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L'EXPRESSIONDZ.COM

Obama et l'islam

Les vœux pieux et la réalité
Pr Chems Eddine Chitour


Photo: RIA Novosti

Lundi 22 février 2010

«Mon Dieu, protège-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge.»
Vieil adage

Les espoirs soulevés par la nouvelle approche de l´administration Obama à l´égard des musulmans ont cédé la place à la frustration en raison de l´enlisement du processus de paix au Proche-Orient, ont estimé hier des participants au Forum Islam/États-Unis. «L´optimisme et l´espoir» provoqués par ce discours au Proche-Orient, prononcé au Caire, ont «commencé à s´amenuiser», a estimé l´universitaire américain d´origine arabe Shibley Telhami, lors d´une table ronde organisée dans le cadre de ce forum à Doha.
On sait que les États-Unis accueillent un grand nombre de religions. Le premier article d´amendement de la Constitution des États-Unis déclare: «Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l´établissement ou interdise le libre exercice d´une religion.» Ce langage juridique affirme deux vérités profondes inscrites dans les principes fondamentaux de la nation américaine: d´abord, que l´État n´établit ni ne favorise ni n´approuve aucune religion particulière; ensuite, que tout citoyen est libre de pratiquer la religion de son choix. On compte, est-il décrit dans l´Encyclopédie Wikipédia 1 209 mosquées aux États-Unis, dont plus de la moitié ont été créées au cours des vingt-cinq dernières années. Les Américains musulmans ont leur chaîne de télévision (Bridges TV), fondée en 2004 à Buffalo, dans l´État de New York. Depuis les attentats du World Trade Center en 2001, certains Américains musulmans se sentent mis au ban de la société.

