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L'EXPRESSIONDZ.COM
ECHEC DES OBJECTIFS DU MILLENAIRE
L'hypocrisie des pays occidentaux
Chems Eddine Chitour
Jeudi 23 septembre 2010
«De loin, dit un mystique tibétain, je crus voir un animal.
L’animal s’approcha et je compris que c’était un homme. Il
s’approcha encore et je m’aperçus que c’était mon frère»
Rituellement et en sacrifiant au
politiquement correct, les chefs d’Etat et de gouvernement font
le point de l’état du monde lors de la kermesse annuelle de
l’ONU. Au fil des ans, ce «grand machin» aurait dit le général
de Gaulle, s’est fait déposséder de ses missions définies dans
l’euphorie de l’après-guerre en 1945, à San Francisco. Il est
notoirement admis que cette institution «creuse et sonore» n’a
plus aucun poids sur l’échiquier mondial, les «affaires
sérieuses» étant traitées ailleurs par les grands de ce monde,
le rôle dévolu à l’ONU a perdu de sa pertinence et se limite de
plus en plus à la bonne parole et à l’humanitaire avec, il faut
bien le dire, des secrétaires généraux sans charisme. Nous
sommes à des années lumière des Dag Hammarskjöld ou de U. Thant.
L’ONU elle-même et ses organisations se sont, au fil des ans,
démonétisées. On se souvient du scandale de «Pétrole contre
nourriture» ou du rôle évanescent de l’Unesco. Cette année, au
menu, le gadget du rapport d’étape sur les Objectifs du
Millénaire, M.Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, a
déclaré que «la communauté internationale était réunie
aujourd’hui parce qu’il y a 10 ans, elle s’était promis de
n’épargner aucun effort pour mettre l’humanité entière hors du
besoin. Nous devons protéger ces acquis, et il reste encore
beaucoup à faire».
Etat des lieux
«Malgré certains progrès, écrit Arnaud Zacharie, la plupart des
objectifs ne seront pas atteints et seule la cible concernant la
réduction de moitié de l’extrême pauvreté dans le monde est
susceptible d’être atteinte en 2015. Et encore cela n’est-il
rendu possible que suite aux résultats enregistrés par la seule
Chine, sans quoi le nombre de pauvres aurait continué à
augmenter de 36 millions entre 1990 et 2005. Le taux de
scolarisation primaire a également augmenté, mais au détriment
de la qualité de l’enseignement. Si les Objectifs du Millénaire
ne seront pas atteints, c’est notamment parce que les pays
industrialisés n’ont pas tenu leurs engagements en termes de
financement du développement, compilés dans le huitième objectif
du millénaire qui vise à mettre en place un partenariat mondial
pour le développement. Malgré une augmentation de l’aide
publique au développement au cours des années 2000, elle
plafonne à 0,32% du PNB des pays donateurs, loin de l’objectif
de 0,7% en 2015. Enfin, aucune avancée commerciale n’a été
enregistrée en termes d’accès au marché et de traitement spécial
et différencié pour les pays pauvres, Il est symptomatique de
constater que les pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est qui ont
enregistré les meilleures performances sont précisément ceux qui
ne dépendent pas de l’aide et des allégements de dette. Ces pays
ont généralement financé leur développement en mobilisant leur
épargne interne et en opérant une intégration stratégique au
marché mondial, dans le but de diversifier leur économie, de
renforcer leurs capacités productives et de créer des emplois. A
l’opposé, l’Afrique est largement restée dépendante de l’aide
extérieure et des revenus d’exportation de matières premières à
faible valeur ajoutée. Pourtant, l’Afrique ne manque pas
d’épargne, mais elle est massivement transférée en dehors du
continent. En effet, la fuite des capitaux africains depuis 2001
a représenté deux fois le montant de la dette extérieure
africaine. Entre 1970 et 2008, la fuite des capitaux a
