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Opinion
Kermesse du G8 : L'autisme des grands
Chems Eddine Chitour
Vendredi 28 mai 2011
« L’argent n’a pas de patrie;
les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence;
leur unique objectif est le gain. »
Napoléon Bonaparte (1769-1821)
Le 26 mai et le 27 mai , Nicolas Sarkozy et ses «collègues»
«maîtres du monde» se sont réunis à Deauville pour continuer
leur oeuvre destructrice au service des requins de la finance.
Le philosophe Michel Serres, invité de l’émission de Frederic
Taddeï, le jeudi soir s’interroge sur ce nouveau monde proposé.
Il démontre que le nouveau Monde, nous y sommes depuis le XXe
siècle, il cite le fait qu’il y avait, il y a un siècle en
France, 75% d’agriculteurs, il n’y en a plus que 1%. Il y avait
20% de citadins, il y en a 70%, la Toile a élargi le
vivre-ensemble, le téléphone a révolutionné les contacts. Le
village planétaire est une réalité Bref, de quel nouveau monde
on parle si ce n’est celui d’un gouvernement planétaire?
Qu’elles sont les nouvelles idées en termes d’apport à la paix
dans le monde? A la justice, à l’égale dignité?
De quoi va-t-on parler?
«Pour le Nouvel Observateur qui fait un inventaire à la Prévert
, les enjeux du G8 sont multiples. Si aucune décision majeure
n’est attendue, quelques jours après le discours de Barack Obama
sur le Monde arabe et le Moyen-Orient lors duquel il a affirmé
soutenir des pourparlers de paix en vue de la création d’un Etat
palestinien sur la base des frontières de 1967, Américains,
Européens et Russes doivent confronter leur position sur la
question. S’agissant du «Printemps arabe»: le G8 doit annoncer
des mesures immédiates pour aider la Tunisie et l’Egypte à
réussir leur transition et lancer les bases d’un partenariat sur
le long terme entre pays riches et démocraties naissantes. En
Libye: la guerre pour évincer du pouvoir El Gueddafi, qui devait
être courte, perdure. L’enlisement guette et les fractures au
sein de la communauté internationale s’accroissent. La solution
ne semble plus pouvoir être seulement militaire mais surtout
diplomatique et certains misent sur le G8 pour accélérer cette
voie. En Syrie: après les sanctions américaines et européennes,
l’enjeu de la discussion au sein du G8 est de convaincre la
Russie de lever sa menace de veto. En Afrique: une déclaration
conjointe G8-Afrique, est attendue. En Afghanistan, les
Occidentaux débattront d’une possible accélération du départ de
leurs troupes de ce pays, où la stabilité est loin d’être
acquise. En Iran: le programme nucléaire iranien continue d’être
la préoccupation principale des Occidentaux qui doivent évoquer
à nouveau leur stratégie de sanctions à l’encontre de Téhéran
(1).
Plusieurs journaux tentent d’expliquer les vrais enjeux. Le
journal La Montagne s’interroge «Parlera-t-on assez des jeunes
Arabes et Européens qui, avec des mots différents, nous disent
que le libéralisme les étrangle? (...) Ce serait un pas car dans
la complexité actuelle, ces générations ont plus besoin de
solutions que de constats.» «Le bal des banksters», dénonce pour
sa part L’Humanité «Que représente le G8 ou même le G20 face à
l’ensemble des Etats et surtout face aux peuples?», s’interroge
le quotidien communiste. «En réalité, répond-il, la seule chose
dont peuvent se prévaloir les huit pays réunis à Deauville,
c’est qu’ils sont le socle du capitalisme mondial. Ils ont été
affaiblis par la crise, ils sont fragilisés mais ils s’appuient
toujours sur leur puissance économique, militaire, technologique
et sur le contrat qui les lie malgré leurs désaccords: rester
les maîtres du monde.»