Petit rappel de l’Islam aux Etats-Unis

Cependant, il faut bien en convenir, la liberté du culte est un exemple. Ainsi l´on constate ces dernières années qu´un nouvel Islam est en train de se mettre en place depuis quelques années. Ainsi, pour la première fois, un prêche est fait par une femme à New York. Ecoutons Malika Zegdal, chercheuse: «Pour la première fois à New York vendredi, une prière mixte va être dirigée par une femme musulmane. Amina Wadud, cette musulmane américaine qui fait scandale en prêchant à New York. Elle a été la première femme à diriger le sermon introductif (khutbah) dans une mosquée, en l´occurrence la mosquée du Cap, en Afrique du Sud (Claremont Mosque), en avril 1994. Elle a aussi soulevé une controverse aux États-Unis en dirigeant la prière du vendredi (la salat) de plus de cent musulman-e-s le 18 mars 2005, rompant la tradition selon laquelle les imams, dirigeant les prières, devaient nécessairement être masculins. Elle est spécialiste de la question de la femme dans le Coran et veut relire la religion musulmane de l´intérieur. Elle remet en cause l´Islam patriarcal, se dit totalement opposée à la lapidation et à la polygamie. Contre l´interprétation littérale, elle justifie cette position en affirmant que le Coran est un texte historique et qu´elle vit l´esprit de l´Islam dans l´histoire. Si elle prône l´égalité absolue entre hommes et femmes, sa démarche est très individualiste, elle ne prétend parler qu´en son nom. Elle appartient au nouvel Islam réformé qui est en train de naître aux Etats-Unis depuis deux ou trois ans et qui n´a d´équivalent nulle part ailleurs. Cet Islam américain réformiste se trouve partout aux Etats-Unis, mais c´est un courant très éclaté en multiples groupes, qui communiquent et débattent grâce à de nombreux sites Web. Ses représentants sont des jeunes de la nouvelle génération, nés aux Etats-Unis, élevés dans la religion mais qui refusent de la pratiquer comme leurs parents. Parmi eux, on trouve des étudiants, des journalistes, des femmes qui ne portent pas le voile mais se définissent comme très pieuses, d´autres qui portent le hidjab. Et aussi des Noirs américains, car ce mouvement tente de dépasser le clivage qui reste fort entre "Black Muslims" (40% des 5 à 6 millions de musulmans qui vivent sur le sol américain) et musulmans d´origine indo-pakistanaise ou arabe.»(1)
On se souvient de la polémique sur la religion d´Obama. Obama n´a cessé de proclamer sa foi chrétienne haut et fort à la moindre occasion...Il n´arrête pas ce faisant de prendre ses distances avec l´Islam. Daniel Pipes tente de nous convaincre qu´Obama est un crypto-musulman qui n´assume pas. Avec un zèle de bénédictin, il est allé dans les coins et les recoins de toutes les mémoires «à charge». Ecoutons-le: «Obama affirmait ainsi en décembre 2007 "j´ai toujours été un Chrétien" et il a résolument nié avoir jamais été un Musulman. Le seul lien que j´aie eu avec l´Islam est le fait que mon grand-père paternel venait de ce pays (Kenya). Mais je n´ai jamais pratiqué l´Islam.» (...) «Toujours» et «jamais» ne laissent que peu de place aux tergiversations. (...) Dans son autobiographie, Dreams of My Father (Rêves de mon père), Obama raconte qu´il a eu des problèmes pour avoir fait des grimaces pendant des cours coraniques, révélant ainsi qu´il était bien un Musulman (2)
Pourtant un vent d´espoir avait soufflé au Caire et à Istanbul, à l´occasion des deux discours en direction du monde musulman. Pour rappel: «Régler le conflit israélo-palestinien et respecter l´Islam» voilà les temps forts de son discours fondateur du Caire, Barack Hussein Obama a jeté les bases de ce qui sera l´un des plus grands défis de sa présidence: la réconciliation de l´Amérique avec le monde arabo-musulman. (...) Le discours du 4 juin 2009 au Caire peut sans doute être qualifié d´historique. Jamais un chef d´État chrétien ne s´était adressé au monde musulman avec autant d´honnêteté et, pour tout dire, de courage. Jamais un président américain ne fut autant applaudi en terre d´Islam et jamais auparavant il ne s´était autant approché de ce point d´équilibre que l´on pensait impossible à atteindre: un ami pour deux peuples, les Juifs et les Arabes. Lors de sa tournée européenne, Barack Obama a réalisé un sans-faute. (...) Les discours d´Obama - notamment celui qu´il a prononcé le 6 avril dans l´enceinte du Parlement turc et qui lui a valu une standing ovation (...) À Sarkozy et Merkel, Obama a parlé ainsi: «Permettez-moi de le dire clairement: les États-Unis soutiennent fermement la demande d´adhésion de la Turquie à l´Union européenne...» «Je veux aussi dire clairement que les relations de l´Amérique avec le monde musulman ne peuvent - et ne pourront - pas se réduire à l´opposition au terrorisme. Nous recherchons un engagement plus large fondé sur l´intérêt et le respect mutuels. Nous allons écouter attentivement, dissiper les malentendus, et chercher des terrains d´entente. Nous nous montrerons respectueux, même lorsque nous serons en désaccord. Nous témoignerons notre profonde reconnaissance à l´Islam pour son apport au monde à travers les siècles - y compris dans mon propre pays. Les Etats-Unis ont été enrichis par les Américains musulmans. Beaucoup parmi les autres Américains comptent des musulmans parmi leurs proches ou bien ont vécu dans des pays à majorité musulmane. Je le sais bien puisque je suis l´un d´eux.»(3)
On le voit, les musulmans, impuissants et ne maitrisant aucun des grands problèmes du monde actuel ni sur le plan technologique, encore moins sur le plan moral, se sont accrochés au verbe d´Obama et à ce titre, les discours du Caire et d´Istanbul en direction des musulmans, étaient perçus comme un signe d´une réelle considération. Ce fut le désenchantement. Le 4 juin 2009 rapporte l´Orient le Jour, Barack Obama avait appelé, lors de ce discours historique, à un «nouveau départ» dans la relation entre les États-Unis et le monde musulman, rompant avec la politique de son prédécesseur George W.Bush. Selon M.Telhami, «la frustration à l´égard de l´administration Obama dans le monde arabe» au cours des derniers mois est notamment liée à l´absence de progrès dans la résolution du conflit israélo-palestinien. «L´élection de Barack Obama a eu un impact positif énorme» dans le monde arabe, a pour sa part estimé l´universitaire et ancien diplomate égyptien, Nabil Fahmy, au cours de la table ronde. Mais «les positions adoptées depuis le discours du Caire ont été décevantes», a-t-il ajouté, évoquant notamment le fait que l´administration américaine a «fait marche arrière sur la question des implantations juives dans les territoires palestiniens».(4)

