Opinion
Novembre 1917,
novembre 1967, novembre 2012 :
La tragédie palestinienne continue
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Samedi 24 novembre
2012
«Le problème que
Gaza pose à Israël est qu'il ne va pas
s'évaporer - en dépit du grand désir
d'Israël de le voir s'évaporer. Gaza est
le rappel constant de la dépopulation de
la Palestine en 1948, de la folie de
l'occupation de 1967, et des nombreux
massacres qui ont été perpétrés depuis
(...).»
Yousef
Munayyer de la Fondation de Jérusalem /
Centre Palestinien
Une nouvelle fois les armes se sont
tues. Enfin! Cependant, cette paix armée
est provisoire dans l'attente du
prochain conflit. Les racines de ce
conflit plongent leur histoire dans deux
récits: le récit biblique avec la terre
promise il y a 3000 ans par Dieu aux «
Banou Israël », « Les enfants d’Israël »
et le récit politique d'un certain
Balfour, lord de son état et,
accessoirement ministre de sa Gracieuse
Majesté, un certain 2 novembre 1917.
Dans cette contribution, nous voulons
pointer du doigt trois événements qui
eurent lieu en novembre et qui
segmentèrent la tragédie palestinienne.
Qui sont
ces Palestiniens qui refusent de
disparaître?
Les Palestiniens sont 10 millions et
connaissent une importante diaspora.
Plus de 4 millions d'entre eux ont le
statut de réfugiés, suite à l'exode
palestinien de 1948 et à la guerre des
Six Jours. 2,6 millions vivent en
Jordanie, 1,2 million en Israël, 500.000
sur le continent américain, tandis que
le reste est réparti dans le Monde
arabe. Seuls 3,7 millions vivent dans
les «territoires palestiniens» (Bande de
Gaza, Cisjordanie et Jérusalem-Est). Le
Conseil national palestinien a proclamé
l'indépendance d'un État de Palestine le
15 novembre 1988 à Alger, mais n'est pas
reconnu par l'ONU (bien que la
déclaration soit, elle, «prise en
compte» par la résolution 43/177 de
l'Assemblée générale des Nations unies,
votée le 15 décembre 1988. Le 7 juillet
1993, les accords dits d'Oslo sont
signés et établissent un accord de
principe entre Israël et les
Palestiniens représentés par l'OLP. Ils
arrêtent le principe d'une future
autonomie palestinienne à Jéricho et à
Gaza. Le 13 septembre 1993, en présence
du président Bill Clinton, Yasser Arafat
et Yitzhak Rabin signent une déclaration
élaborée à Oslo qui aboutit à la
reconnaissance mutuelle de l'OLP et
d'Israël Depuis, plus rien...
Les
résolutions des Nations unies ignorées
par Israël
Citons sans être exhaustif toutes les
résolutions votées par le Conseil de
sécurité et l'Assemblée des Nations
unies. Aucune de ces résolutions n'a été
appliquée. Il a fallu d'une seule
résolution arrachée par la France, la
1703, pour que quelques mois après El
Gueddafi soit lynché et que le chaos
s'installe durablement en Libye loin des
puits de pétrole qui eux se portent
bien... 29 novembre 1947: l'Assemblée
générale de l'ONU adopte à la majorité
des deux tiers la résolution 181 qui
partage la Palestine en un État juif et
un État arabe et place Jérusalem et les
Lieux Saints «sous régime
international». Exil des Arabes de
Palestine. Printemps 1948, 70 à 80%
des... Résolution 181 de l'Assemblée
générale de l'ONU (29 novembre 1947):
plan de partage de la Palestine.
Résolution 194 de l'Assemblée générale
de l'ONU (11 décembre 1948): droit
inaliénable au retour des Palestiniens.
Résolution 237 du Conseil de sécurité de
l'ONU (14 juin 1967): retour des
réfugiés palestiniens. Résolution 242 du
Conseil de sécurité de l'ONU (22
novembre 1967): illégalité de
l'occupation des territoires envahis
lors de la guerre de 1967.
Après la guerre d’autres résolutions
furent prises et là aussi sans effet,
citons : Les Résolution 2649 de
l'Assemblée générale de l'ONU (30
novembre 1970): légitimité de la lutte
des peuples assujettis pour recouvrer
leurs droits par tous les moyens.
Résolution 3236 de l'Assemblée générale
de l'ONU (22 novembre 1974): droits
inaliénables du peuple palestinien.
Résolution 3379 de l'Assemblée générale
de l'ONU (10 novembre 1975):
qualification du sionisme. Résolution
3240/B de l'Assemblée générale de l'ONU
(2 décembre 1977): journée de solidarité
avec le peuple palestinien. Résolution
446 du Conseil de sécurité de l'ONU (22
mars 1979): illégalité des colonies de
peuplement dans les Territoires occupés.