Une preuve de leur omnipotence est le mépris à l’égard des pays
émergents. Il y a quelques mois DSK admettait que le poste du
Directeur général du FMI devait revenir à une personnalité des
pays émergents. Pourtant, après la chute brutale de DSK,
l’Europe et surtout la France, a fait le forcing. L’Occident
change les règles et se déjuge quand les nouvelles règles ne
l’avantagent pas.«Candidate, Mme Lagarde est en tête dans la
course au FMI», s’exclame Le Monde. Pour L’Est Républicain: «Le
FMI ne peut se permettre l’ombre d’un nouveau scandale. Ensuite,
il y a ce risque de défiance des pays émergents, las que le
poste soit monopolisé par les Européens depuis 65 ans, sans
autre logique que l’arrogance diplomatique.» Et L’Est
Républicain s’interroge:«Jusqu’à quand le Fonds pourra-t-il nier
le nouveau monde?»(2)
Pourquoi, en effet, ce serait l’Europe qui serait au FMI? Parce
qu’e c’est elle qui en profite en priorité (Grèce, Irlande,
Portugal et bientôt Espagne et Italie). Le FMI est devenu
pratiquement un organe au service de l’Europe avec l’argent des
autres. Sarkozy dit que l’Europe a donné 5% des sièges aux pays
émergents, il ne dit pas ce qu’ils ont amené comme argent. Il
est prévisible que les Etats-Unis vont donner leur accord pour
un candidat européen et pas pour celui d’un pays émergent qui
serait amené en un mot ou un autre, à se pencher sur le déficit
abyssal américain et la création monétaire sans équivalent en
richesse.
La réalité du gouvernement du
monde par les puissants
Une analyse magistrale de cette réalité a été faite par Aurélie
Trouvé, vice-présidente de «Attac». Elle résume mieux que mille
discours généralement lénifiants de médias aux ordres, la
réalité des G8 G20... La France accueille les 26 et 27 mai le
festival des huit pays les plus riches du monde. (...) On aurait
tort, cependant, de considérer le G8 comme un vestige du passé.
Il se tient cette année sous l’insistance de Nicolas Sarkoy. Et
pour cause: les pays du G8 ont des intérêts bien spécifiques et
pour rester les plus riches, il faut qu’ils s’organisent. En
témoigne l’agenda du sommet. L’Internet sera à l’honneur et avec
lui, les grand patrons invités de Facebook, Amazon et autres
blockbusters de l’Internet, pour discuter en particulier des
droits de propriété intellectuelle, indispensables dans leur
stratégie d’expansion mondiale. Le site officiel du G8 de
Deauville l’affirme: «L’innovation et la croissance verte
constituent des gisements essentiels pour l’économie et l’emploi
des pays du G8 et pour rehausser leur potentiel de croissance».
Le «partenariat avec l’Afrique», au-delà des objectifs de
développement qui n’ont jamais été tenus par les G8 précédents,
encouragera le»développement du secteur privé, moteur de la
croissance en Afrique». Le décor est planté: l’environnement et
l’Afrique comme nouveaux terrains d’accumulation du capital,
nouveaux moyens d’étendre les marchés et d’augmenter les profits
des puissances économiques du G8 ».(3)
« D’autres sujets ont percuté l’agenda. Après la catastrophe de
Fukushima. L’enjeu sera de relégitimer le nucléaire, face aux
idées de développement d’énergies renouvelables ou de sobriété
énergétique, ô combien néfastes pour nos champions de
l’industrie nucléaire. Le G8 entend aussi discuter des printemps
arabes. Aurélie Trouvé nous informe à propos de la réalité du
«printemps arabe» et de la gestion des conflits: «(..) Sous
couvert d’aide à la transition démocratique, il s’agira surtout
de négocier, avec les gouvernements provisoires, des accords de
coopération économique en échange de mesures restrictives sur
les flux migratoires. Le G8 craint la mise en place d’un modèle
économique qui ne soit pas dans ses intérêts et espère profiter
des milliards d’investissements potentiels dans ces nouvelles
démocraties. (...) Le G8 n’est pas seulement un grand festival:
le travail de l’ombre et les multiples tractations qui
l’accompagnent instiguent une gouvernance de la peur, un ordre
sécuritaire mondial, par le renforcement des lois sécuritaires.