représenté 29 milliards de dollars par an, alors que l’aide à
l’Afrique n’a représenté que 18 milliards. (...)Le Nord a donc
autant besoin du Sud qu’inversement, ce qui implique non pas de
dicter des priorités la main sur le portefeuille, mais de
coopérer dans le cadre de partenariats globaux en vue de
régler.»(1)
De fait, les résultats obtenus sont mitigés et donnent à penser
que des efforts ont été faits dans l’APD des pays pauvres. Il
n’en n’est rien. L’essentiel des résultats obtenus est dû aux
pays émergents, principalement à la Chine. Pierre Cochez du
journal La Croix écrit: «Alors que 1,8 milliard d’individus
vivaient en 1990 avec l’équivalent de moins d’un euro par jour,
ils étaient 1,4 milliard en 2005, et pourraient être moins d’un
milliard dans cinq ans. La majorité des habitants sortis de la
pauvreté vivent dans les grands pays émergents: Chine, Inde et
Brésil. Mais ces pays continuent à abriter la majorité des
pauvres du monde et sont loin d’atteindre leurs objectifs de
développement en termes d’éducation et de santé. En Afrique, le
bilan est mitigé. «En 2015, 40% des Africains vivront avec moins
de 1,50€ par jour. «Les dirigeants des pays industrialisés du G7
s’étaient engagés en 2005 à doubler l’aide à l’Afrique d’ici à
2010. Il est clair que l’engagement de Gleneagles ne sera pas
tenu. L’aide au développement en provenance des pays émergents a
représenté plus de dix milliards d’euros en 2008, soit environ
10% de l’aide totale dans le monde»(2)
Autre son de cloche plus près de la réalité: Aujourd’hui une
personne meurt de faim toutes les 4 secondes, 30.000 par jour, 9
millions par an. 815 millions d’êtres humains souffrent de la
faim dans le monde, nous disposons de la production agricole
nécessaire pour nourrir 12 milliards d’individus. 1,5 milliard
d’humains n’ont pas accès à l’eau potable, ils seront 5
milliards en 2025.
30.000 morts, chaque jour, dus à des maladies liées à une eau
impropre. Les 200 hommes les plus riches du monde possèdent
autant que les 2 milliards 300 millions les plus pauvres.
1 milliard d’enfants se trouvent sous le seuil de pauvreté. En
2005, un enfant meurt toutes les 3 secondes à cause de l’extrême
pauvreté. En France, 7 enfants sur 10 passent leur Bac. En
Afghanistan, 1 enfant sur 4 ne passe pas l’âge de 5 ans. Chaque
vache de l’UE reçoit 3$ de subvention par jour, 40% des
Africains vivent avec moins de 1$ par jour. L’équivalent d’un
stade de foot de forêt tropicale humide disparaît toutes les 5
secondes, l’équivalent de la surface de la Grèce est déforesté
chaque année. En 2003, le nombre des millionnaires en dollars,
tous pays confondus, s’élevait à 7,7 millions de personnes. Par
rapport à 2002, ce chiffre signale une progression de 8%.
Autrement dit, il y a eu 500.000 nouveaux millionnaires (en
dollars) en 1 an. Le patrimoine privé cumulé des 7,7 millions de
millionnaires en dollars s’élevait en 2003 à 28.800 milliards de
dollars.(3)
Tous les chefs d’Etat et de gouvernement qui se sont succédés à
la tribune ont justifié leur part de réalisation sans grande
conviction. Nous distinguerons deux types d’intervention. Celles
des pays riches qui n’ont pas tenu leur promesse d’aide - les
fameux 0,7% de l’APD- et qui continuent de promettre en y
ajoutant la nécessité d’aller vers d’autres sources de
financement- les taxations financières dont personne ne veut en
entendre parler sauf le président français...Il y a les autres,
à l’instar de M.Evo Morales Ayma, président de l’État
plurinational de Bolivie, qui ont carrément et à juste titre, le
croyons-nous, fait le procès du système monétaire international.
C’est de loin l’intervention la plus pertinente dans le ronron
des salamalecs de ceux qui viennent pour ne rien dire ou pire.