Résolution 478 du Conseil de sécurité de
l'ONU (20 août 1980): illégalité de
l'annexion de Jérusalem. Résolution
46/86 de l'Assemblée générale de l'ONU
(16 décembre 1991): retrait de la
qualification du sionisme. Résolution
1397 du Conseil de sécurité (13 mars
2002): appel à la création d'un État
palestinien. Résolution ES-10/15 de
l'Assemblée générale de l'ONU (20
juillet 2004): illégalité du Mur
construit dans les Territoires occupés.
La
Déclaration de Balfour du 2 novembre
1917
Tout commence pour la période «récente»
avec la Déclaration de Balfour pour
service rendu à la couronne par le
chimiste Chaim Weizmann, né en Russie en
1904, il s'installe en Grande-Bretagne
et devient sujet de la couronne. Il
s'investit dans l'effort de guerre
britannique durant la Première Guerre
mondiale. En 1916, il met au point un
procédé de fabrication de l'acétone,
pour la fabrication d'explosifs TNT pour
les Alliés. La déclaration est la
suivante: «Le gouvernement de Sa Majesté
envisage favorablement l'établissement
en Palestine d'un foyer national pour le
peuple juif, et emploiera tous ses
efforts pour faciliter la réalisation de
cet objectif, étant clairement entendu
que rien ne sera fait qui puisse porter
atteinte ni aux droits civiques et
religieux des collectivités non juives
existant en Palestine, ni aux droits et
au statut politique dont les juifs
jouissent dans tout autre pays.» On le
voit, les Palestiniens qui sont
autochtones ne sont que des
collectivités non juives, sous-entendus
des minorités. C'est la première pierre
du calvaire palestinien qui dure depuis
95 ans.
La
résolution 242 du 22 novembre 1967 du
Conseil de sécurité des Nations Unies
La résolution 242 est une résolution du
Conseil de sécurité de l'ONU qui a été
votée le 22 novembre 1967 suite à la
guerre des Six Jours. L'ONU se réfère
régulièrement à ce texte dans d'autres
résolutions adoptées sur la question
israélo-palestinienne. À l'issue de la
première guerre israélo-arabe, aucun
accord de paix n'a été signé entre
Israël et les pays arabes voisins et le
problème des réfugiés palestiniens reste
sans solution. Pour rappel, le 5 juin
1967, Israël lance une attaque surprise
contre l'Égypte puis attaque la Jordanie
et la Syrie. En six jours, elle prend le
contrôle du Sinaï de la bande de Gaza,
de la Cisjordanie dont Jérusalem-Est et
du plateau du Golan. Israël entame une
politique d'annexion et d'expulsions à
Jérusalem, en Cisjordanie et au Golan,
et recherche une solution globale «sur
la base de la reconnaissance des faits
accomplis depuis 1948».(1)
Déjà les médias occidentaux mirent en
oeuvre avec une rare partialité leur
soutien à Israël en présentant cette
guerre de six petits jours en hébreu la
guerre des Six-Jours (en hébreu:
Milkhemet Sheshet HaYamim) que l´on peut
traduire par «l´épopée des six jours» en
arabe (Melhamet Sitet Ayam) ce qui
explique la parenté araméenne des deux
langues , est qualifiée de guerre des
«Six Jours» pour bien montrer la
supériorité écrasante d'Israël face à
tous les pays arabes réunis. Les médias
occidentaux -et notamment français-
prennent alors fait et cause pour Israël
face aux Arabes. Cette thèse de
l'agression arabe n´est plus guère
défendue. Menahem Begin l´admit en 1982
«Nasser n'a pas choisi d´attaquer
Israël, Israël a choisi d´attaquer
Nasser». Pour le général israélien
Matityahou Peled: «La thèse selon
laquelle le génocide était suspendu sur
nos têtes en juin 1967, et qu´Israël
combattait pour son existence physique,
n´était qu´un bluff.» (2)
C'est le combat juste du petit David
provoqué par le grand Goliath encore un
récit mythique qui justifiera par la
suite chaque guerre d'Israël (Raisins de
la colère, Plomb durci, le dernier en
date Colonne de nuée, traduit par Pilier
de défense). Les Arabes humiliés,
resserrent les rangs lors du IVe Sommet
de la Ligue arabe, c'est le «triple
refus de Khartoum» les «trois non»: 1.