Ces huit pays qui représentent les trois quarts des dépenses
militaires mondiales entendent également décider seuls de la
guerre et de la paix dans le monde. À l’ordre du jour de
Deauville figurent les conflits armés où sont déjà engagés les
alliés, l’Irak, l’Afghanistan et certainement la Libye, où,
rappelons-le, l’intervention militaire fut réellement décidée
lors du G8 des ministres des Affaires étrangères de mars
dernier.(...) Refusant d’entrer dans ce jeu-là, un collectif de
quarante organisations, syndicales, associatives et politiques,
organisera en opposition au G8 un rassemblement international et
un «forum des alternatives».(3)
Ce qui nous a le plus interpellé, c’est la presque indifférence
des grands à l’endroit des révoltes des jeunes dans le Monde
arabe intronisé par la doxa occidentale «Printemps arabe» qu’ils
ont contribué largement à faire «venir». On pense à tort qu’une
poignée de milliards de dollars ,avec naturellement, un « bon
retour sur investissement » est à même d’insuffler une dynamique
nouvelle permettant à ces peuples de tourner le dos à la
pesanteur du sous développement. Cette Jeunesse arabe qui aspire
à la dignité, au travail, à un futur fait exemple en Occident où
l’on s’aperçoit que la fracture intra-social est importante. Un
exemple est la révolte des jeunes Espagnols qui ont baptisé la
place où ils ont élu domicile «Place Tahrir». On lit dans le
journal Le Monde: «On ne saurait imaginer plus bel objectif pour
le G8 de Deauville que d’accompagner et d’encourager les
printemps arabes. Tout d’abord parce que les pays rassemblés à
Deauville n’ont plus guère les moyens de politiques extérieures
prodigues, même si les sommes en jeu sont presque dérisoires par
rapport aux gouffres financiers que constituent les engagements
militaires occidentaux en Irak et en Afghanistan. Ainsi, l’aide
sollicitée par les Tunisiens - et ils ne se privent pas de le
dire - correspond à deux mois de dépenses américaines à Baghdad.
Une misère. Certains pays arabes disposent, certes, de moyens
considérables pour appuyer le mouvement historique qui s’est mis
en branle au Maghreb comme au Machrek. Les aspirants démocrates
arabes risquent de devoir d’autant plus compter sur eux-mêmes
que les Occidentaux n’ont rien d’un bloc compact et cohérent. Et
ce n’est pas le dossier israélo-palestinien qui fournira
d’autres raisons d’espérer dans cette région du monde. A vrai
dire, après le discours du Premier ministre israélien, Benyamin
Nétanyahou, devant un Congrès américain acquis à sa cause, on ne
voit guère qui pourrait encore négocier quoi. » (4)
Les révoltes arabes: la réalité
Le Sommet du G8 parle d’une aide de 35 milliards de dollars pour
les pays arabes pour conforter la démocratie. Voilà pour la face
pile. Regardons maintenant derrière les mots ce qui se cache et
la réalité des révoltes du Monde arabe et la réelle position
américaine. Noam Chomsky avec sa lucidité coutumière répondant à
Amy Goodman de Democracy now!, sur la réaction des Etats-Unis
aux révoltes populaires qui se sont propagées au Moyen-Orient et
en Afrique du Nord à l’occasion du 25e anniversaire du groupe de
surveillance des medias nationaux, «Fairness and Accuracy in
Reporting» (Fair) déclare: «Les Etats-Unis et leurs alliés
feront tout pour empêcher l’instauration d’une véritable
démocratie dans le Monde arabe. La raison en est très simple.
Dans toute la région, une majorité écrasante de la population
considère que les Etats-Unis sont la principale menace contre
leurs intérêts. De fait, l’opposition à la politique US est si
forte que l’immense majorité d’entre eux pense que la région
serait plus en sécurité si l’Iran possédait l’arme nucléaire. En
Egypte, le pays le plus important, ce taux est de 80%. Et le
pourcentage est pratiquement le même ailleurs. Il y en a
certains dans la région qui considèrent l’Iran comme une menace
- ils sont environ 10%. Eh bien, il est clair que les Etats-Unis
et leurs alliés ne vont pas tolérer que s’installent des
gouvernements qui se préoccupent de la volonté du peuple. Si
cela devait se réaliser, non seulement les Etats-Unis ne
contrôleraient plus la région, mais ils en seraient expulsés. Et
donc, c’est de toute évidence un plan intolérable. (...) (5)
Sans concession, Chomsky décrit le machiavélisme occidental: «Si
les dictateurs nous soutiennent et qu’ils contrôlent leurs
populations, alors, où est le problème? C’est comme
l’impérialisme. Où est le problème si ça marche? Tant qu’ils
peuvent maîtriser les populations, tout va bien. Elles peuvent
manifester leur haine, nos sympathiques dictateurs les garderont
sous contrôle. (...) Ce que pense la population, on s’en fiche,
pourvu qu’elle soit contenue. (...) Et donc, quand il s’agit
d’un pays riche en pétrole, avec un dictateur fiable et docile,
on le laisse faire ce qu’il veut. L’Arabie Saoudite est le pays
plus important de cette catégorie. C’est le centre du
fondamentalisme islamique le plus puissant, le plus extrémiste
et le plus brutal, des missionnaires. Mais ils sont dociles et
fiables, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. (...) Quand on
arrive au point où il n’est plus du tout possible de le soutenir
- par exemple, disons, si l’armée ou les milieux d’affaires se
retournent contre lui - alors, il faut le faire partir, faire
des déclarations fracassantes sur l’amour qu’on porte à la
démocratie, puis, chercher à remettre en place l’ancien régime,
avec de nouveaux noms, s’il faut. Et c’est ce qui se fait
indéfiniment. Et puis, il y a une deuxième catégorie. Cette
catégorie c’est celle du dictateur de pays pétrolier en qui on
n’a pas confiance, l’électron libre. C’est le cas de la Libye.
