiellement s’engager en faveur de la politique avouée de
changement de régime du gouvernement Bush, parce qu’ils avaient
été averti de son illégalité.
Au lieu de cela, Blair et les services de sécurité
britanniques ont avancé la thèse que les prétendues ADM de
l’Irak représentaient une menace directe pour la Grande-Bretagne
et ses alliés. Sur cette base, ils argumentèrent qu’une invasion
serait un acte de légitime défense, citant cyniquement des
résolutions des Nations unies sur le désarmement irakien, malgré
l’échec des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne d’obtenir de la
part du Conseil de sécurité de l’ONU une résolution autorisant
la guerre.
Il est aussi à noter que la semaine qui a précédé l’interview
de Blair, Sir John Scarlett, le directeur du Joint Intelligence
Committee au moment de l’invasion de mars 2003, dit à la
commission d’enquête Chilcot sur la guerre en Irak, que des
informations selon lesquelles Saddam Hussein ne disposait pas
d’armes de destruction massive furent envoyées directement à
Blair avant l’invasion.
Les déclarations faites par Blair dans son interview,
détermina Hans Blix, qui avait conduit la mission d’inspection
des Nations unies sur l’existence d’armes de destruction massive
en Irak, à dire : « on dirait un peu une feuille de vigne dont
on se servait et si on ne s’était pas servi de cette feuille de
vigne là, alors on aurait essayé d’utiliser une autre feuille de
vigne ».
Jonathan Steele observa dans le Guardian, normalement
pro travailliste : « La fanfaronnade de Tony Blair qui dit qu’il
aurait cherché à chasser Saddam Hussein même en sachant que le
président irakien n’avait plus d’armes de destruction massive
apporte une preuve nouvelle qu’il a probablement commis un crime
en accompagnant l’invasion de George Bush. Cela met aussi sur la
sellette Gordon Brown, David Miliband, et le reste du
gouvernement travailliste de l’époque ».
Steele mentionna des précédents récents qui étaieraient une
accusation de crimes de guerre contre Blair. « Dans des affaires
portées devant la Cour pénale internationale pour la
Yougoslavie, on a qualifié de collaboration à une ‘entreprise
criminelle commune’ les actes de leaders politiques ayant
fomenté une violence illégale à une grande échelle ».
Il existe un autre précédent légal. A la fin de la Seconde
Guerre mondiale, les accusations portées lors du principal
procès de Nuremberg contre vingt-deux criminels de guerre, ce
qui incluait la direction du parti nazi, étaient celles de :
participation à un plan ou à une conspiration communs en vue de
perpétrer un crime contre la paix ; préparer, commencer et
conduire des guerres d’agression et autres crimes contre la
paix ; crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Le tribunal résuma son verdict de culpabilité contre les
accusés en expliquant : « la guerre est essentiellement un mal.
Ses conséquences ne se limitent pas aux seuls Etats
belligérants, mais elle affecte le monde entier. Commencer une
guerre d’agression, par conséquent, n’est pas seulement un crime
international, c’est le crime international suprême, différent
des autres crimes de guerre en ce qu’il comporte en lui-même le
mal accumulé du tout. »
Les principes de Nuremberg furent adoptés par la Commission
du droit international des Nations unies qui en fit le principal
fondement du droit international, tel qu’on le retrouve dans la
convention de Genève. Celle-ci fut à son tour incorporée au
droit britannique dans le Geneva Conventions Act de 1957.
L’admission de Blair ouvre donc à d’éventuelles poursuites
pour crimes de guerre toute la direction du Parti travailliste,
ainsi qu’un nombre appréciable de membres de l’establishment
politique et militaire britannique.
Il n’est donc guère surprenant que Brown et Miliband aient
tant hâte d’empêcher un procès sur la base d’une accusation de
crimes de guerre contre Livni. C’est aussi pourquoi ils
cherchent tellement, au nom d’une supposée limitation des
« abus » de la jurisprudence universelle, à retirer du droit
anglais un des articles centraux de la convention de Genève
stipulant que les nations signataires sont dans « l’obligation
de rechercher les personnes prévenues d’avoir commis, ou d’avoir
ordonné de commettre, l’une ou l’autre de ces infractions
graves » à la convention et qu’elles devront «les déférer à
[leurs] propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité ».
Voir aussi:
La ligue internationale des criminels de guerre
(Article original paru le 22 décembre 2009)
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Publié le 5 janvier 2010 avec l'aimable autorisation du WSWS
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