Pas de paix avec Israël, 2. Pas de
reconnaissance d'Israël: 3. Pas de
négociation avec Israël. Ces mêmes chefs
d'Etat qui, pour la plupart, font
actuellement assaut d'allégeance pour ne
pas déplaire à Israël.
La résolution 242 du Conseil de sécurité
est adoptée le 22 novembre 1967 à la
majorité absolue des 15 membres «Le
Conseil de sécurité, (...) Soulignant
l'inadmissibilité de l'acquisition de
territoires par la guerre et la
nécessité d'œuvrer pour une paix juste
et durable permettant à chaque État de
la région de vivre en sécurité,
soulignant en outre que tous les États
membres, en acceptant la Charte des
Nations unies, ont contracté
l'engagement d'agir conformément à
l'Article 2 de la Charte :
Affirme que l'accomplissement des
principes de la Charte exige
l'instauration d'une paix juste et
durable au Proche-Orient qui devrait
comprendre l'application des deux
principes suivants: a. Retrait des
forces armées israéliennes des
territoires occupés au cours du récent
conflit; b. Fin de toute revendication
ou de tout état de belligérance, respect
et reconnaissance de la souveraineté, de
l'intégrité territoriale et de
l'indépendance politique de chaque État
de la région et de son droit de vivre en
paix à l'intérieur de frontières sûres
et reconnues, à l'abri de menaces ou
d'actes de violence.
Une autre lecture due à la version
anglaise provient de l'ambiguïté née
d'une subtile différence entre les
textes anglais et autres (français,
espagnol, arabe, chinois) qui parlent de
retrait «des» territoires occupés en
français et ««withdrawal of Israel armed
forces from territories occupied in the
recent conflict»; («de» territoires
occupés). Les gouvernements israéliens
veulent seulement prendre en compte
cette dernière version parce que dans
une acception limitative, elle leur
permettrait éventuellement de conserver
certains territoires occupés. Le Conseil
de sécurité n'a depuis pas pris de
résolution «interprétative» qui aurait
levé l'ambiguïté entre les versions
linguistiques. Par exemple, la
résolution 476 du 30 juin 1980 indique
dans sa version française que le Conseil
de sécurité «[r]éaffirme la nécessité
impérieuse de mettre fin à l'occupation
prolongée des territoires arabes occupés
par Israël depuis 1967, y compris
Jérusalem» avec la locution «of Arab
territories».
Les
massacres et la trêve de Gaza du 21
novembre 2012
Pour arriver à cette trêve sans revenir
longuement sur la genèse de l'affaire,
tout a commencé le 14 novembre avec
l'assassinat par un drone de Ahmed
Jabari, chef de la sécurité du Hamas
pourtant garant depuis 5 ans de la trêve
Hamas-Israël. Le 17 novembre, selon le
quotidien Haaretz, le ministre de
l'Intérieur israélien Eli Yishai
déclarait à propos de Gaza: «The goal of
the operation is to send Gaza back to
the Middle Ages. Only then will Israel
be calm for forty years.» («Le but de
cette opération est de renvoyer Gaza au
Moyen Âge. Alors seulement, nous serons
tranquilles pour quarante ans.»).
Nous ne sommes pas étonnés outre mesure
si l'on apprend que même certains
intellectuels israéliens deviennent des
Terminator des faibles! Ainsi pour
l'écrivain israélien A. B. Yehoshua,
connu pour ses prises de position en
faveur de «la paix»: «Le temps est venu
pour Israël d'admettre que Gaza est un
ennemi. Et d'agir en conséquence: cesser
de fournir de l'électricité et de faire
passer de la nourriture. Déclarer
officiellement que nous sommes en état
de guerre et agir en conséquence. Je
pense que la paix ne peut pas se faire
avec Gaza. Avec le gouvernement de
l'Autorité palestinienne, il y a moyen
de discuter: nous pouvons négocier le
gel des implantations et le retour aux
frontières de 1967. Mais Gaza ne relève
pas de l'autorité du gouvernement
palestinien, Gaza c'est une autre
histoire.» (3)
On le voit, même les «colombes»
israéliennes préfèrent des dirigeants
sans épaisseur qui n'arrêtent pas de
supplier en vain. Il a fallu 5 morts
Israéliens dont 3 civils, 165 morts
Palestiniens dont beaucoup d'enfants,
des centaines de blessés et des
traumatisés à vie, pour qu'Israël
accepte d'arrêter le massacre.
Pourtant, d'autres personnalités lucides
et même des hommes de religion juifs
israéliens ont tenu à rappeler les
termes originels de cette confrontation.
«Soyons clairs, écrit le rabbin Brant
Rosen, cette tragédie n'a pas commencé
avec les Qassams. Elle n'a pas commencé
avec l'élection du Hamas. Et elle n'a
pas commencé avec «l'instabilité» qui a
suivi le retrait israélien de Gaza.