Et là, la stratégie est différente; il faut chercher à mettre en
place un dictateur plus fiable. Et c’est exactement ce qui se
passe actuellement». (5)
Faut –il rappeler que les promesses du G8 à l’endroit des
pauvres ne sont pas tenues ?. 6 ans après le sommet de
Gleenaegles, l’aide à l’Afrique est assurée à moins de 50%.
Plusieurs ONG, dont Oxfam France ou l’organisation ONE ont
reproché aux pays du G8 de ne pas avoir rempli l’engagement pris
en 2005 de doubler l’aide au développement pour l’Afrique
subsaharienne d’ici la fin 2010, en ne versant que 11,2
milliards de dollars contre les 18 prévus durant cette période.
Le président Sarkozy a rappelé qu’il a été promis 50 milliards.
Cette promesse a été presque tenue (48 milliards) sauf que
c’était en 2005, L’inflation est passée par là.
De plus, un problème parmi tant d’autres, et qui est lié à la
spéculation qui est le moteur du néolibéralisme, n’a pas trouvé
solution, il s’agit des prix des matières premières. Pour
rappel, le G20 s’est, pour la première fois, penché sur la
question de la fluctuation excessive des prix des matières
premières lors du Sommet de Pittsburgh en septembre 2009 mais
peu de mesures concrètes ont été prises à ce jour. Améliorer la
transparence avec «une base de données communes sur les stocks».
Créer des stocks d’urgence pour éviter que «l’aide humanitaire
n’ait à acheter les denrées alimentaires au prix fort» lorsque
leur cours flambe. On le voit, ceci reste toujours un voeu
pieux, la famine a de beaux jours devant elle. Ce Sommet qui
parle du climat tiendra ses promesses en termes de pollution, ce
sont des millions de tonnes de CO2 qui seront envoyées dans
l’atmosphère.
En définitive, on peut s’interroger pourquoi graduellement
l’Assemblée des Nations unies s’est fait déposséder
graduellement de ses prérogatives Que deviennent les
institutions adoubées par les 190 pays? Pourquoi a-t-on
déconstruit ce qui existe comme l’ONU, la Cnuced et le BIT que
l’on a vidés de leur substance et rendus impuissants au profit
des huit pays les plus importants de la planète? A l’évidence,
rien n’arrête le gouvernement mondial qui se met en place.
Malheur aux faibles! A moins que la jeunesse du Monde, en qui
survit la quête de la vérité, dise basta! C’est peut être comme
cela que la contagion de la place Tahrir en Europe (Espagne) et
en Grèce, peut être interprétée. Peut-être aussi que les
puissants sortiront-ils de leur autisme et se verront imposer de
«l’intérieur» une vision d’un véritable nouveau monde de l’égale
dignité pour tous les hommes. Nous l’espérons
1. Les enjeux du G8 de Deauville Nouvel Obs
26/05/11
2.
http://www.rfi.fr/emission/20110526-une-le-g8-nouveau-est-il-arrive
26 mai 2011
3.G8 à Deauville: silence, on tourne! Le Monde.Fr 25 /05 /2011
4. Le G8 à Deauville: Le soutien trop timoré aux démocraties
arabes Le Monde.fr 26.05.11
5. Noam Chomsky: Les Etats-Unis et leurs alliés feront tout pour
empêcher l’instauration de la démocratie dans le Monde arabe
http://blog.emceebeulogue.fr/post/2011/05/20/Noam
Chomsky%3A-Les-Etats-Unis-et-leurs-alli%C3%A9s-feront-tout-pour-emp%C3%AAcher-l-instauration-de-la-d%C3%A9mocratie-dans-le-monde-arabe
26 mai 2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
Publié le 28 mai 2011 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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