Ecoutons-le: «(...) La répartition injuste de la richesse
accroit la pauvreté.» «On parle uniquement des effets de la
pauvreté. Mais, on ne parle pas de ses causes», a-t-il fait
remarquer. Pour le président de la Bolivie, il est essentiel
d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement
(OMD). Pour atteindre ces Objectifs, les pays du Sud ne doivent
pas continuer à dépendre des pays du Nord. Evo Morales a évoqué
le montant de 891 milliards de dollars qui ont été transférés
des pays en développement vers les pays développés, en 2008. Le
même type de montant a été enregistré en 2009. Ces sommes sont
huit fois supérieures aux montants de l’aide au développement, a
souligné M.Morales. «Dans ce contexte, comment freiner le
pillage des ressources du Sud par le Nord, et comment freiner la
montée de la pauvreté dans le Sud?» «Nous voulons des
partenaires, pas de nouveaux maîtres», a-t-il ajouté. Le point
concerne les services de base aux populations, qui doivent être
un droit absolu. C’est le cas de l’eau, de l’énergie, de la
lumière, de la communication, ou du sport. «En privatisant, on
porte atteinte aux droits humains.» Le président bolivien a
proposé l’idée de créer une «Banque du Sud», unissant les pays
d’Amérique latine, d’Afrique, d’Asie, et la Chine. Il a estimé
qu’il fallait éviter d’avoir recours au Fonds monétaire
international (FMI) et à la Banque mondiale. Il a cité l’exemple
de son pays, qui lorsqu’il était soumis aux règles du FMI et de
la Banque mondial, n’était pas capable de relever son économie.
Depuis que la Bolivie s’est retirée de ces institutions, les
choses vont beaucoup mieux. «Il faut donc réfléchir à la manière
de mettre fin a la mauvaise répartition des richesses», a conclu
M.Morales rappelant que les 40% les plus pauvres ne possèdent
que 5% des ressources de la planète alors que les 25% des plus
riches se sont emparés de 60% des richesses mondiales».(4)
Où se trouve la richesse?
Les Suisses disposent du bas de laine le mieux garni de la
planète. Selon une étude de l’assureur allemand Allianz, chaque
Helvète détenait à fin 2009 une fortune évaluée à 210.000 francs
(163.700 euros). les Américains possèdent ainsi en moyenne
chacun une fortune de 101.762 euros. Les Danois viennent quant à
eux compléter le podium (96.242 euros), suivis des Néerlandais
(91.798 euros) et des Japonais (88.659 euros). Sur une
population mondiale estimée à 7 milliards d’individus, seul un
septième peut être considéré comme privilégié. Ainsi 565
millions de personnes détiennent des avoirs entre 5300 et 31.600
euros et 493 millions des montants au-delà de 31.600 euros.(5)
De plus, on apprend que les milliardaires asiatiques ont, pour
la première fois, dépassé leurs homologues européens en termes
d’actifs, grâce au gonflement de la fortune des Chinois et des
Indiens. La population mondiale des personnes détenant plus d’un
million de dollars d’actifs est remontée à 10 millions
d’individus en 2009, leurs avoirs ont augmenté de 30,9% à 9 700
milliards de dollars, dépassant les 9 500 milliards des riches
européens.(6) Enfin, parmi les superriches, quarante
milliardaires américains ont annoncé, à l’initiative de Warren
Buffet et de Bill Gates, leur intention de donner plus de la
moitié de leur fortune à des oeuvres caritatives et/ou
philanthropiques. (...) En fait, écrit Chem Assayag, la
philanthropie à grande échelle n’est que le pendant du lent
démantèlement des politiques de solidarité publiques.. comme
dans un grand effet de vases communicants. Elle participe de la
grande privatisation du monde qui consiste à transférer la
gestion des systèmes collectifs aux intérêts privés.»(7)
Que peut-on dire en définitive devant l’échec des OMD? L’analyse
du Centre de nous parait judicieuse car elle invite à changer
totalement de paradigme en rappelant d’abord la dette odieuse
qu’il faut annuler: (...) Pour le réseau Cadtm, les OMD étaient
dès le départ voués à l’échec car ils ne sont pas contraignants
pour les États, contrairement aux politiques dictées par le FMI
et la Banque mondiale, dont l’application docile par les
gouvernements du Sud conditionne les allègements de dettes et
les nouveaux prêts. (...) Plus fondamentalement, l’échec des OMD
est intrinsèquement lié à la nature du système actuel: comment
expliquer qu’en dépit de l’augmentation exponentielle des
richesses mondiales, l’extrême pauvreté a doublé en Afrique
subsaharienne entre 1981 et 2005? (...) Pour le réseau Cadtm, un
changement radical est donc nécessaire (...) Ce changement passe
inévitablement par l’annulation totale et sans conditions de la
dette publique extérieure des pays en développement. (...) En
attendant une initiative internationale pour l’annulation totale
et inconditionnelle de cette dette, les États doivent
impérativement prendre des mesures de manière unilatérale. Ces
mesures peuvent, en outre, s’inscrire dans le cadre du huitième
OMD «Mettre en place un partenariat mondial pour le
développement» qui prévoit de Traiter globalement le problème de
la dette.»(8)
A côté de la vie qui se meurt, il y a le marché de la mort qui
se porte bien. En 2002, les transferts internationaux
d’armements se montaient à 25,5 milliards de $ dont 17 vers les
pays en développement. Les dépenses militaires mondiales étaient
de 784 milliards de $ dont 336 milliards pour les Etats-Unis.
