Opinion
Le pouvoir syrien
en sursis: Le peuple syrien dans la
détresse
Chems
Eddine Chitour
Pr Chems
Eddine Chitour
Mardi 24 avril 2012
«Au
Moyen-Orient, on ne peut pas faire la
guerre sans l'Egypte et l'on ne peut pas
faire la paix sans la Syrie.»
Henry Kissinger
Que reste –t-il de
cette Syrie si ce n’est des lambeaux de
pouvoir avec un peuple en détresse
depuis un an du fait de l’incurie de ses
dirigeants et des ingérences
continuelles de l’Occident qui n’a de
cesse de déstabiliser le Moyen Orient
?On apprend qu’ une autre résolution a
été adoptée samedi à l'unanimité par le
Conseil de sécurité des Nations unies...
Les 300 observateurs militaires non
armés doivent être déployés «rapidement»
et «pour une période initiale» de trois
mois. L'objectif est de surveiller un
cessez-le-feu sérieusement compromis par
des violations incessantes. La mission
d'observateurs est chargée de surveiller
le cessez-le-feu en Syrie et d'aider à
faire appliquer le plan de paix en six
points du médiateur de l'ONU et de la
Ligue arabe, Kofi Annan, qui prévoit
aussi un dialogue politique entre
pouvoir et opposition et la libération
des personnes emprisonnées depuis le
début de la répression en mars 2011.
La résolution
demande au gouvernement syrien de
«veiller au bon fonctionnement» de la
mission et notamment de «lui assurer
immédiatement la liberté de circulation
et d'accès total et sans entrave
nécessaire à l'exécution de son mandat».
Moscou appelle de ce fait les membres de
la communauté internationale capables
d'influer sur l'opposition syrienne
armée à la persuader d'éviter les
provocations et de respecter le
cessez-le-feu, a déclaré mercredi18
avril 2012 le ministre russe des
Affaires étrangères. «De nombreux
membres de la communauté internationale
souhaitent l'échec du plan Annan afin de
pouvoir appliquer d'autres scénarios
avant tout, des scénarios musclés», a
ajouté le chef de la diplomatie. «J'ai
vu de mes propres yeux que beaucoup de
mes collègues [au sein de la diplomatie
occidentale] se sont sentis contrariés
en apprenant que le gouvernement syrien
avait accepté le plan Annan», a-t-il
noté. (1)
Pour rappel,
l'envoi de Casques bleus a fait l'objet
d'une résolution, la 2072. A cette
occasion, le délégué de la Syrie auprès
de l'ONU, Bachar al-Jaâfari, a précisé
que Damas a accepté la mission
d'observation de l'ONU dans le cadre du
respect de la souveraineté syrienne. Il
a souligné que l'ouverture de la Syrie
et son engagement envers la mission de
M.Annan ont coïncidé avec une escalade
du terrorisme, dont entre autres: le
déplacement forcé des citoyens vers des
camps préétablis dans les pays voisins
en vue de créer une crise de réfugiés
qui serait exploitée pour faciliter la
mise en oeuvre d'une soi-disant zone
tampon et par conséquent entraîner à une
intervention militaire. (...) Il a dans
ce contexte rappelé l'interview réalisée
par le magazine allemand Der Spiegel,
lorsque deux rebelles ont avoué avoir
égorgé 150 personnes en Syrie sur les
ordres de leurs chefs. Jaâfari a conclu
son intervention en répondant à Gérard
Araud, Jaâfari: «Je tiens à lui rappeler
que le temps de la tutelle est également
révolu et que son discours est
inapproprié maintenant puisque le peuple
syrien va célébrer son indépendance de
l'occupation française le 17 Avril».(2)
Le problème
de la Turquie et sa tentation de
l'Empire ottoman
On se souvient
qu'au début du déclenchement de la
révolte elle appelait à stabiliser la
situation en développant un dialogue
avec la Syrie. Erdogan a laissé les
routes libres au commerce pourtant. De
plus, une escalade en Syrie ferait
perdre 150 milliards d'euros d'échanges
commerciaux dans le région à la Turquie,
son opposition lui reproche d'être un
caniche de l'impérialisme.