Beaucoup reste à faire

«Huit mois seulement ont passé depuis (l´annonce) du Caire et beaucoup reste à faire. Mais je pense que nous avons jeté les bases en vue de traduire les engagements dans les faits», a dit le président américain dans son message. Mais pour l´activiste égyptien et défenseur des droits de l´homme Saâdeddine Ibrahim, «il y a eu une grande déception dans le monde arabe» vis-à-vis du président Obama. «Les gens s´attendaient à une action qui suivrait le discours d´Obama» et «surtout à ce que le président américain fasse pression sur les Israéliens, ce qu´il n´a pas fait», a-t-il poursuivi. M.Mitchell a achevé fin janvier une série de rencontres avec les Israéliens et les Palestiniens au cours desquelles il a présenté une nouvelle initiative pour les rapprocher. (...) Ces pourparlers indirects «sont une régression, après 20 ans de négociations directes», s´est écrié au cours de la table ronde le négociateur palestinien Saëb Erakat, «Nous demandons au président Obama de nous répondre: pourquoi les États-Unis ne peuvent-ils pas reconnaître un État palestinien dans les frontières de 1967, comme vous l´avez mentionné lors de votre discours au Caire?» Que s´est il passé en Occident pour que la perception de l´Islam soit à ce point mauvaise? Que l´islamophobie gagne du terrain? Que tous les conflits actuels concernent à des degrés divers l´Islam? Les Etats-Unis ne sont pas en reste: le vent a tourné aussi en Europe: les rares considérations que suscitaient le monde arabe et plus généralement l´Islam, font de plus en plus face en Europe à une coalition judéo-chrétienne affirmée qui donne naturellement lieu à une islamophobie assumée. A titre d´exemple, et sans vouloir faire le catalogue de tous les cas avérés d´islamophobie en Europe, on constate depuis quelques semaines, qu´un débat contradictoire agite la communauté musulmane de France: et si l´islamophobie s´expliquait aussi par les attitudes et les comportements irresponsables de certains croyants? Pour Claude Weill, la polémique lancée par le ministre de l´Agriculture n´est qu´un énième relent du débat sur l´identité nationale, où la désignation d´un «péril communautariste "cache un" prétendu péril arabo musulman». Il est de bon ton de dire que le débat sur l´identité nationale a fait pschitt: Malheureusement, je ne le crois pas. Le mal est fait. Ce vaste défoulement collectif organisé sous l´égide du ministère de l´Immigration a produit son venin, qui ne cesse de diffuser au sein de la société française. Toutes sortes de préjugés malsains, d´idées nauséabondes, de réflexes xénophobes qui, jusqu´alors, n´osaient pas s´afficher ouvertement (sauf dans la bouche de celui qui se vantait justement de «dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas»), ont désormais droit de cité. (...) En l´espace de quelques semaines, nous avons eu droit successivement à l´importation en France du débat helvéto-helvétique, inspiré par l´extrême-droite suisse, sur la construction des minarets. Puis au grand psy-show national sur la «burqa» (mot choisi à dessein pour épouvanter les bonnes gens: la burqa, voile intégral grillagé d´origine afghane est à ma connaissance à peu près inconnu en France). Ensuite à un magnifique emballement politico-médiatique autour de la candidate NPA du Vaucluse, accompagné d´une ahurissante plainte en justice (!) (...) Et aujourd´hui, c´est le pompon, voilà que le ministre de l´Agriculture dénonce - au nom des principes de la République, bien sûr! - la décision de la chaîne Quick de retirer la viande de porc de quelques établissements. Comme s´il n´existait pas