(9) En 2009 le marché de l’armement a dépassé les 1200 milliards
de dollars, rappelons que pour éradiquer la faim 40 milliards de
dollars par an «suffisent». Le budget du Pentagone dépasse les
600 milliards de dollars et l’Arabie Saoudite vient d’acheter
auprès des Etats-Unis pour 65 milliards de dollars d’avions, de
chars pour faire la guerre à qui? Un char coûterait 6 à 8
millions de dollars, Le coût d’un avion de 50 à 100 millions
d’euros Pourquoi la guerre et pas la paix?
Quand on pense que le maïs, qui part en fumée dans les moteurs
américains, est capable de nourrir 300 millions de personnes et
qu’un plein de biocarburant ex maïs peut nourrir un Africain
pendant une année. Quand 200 milliardaires sont plus riches que
1, 5 milliard d’individus, il y a quelque chose de détraqué sur
le vaisseau Terre Que représentent en définitive, deux dollars
et que peut-on faire avec en termes de développement de
consommation d’énergie, d’utilisation de l’eau, de nourriture et
de qualité de la vie. Est-ce cela le «bonheur», l’horizon
indépassable pour le milliard de personnes que les riches
laissent sur le bord de la route? Pendant qu’en Europe et aux
Etats-Unis on trace des cartes du bonheur (Happiness map) où il
est dit que l’argent n’a plus d’importance à partir de 4000
euros (5200$) par mois. Soit 170 $ par jour, Cela veut dire que
la civilisation actuelle fait des efforts pour que l’Européen
moyen touche en un jour ce que touche l’Africain du Sahel en 6
mois. Cherchez la cause de la révolte des damnés de la Terre,
d’autant que cette richesse des pays occidentaux est en grande
partie due au pillage des richesses des pays du Sud. «Pour aimer
ton prochain tu haïras bien du monde», disait Lazlo del Vasco,
nous sommes d’accord.
1.Arnaud Zacharie Les objectifs du millénaire: un bilan critique
10 ans après leur adoption http://omd2015.fr/wp-content/uploads/2010/05/EtudeOMDsept2010CNCD.pdf
09 2010
2.Pierre Cochez: La lutte contre la pauvreté a marqué des
points. Journal La Croix 19/09/2010
3.http://fra.anarchopedia.org/Bilan_mortuaire_du_Capitalisme
4.http://www.un.org/News/fr-press/docs/2010/AG10987.doc.htm
Objectifs du Millénaire
5.http://www.tdg.ch/suisses-fortunes-planete-2010-09-14
6.L’Asie dépasse l’Europe pour le nombre de millionnaires.
LeMonde.fr,AFP | 23.06.10
7.Chem Assayag: Les milliardaires philantropes et l’impôt.
Agoravox 12 août 2010
8.Le Cadtm exige l’annulation de la dette du
Sud.Mondialisation.ca, le 21 septembre 2010
9.Luc Mampaey: Dépenses militaires
http://www.grip.org/bdg/g1012.html 2004
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique.
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Publié le 23 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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