Pour Ghaleb Kandil,
la position de la Turquie est ambiguë
L'éventualité d'une aventure militaire
turque contre la Syrie est remontée à la
surface la semaine dernière. L'étude des
équilibres et équations montrent qu'il
s'agit d'une probabilité faible mais
réelle. Le Premier ministre turc, Recep
Tayyed Erdogan, a lié son avenir
politique au rôle de la Turquie dans la
crise syrienne. Il craint que le pouvoir
syrien ne sorte vainqueur de la crise,
ce qui donnera naissance à un nouveau
pôle régional composé de la Syrie, de
l'Iran, de l'Irak et des mouvements de
résistance.(...) Il est en effet apparu,
dès, le début de la crise, que M.Erdogan
oeuvrait dans le but de créer une zone
d'influence turque à l'intérieur de la
Syrie, en accordant aux Frères musulmans
un poids significatif dans l'équation
politique interne syrienne.» «Il est
certain que toute mesure turque, placée
sous l'intitulée de «zones tampons» ou
de «couloirs humanitaires», conduira à
l'entrée de troupes turques en Syrie. La
décision syrienne proclamée est de
défendre à n'importe quel prix le
territoire national. Toute intervention
turque en Syrie va donc certainement
allumer une grande guerre régionale.
(...) » (3)
« En effet,
l'administration américaine n'a pas fait
ce qu'il fallait pour stopper les
tendances aventurières du gouvernement
turc, et en même temps, elle n'est pas
disposée à assurer une couverture à une
nouvelle guerre dans la région, à cause
de ses difficultés économiques, et du
fait que l'Otan, prise au piège en
Afghanistan, ne souhaite pas s'impliquer
ailleurs. (...) La guerre contre la
Syrie n'apporte aucun argument
convaincant à l'opinion publique turque,
à part les sympathisants du Parti du
développement et de la justice de
M.Erdogan. Alors que la presse proche du
parti au pouvoir bat les tambours de la
guerre, les journaux de l'opposition ou
indépendants mettent en garde contre les
risques d'une intervention militaire en
Syrie . Sur le plan régional, une guerre
turque contre la Syrie va provoquer une
confrontation avec l'Iran, la Russie et
les Brics. Toute attaque turque contre
la Syrie va provoquer une exacerbation
du nationalisme syrien, dont le
représentant est, aux yeux de son
peuple, Bachar al-Assad, depuis
l'invasion américaine de l'Irak. Enfin,
une intervention turque en Syrie
réveillera les sentiments de
nationalisme arabe chez une grande
partie de l'opinion publique arabe, qui
ne manquera pas de se souvenir des
quatre siècles de joug ottoman.» (3)
L'implication des pays du Golfe dans la
déstabilisation de la Syrie
Avant de parler de
l'implication des pays du Golfe, il est
intéressant de savoir quels sont ces
combattants de la liberté. Nous lisons
une contribution parue sur Agoravox:
«Après la Libye, la Syrie. La machine à
démonter s'est-elle remise en route?
Nouvelle étape d'un processus qui a un
relent de déjà-vu. On imaginerait
presque et d'ores et déjà, des images de
rue avec un Assad tenu en laisse et
battu par la foule. Après la mort du
tyran, des «élections démocratiques»
auraient lieu avec la bénédiction de
l'Occident. (...) Qui sont les
«rebelles»? Des tribus sunnites
embusquées depuis des années aux quatre
coins de la Syrie? Des citoyens malmenés
par un régime totalitaire? Qui que
soient ces rebelles, une chose semble
certaine: Il leur semble aisé de pouvoir
utiliser l'Occident «le grand Satan»
pour mener à bien leur projet de putsch.