déjà des centaines de restaurants et d´épiceries halal ou casher. (...) Pas besoin d´avoir l´ouïe très fine pour entendre ce qui se cache sous tous ces grands mots: l´invocation des principes républicains n´est bien souvent que l´alibi de l´islamophobie. Et l´islamophobie, parfois, le camouflage sémantique d´un pur et simple racisme qui n´ose pas - pas encore? - s´avouer. Ainsi que l´écrivait récemment mon maître et ami le professeur Alfred Grosser, amusez-vous à remplacer «musulman» par «juif» dans tout ce qui se dit et s´écrit aujourd´hui sur l´Islam, et vous verrez quel effet cela produit....(5)
Comment peut-on comprendre que les Etats-Unis sont en guerre dans deux pays musulmans et dans le même temps, ils envoient un émissaire pour assister aux travaux de l´Organisation de la Conférence islamique? Est-ce pour la contrôler ou est- ce sincère? Barack Obama a annoncé la nomination d´un représentant spécial auprès de l´OCI qui compte 56 pays à majorité musulmane. Il a présenté l´intéressé, Rashad Hussain, comme un avocat brillant «et un membre» proche et fiable «de son entourage à la Maison- Blanche. Dans son message, Barack Obama a pris soin des détails. Il commence par un "Salam Aleikoum" et précise que son émissaire à l´OCI, Rashad Hussain, avocat et l´un de ses proches collaborateurs à la Maison-Blanche, est un "Hafiz" du Coran, terme arabe désignant ceux qui ont appris par coeur le texte saint. Dans son message vidéo, le président Obama déclare: "Depuis le discours, l´administration américaine a fait un" effort durable pour écouter» et il a dit espérer «continuer le dialogue» lors de sa visite le mois prochain en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé du monde. «Nous avons l´occasion sans précédent, dans le cadre tracé au Caire, d´établir une relation globale avec le monde musulman», a déclaré pour sa part, Hussain à Reuters à Doha. La nomination a été unanimement saluée dans le monde arabe qui s´inquiète de plus en plus de la poussée islamophobe que connaît l’Occident...(6)
En conclusion, on peut penser qu´Obama a «tué» le musulman qui est en lui. Tout est alors bon pour se distancier de son cauchemar que constitue l´Islam et tous les discours aussi veloutés soient-ils n´y feront rien. Les Musulmans devront prouver qu´ils peuvent être des exemples par le travail et la compétence et non par le farniente et l´étouffement des libertés, conditions sine qua none de la création intellectuelle. Faire les yeux doux aux puissants de ce monde n´aboutira à rien sinon au désespoir des masses. Un proverbe africain résume assez bien la position des pays arabes: «Celui qui nourrit le mieux le crocodile a pour seul espoir d´être le dernier à être dévoré.» Ainsi va le monde.

1.Judith Rueff: Entretien avec Malika Zeghal aux Etats-Unis, la naissance d´un nouvel Islam. liberation. fr, mars 2005
2.Daniel Pipes: L’enfance musulmane de Barack Obama http://fr.danielpipes.org/article/5545
3.François Soudan: Le jour où Barack est redevenu Hussein. Jeune Afrique 08/06/2009
4.Huit mois après le discours d´Obama; la frustration. L´Orient- Le Jour 15/02/2010
5.Claude Weill: Viande Halal chez Quick: "Le venin" Nouvel Obs Oumma.com1902 2010
6.T.Chanda Rashad Hussein, ambassadeur auprès des musulmans. Jeune Afrique, 18/02/2010

Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale polytechnique, enp-edu.dz

Droits de reproduction et de diffusion réservés © L'Expression
Publié le 22 février 2010 avec l'aimable autorisation de l'
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Source : L'Expression
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