(...) Non, tout cela n'est que le
dernier chapitre d'une saga beaucoup
plus longue qui a commencé en 1947-48
quand des dizaines de Palestiniens ont
fait l'objet d'un nettoyage ethnique qui
les a chassés de leurs villes et de
leurs villages des plaines côtières et
de basse Galilée pour les parquer dans
une minuscule bande de terre au bord de
la Méditerranée. La majorité d'entre eux
était clairement en trop grand état de
choc pour réaliser ce qui était en train
de leur arriver. Certains ont essayé de
rentrer chez eux et ont été tués sans
sommation. D'autres ont résisté en
faisant des raids à l'intérieur de
l'Etat nouvellement déclaré d'Israël.
Parfois, ils ont réussi, mais le plus
souvent ils ont échoué. De toute façon,
Israël a décidé très tôt qu'il
répondrait à chacune de ces attaques de
représailles par une démonstration
écrasante de force. Et ces attaques de
représailles et ces démonstrations
écrasantes de force militaire se sont
poursuivies jusqu'à aujourd'hui.» (4)
Enfin, une énième trêve est signée ! Le
ministre égyptien des Affaires
étrangères a annoncé mercredi 21
novembre qu'une trêve avait été conclue
entre Israël et le Hamas palestinien. Le
cessez-le-feu est entré en vigueur à
Gaza le 21 novembre à 20 heures. Les
principaux points du texte sont: Israël
doit mettre fin à toute offensive
territoriale, maritime ou aérienne
contre la bande de Gaza, y compris les
incursions territoriales et la
liquidation d'individus. Toutes les
factions palestiniennes doivent mettre
fin à toutes les attaques lancées de la
bande de Gaza contre Israël, y compris
les tirs de roquettes et toutes les
attaques le long de la frontière. La
trêve prévoit l'ouverture des points de
passage, la facilitation du mouvement
des individus et du transport de
marchandises et la fin des restrictions
de mouvement des habitants et des
liquidations d'habitants dans les zones
frontalières.
Notons que le même jour, mardi dernier,
en vertu de la politique bien connu du
fait accompli, le ministre de
l'Intérieur israélien avait annoncé la
construction de 1100 logements dans le
quartier de colonisation juive de Gilo,
à Jérusalem-Est occupée. Il fallait sans
douter secouer l'inertie dont font
montre les Européens face à l'arrogance
d'Israël qui, dans le même temps, où
Israël réclame des Palestiniens de
reprendre les négociations, elle
poursuit assidûment la construction des
logements à Jérusalem-Est et en
Cisjordanie occupées
La création de l'État palestinien, aux
termes des Accords d'Oslo, aurait dû
intervenir en décembre 1998 selon
l'accord de septembre 1993 de
Washington. Nous en sommes loin. Le 24
septembre 2011, le président Mahmoud
Abbas demande officiellement à la
tribune des Nations unies l'adhésion de
l'État palestinien à l'ONU La demande a
été rejetée.
Le 29 novembre 2012, Abbas récidive, il
compte revoir ses ambitions à la baisse,
il demande uniquement un statut à l'ONU
de non-membre style Vatican. Les
Etats-Unis sont contre et l'ont fait
savoir. Sur quoi tout cela va déboucher,
nous n'en savons rien. Ce qu'il y a de
sûr c'est que la colonisation continue;
près de 350.000 colons sont installés
sur les territoires occupés et ne
comptent pas les quitter. Il ne restera
rien aux Palestiniens.
Plus grave, on aurait pensé à un Etat
binational de tout ses citoyens sans
apartheid comme l'avait proposé Hannah
Arendt ou Martin Buber. Rien de cela car
Israël se veut un Etat juif, ce qui veut
dire qu'à terme, même les Arabes
israéliens n'ont pas vocation à rester
dans un Etat juif, ce qui ouvre la porte
à une autre Nakba.. Est-ce ainsi que les
Hommes vivent?
1. La Résolution 242 du Conseil de
sécurité des Nations unies. Encyclopédie
Wikipédia
2.
http://www.lexpressiondz.com/chroniques
/analyses_du_professeur_chitour/42925-L%E2%80%99humiliation-des-arabes.html
3. A.B. Yehoshua:La Repubblica. Propos
recueillis par Francesca Caferri 22
novembre 2012
4.
http://www.legrandsoir.info/le-rabbin-brant
-rosen-parle-de-l-attaque-contre-gaza.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
Publié le 24 novembre 2012 avec
l'aimable autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Le dossier Opération Pilier de défense
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