«Ils [les rebelles] réclament à cor et à
cri une intervention militaire de
l'Occident. Ils réclament même une
intervention sans l'aval de l'ONU. Qui
est l'Occident? Juppé, Sarkozy, l'Otan,
Hillary, Obama? BHL? Les rebelles, pour
la plupart islamistes et favorables à
l'instauration de la Charia ont tout
intérêt à obtenir l'aval de l'Occident
pour chasser Assad, qui n'est pas pour
autant à dédouaner. Il représente le
dernier siège du léninisme-marxisme au
Moyen-Orient et en cela, il ne peut que
se trouver dans le collimateur des
islamistes «durs» et des USA dont les
intérêts se rejoignent
momentanément.»(4)
Pour le professeur
Puccinin: «Exception faite de la France,
qui a soutenu le Qatar dans son
entreprise de déstabilisation du
gouvernement syrien, le Qatar a armé les
factions de l'opposition qui ont opté
pour une rébellion militarisée et a
largement utilisé sa chaîne de
télévision satellitaire, Al Jazeera,
pour attaquer le régime baathiste, au
point d'intoxiquer l'opinion publique
internationale en promouvant de fausses
informations. Tandis que des unités de
l'armée française entraînent l'Armée
syrienne libre -ASL- à la guérilla
urbaine dans les camps de réfugiés qui
lui servent de bases arrière en Turquie
et au Liban.» (5)
«Ainsi, le plan de
paix porté par Kofi Annan, ancien
Secrétaire général de l'ONU, lequel plan
vise à faire accepter en Syrie un
cessez-le-feu par les forces
gouvernementales et les différentes
factions armées de la rébellion,
constitue pour Damas l'opportunité,
d'une part, de mettre l'opposition face
à ses responsabilités, en lui proposant
de s'asseoir à la table des négociations
et de déterminer une feuille de route
vers un processus de réformes, et,
d'autre part, de renormaliser ses
rapports avec l'ensemble de la
Communauté internationale. (...)
Autrement dit, le scénario le plus
probable, si le plan Annan devait se
concrétiser, serait celui d'un
apaisement de la crise syrienne et d'une
réforme progressive des institutions,
sur le long terme, voire sur le très
long terme, et sous l'égide de l'actuel
gouvernement, mais sans plus de risque
d'explosion régionale et avec la
possibilité, pour Washington, de
reprendre, là où elle l'avait laissé,
son travail de rapprochement avec Damas.
La seule incertitude réside dans
l'attitude des Frères musulmans syriens,
qui dominent l'opposition politique:
accepteront-ils de se laisser ainsi
forcer la main et de, dès lors, perdre
la partie?» (5)
Les
conséquences de la résolution 2042:
Est-ce un tournant?
A coup sûr, la
résolution de l'ONU constitue un
tournant dans le bras de fer Occident
-Monde musulman car pour la première
fois le départ de Bachar el Assad n'est
plus un préalable à la résolution de la
crise. Une analyse pertinente qui fait
le point sur la situation actuelle après
13 mois d'épreuve pour le peuple syrien
est celle du Dr Amin Hoteit. Nous
l'écoutons:
«Dès l'instant où M. Kofi Annan a été
désigné émissaire international pour la
Syrie, il est devenu certain que
l'agression ourbano*-occidentale contre
ce pays avait échoué et que cette
nomination n'était là que pour permettre
aux uns et aux autres de reprendre leur
souffle, d'éviter encore plus de pertes
pour sauver la face, ou tout au moins
donner aux perdants un délai de
réflexion.(...) Le camp des agresseurs a
persisté implicitement à refuser une
solution pacifique à la crise [elle lui
interdirait l'accès au pouvoir qu'il
convoite], mais s'est trouvé contraint
de «faire avec» pour des raisons
objectives et subjectives». (6)
Le Dr Amin Hoteit
met en garde contre une manipulation.
«(...) En effet, nous voyons d'une part,
la Syrie avec l'Iran, la Chine, et la
Russie s'évertuer à faire de cette
mission un chemin pacifique qui aiderait
à sortir de la crise et qui consacrerait
l'échec de la conspiration en maintenant
la géographie, la souveraineté et la
sécurité de la Syrie et des Syriens; et
nous voyons d'autre part, les États-Unis
et leurs comparses occidentaux, turcs et
ourbans s'escrimer à faire de cette même
mission une occasion qui gommerait leur
échec et qui leur permettrait une
nouvelle offensive à travers une
stratégie basée sur la supercherie,
l'intimidation et le gain de temps. Ce à
quoi ils espèrent aboutir comme suit:
profiter du point numéro quatre du plan
de Kofi Annan, relatif à la liberté de
manifester, pour déclencher des
manifestations populaires qui
réuniraient des millions d'opposants;
quitte ensuite, à dramatiser le
spectacle en l'amplifiant et en
l'exagérant au maximum, comme ils en ont
pris l'habitude depuis le début de la
crise. Terroriser la Syrie par le
spectre d'une intervention militaire de
l'Otan avec la Turquie pour fer de
lance. Ici, il nous faut pleinement
considérer le sous-entendu du
gouvernement de M.Erdogan lorsqu'il a
déclaré que conformément à l'article V
de sa Charte, l'Otan devait s'acquitter
de ses responsabilités et défendre la
Turquie menacée par la Syrie! Ouvrir la
porte du Conseil de sécurité à travers
une résolution qui prétendrait renforcer
la mission d'Annan par l'envoi
d'observateurs internationaux en Syrie
mais qui, en réalité, consisterait
essentiellement à tenter de garder le
dossier syrien à l'ordre du jour des
travaux du Conseil, à nommer un
observateur permanent comme ce fut le
cas du Liban avec les résolutions 425 et
1701.»(6)
«Cependant,
poursuit le docteur Amin Hoteit, mais
l'exécution de cette conspiration se
heurte à des obstacles qui risquent de
la faire avorter. En effet, écrit-il,
les conspirateurs ont été choqués de
constater que le peuple syrien a
découvert leur complot. Concernant la
menace d'une éventuelle intervention
militaire de l'Otan elle est sans effet
car d'après l'auteur, l'Otan est dans
l'impossibilité d'un affrontement
militaire direct avec la Syrie, étant
donné les erreurs accumulées et son
concept actuel d'une stratégie contraire
au «hard power». La résolution 2042
constitue une reconnaissance
internationale, sans aucune ambiguïté ou
confusion possibles, de la souveraineté
syrienne exercée par son gouvernement
actuel qui est le seul à posséder le
droit de négocier avec les pays
étrangers pour le compte de la Syrie,
sans que nul ne puisse ignorer cette
souveraineté; y compris les observateurs
eux-mêmes qui ne pourront entrer en
Syrie que sans armes, et avec
l'approbation obligatoire de l'Etat
syrien.»(6)
Que peut-on
dire en conclusion?
Les Proche et
Moyen-Orient connaissent actuellement de
profonds bouleversements. Depuis la
première guerre d'Irak hiver1990/1991,
puis la deuxième printemps 2003,on
assiste à la mise en oeuvre de la
politique américaine du Greater Middle
East, le plan du Grand Moyen-Orient qui
consiste à démanteler tous les régimes
qui restent hostiles à un remodelage de
la région conforme aux intérêts
américano-israéliens. Cette politique a
été baptisée «instabilité constructive».
Elle repose sur trois principes:
entretenir et gérer les conflits de
basse intensité, favoriser le
morcellement politique et territorial,
promouvoir le communautarisme, sinon la
purification ethnico confessionnelle.
Elle a été très largement influencée par
une note d'orientation d'Oded Yinon,
Haut Fonctionnaire du ministère
israélien des Affaires étrangères, datée
de février 1982, qui détaille le projet
géostratégique d'une fragmentation de
l'ensemble proche-oriental en des unités
les plus petites possibles, préconisant
autrement dit le démantèlement pur et
simple des Etats arabes voisins
d'Israël.»(7)
Il n'y a donc pas
de surprise! Nous voilà avertis, la
partition de la Syrie est en marche
malgré la résistance des Russes et des
Chinois au Nouvel Ordre qui ne sont pas
philanthropes. A qui la faute? C'est
sans conteste les pouvoirs arabes
installés dans les temps morts qui
hypothèquent à la fois le temporel et le
spirituel rétrograde pour tétaniser
leurs peuples. Al Assad pourrait
renverser la vapeur en décidant de
passer la main et de mettre en place
sans délai des élections propres et
honnêtes. Je suis sûr que le
nationalisme syrien n'est pas mort.
L'opposition de l'intérieur ne veut pas
d'ingérence. Paix pour le peuple de
Syrie. Amen
1. Serguei Lavrov. interview RIA Novosti,
18 avril 2012.
2.http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=59759&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=37&s1=115
avril 2012.
3. Ghaleb Kandil: Les dernières cartes
de l'agression néo-ottomane contre la
Syrie
New Orient News (Liban) Tendances de
l'Orient No 79, 16 avril 2012.
4.http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/syrie-le-prochain-bastion-115115
5.
http://fr.rian.ru/world/20120418/194357753.html
Pierre Piccinin Le plan Annan: une porte
de sortie pour Damas?
6.http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=30407
Les conséquences de la résolution 2042
http://www.arabi-press.com/?page=article&id=32436
19 avril 2012
7. Oded Yinon: Kivunium numéro 14,
février 1982.
Professeur
Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 24 avril
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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