Opinion
La mort des
enfants innocents victimes de violences
:
Une tragédie planétaire
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Vendredi 21 décembre
2012
«Il jugera entre
les nations, il sera l'arbitre de
peuples nombreux. Ils briseront leurs
épées pour en faire des socs et leurs
lances pour en faire des serpes. On ne
lèvera plus l'épée nation contre nation,
on n'apprendra plus à faire la guerre»
Esaïe 2/4.
Le vendredi 14 décembre, un jeune homme
de 20 ans rentre dans une école primaire
de Sandy Hook dans le Connecticut, il
fait un carnage tuant une vingtaine
d'enfants de 6 à 7 ans ainsi que six
enseignants de l'école. Il se donne
ensuite la mort, auparavant il avait tué
sa mère et s'est servi de trois
pistolets et d'un fusil d'assaut. Sa
mère lui a appris à tirer. Nous ne
connaîtrons peut-être jamais les motifs
réels; l'individu était issu d'un milieu
sans histoire.
Singularité de la vie à l'américaine
Les Etats-Unis sont le pays des
paradoxes. «In God we trust», lit-on sur
les billets de banque, dans le même
temps les Etats-Unis semblent être le
pays le moins sûr au monde. La preuve
magistrale nous est donnée d'une façon
magistrale par la tuerie de Newtown.
Sylvie Kaufmann nous raconte les dérives
de cette politique sécuritaire au nom du
deuxième amendement: «Un beau jour de
1995, George Bush, dans un geste de
profonde indignation, renvoya sa carte
de membre de la NRA, la National Rifle
Association, à la puissante organisation
de défense des armes à feu et le fit
savoir. Un extrémiste en révolte contre
l'Etat, Timothy McVeigh, venait de faire
sauter un bâtiment fédéral à Oklahoma
City, tuant 167 personnes. L'Amérique
sous le choc, découvrait l'existence en
son sein de milices de «patriotes»
paranoïaques, obsédés par l'idée que
l'Etat américain cherchait à les priver
de leurs armes. Quelques jours avant
l'attentat, la NRA avait eu le mauvais
goût d'envoyer une circulaire à ses 3,4
millions d'adhérents dans laquelle les
agents des forces de l'ordre fédérales
étaient qualifiés de «nazis». Cette
lettre, expliqua George Bush, «offense
profondément mon sens de la décence et
de l'honneur». Piquée au vif, la NRA dut
acheter des pages entières de publicité
dans les journaux pour répondre à
l'ex-président George Bush.
Sylvie Kauffmann situe la paranoïa
sécuritaire après le 11 septembre: «Le
fils n'a pas eu cette «décence»-là.
(...) La révolution sécuritaire qui
s'est emparée des Etats-Unis après
l'attaque du 11 septembre 2001,
parallèlement aux deux mandats de George
W.Bush, de 2000 à 2008, ont inversé la
dynamique sur le contrôle des armes à
feu et infligé une véritable régression
à cette dimension très particulière de
l'identité américaine, si
incompréhensible pour le reste du
monde.» (1)
Elle cite la tentative réussie de Bill
Clinton de moraliser l'utilisation des
armes à feu: «Le président Bill Clinton
s'était fait le champion du "gun
control" , expression qui a fini par
désigner, en politique, les efforts
visant à restreindre l'accès aux armes à
feu. Car aux Etats-Unis, pas question
d'interdire: le deuxième amendement de
la Constitution consacre le "droit des
gens à détenir et à porter une arme" .
Les adversaires des armes à feu ne
peuvent donc agir qu'à la marge. (...)
Dans les années 1990, Bill Clinton et
plusieurs élus, comme la sénatrice
Dianne Feinstein, avaient réussi à faire
pencher le balancier dans le sens d'un
contrôle accru. La loi Brady, promulguée
en 1993, qui imposait un contrôle des
antécédents de tout acheteur d'une arme
à feu, avait été promue par un
collaborateur du président Reagan, Jim
Brady, grièvement blessé d'une balle
dans la tête lors de la tentative
d'assassinat de Ronald Reagan en 1981.
Puis en 1994, le vote d'un projet de loi
interdisant 19 modèles d'armes
semi-automatiques d'assaut, pour lequel
M. Clinton s'était battu comme un lion,
fut considéré comme un coup dur pour la
NRA.» (1)
Tout changea, dit-elle, avec George Bush
Junior: «Mais la loi d'interdiction des
armes d'assaut n'était en vigueur que
pour dix ans. En 2004, l'humeur avait
changé, le président aussi et le Congrès
n'a pas jugé utile de la renouveler.
(...) Barack Obama, a repris la
Maison-Blanche en 2008, mais sur la
question des armes à feu, il n'a jamais
montré la fougue de Bill Clinton.
Entre-temps, le nombre de membres de la
NRA est passé de 3,4 à 4,3 millions.»
(1)
Le bilan
des tueries par armes à feu
Sept tueries de masse qui ont fait au
total 68 morts, 2012 est «l'année la
plus meurtrière qu'aient connue les
Etats-Unis», souligne The New Republic.
«Soixante-dix tueries de masse ont eu
lieu depuis 1982 et elles ont fait 543
morts», souligne le site de
l'hebdomadaire de Washington, «Or, sept
de ces tueries ont eu lieu en 2012 et le
nombre de victimes cette année s'élève à
près du double de chacune des années
précédentes.» «Si les scènes d'horreur
comme celle de Newtown nous sont
désormais familières, note The New
Republic, c'est parce que les six
dernières années ont été
particulièrement sanglantes: 45% des
victimes des tueries de masse aux
Etats-Unis au cours de ces trente
dernières années l'ont été depuis 2007.
Il s'agit d'une véritable situation de
crise.» (2)
Depuis 1999, 26 fusillades de masse dans
21 Etats différents ont causé la mort de
225 personnes et fait au moins un
millier de blessés aux Etats-Unis. A
chaque fois, écrit Sandra Jean, c'est la
même chose. D'abord, l'horreur qui
déboule sans crier gare. Ensuite,
l'étalage de toutes ces vies détruites.
Puis vient le temps des conjectures. Et
invariablement, le débat. Faut-il
réguler le marché des armes? On compte
aujourd'hui plus de 300 millions d'armes
à feu aux USA. Chaque mois, un million
d'armes sont vendues. Toutes les 20
minutes, une personne meurt par balle,
victime d'un homicide ou d'un suicide.
Les enfants de 5 à 14 ans qui vivent aux
Etats-Unis ont 13 fois plus de risque de
se faire abattre qu'ailleurs dans le
monde industrialisé. La litanie est
connue. Mais la démonstration de
causalité entre le nombre d'armes et la
prolifération des tueries en tout genre
n'est toujours pas suffisamment
convaincante pour faire bouger les
choses. (3)
Que
faire?: renforcer le contrôle des armes
à feu
Tout le monde s'accorde à dire qu'il
faut réglementer. «Pour de nombreuses
voix, Gilles Blassette du journal La
Croix, il est urgent de renforcer le
contrôle des armes à feu pour mieux
encadrer l'accès aux armes dans un pays
qui en compte près de 300 millions -
soit une par habitant. (...) La NRA, qui
revendique près de 4 millions de
membres, est l'un des plus importants
contributeurs lors des cycles
électoraux. (...) La NRA a dépensé près
de 20 millions de dollars (15 millions
d'euros) lors des élections de cet
automne. Chaque année, elle dépense en
outre plusieurs millions pour faire
avancer des textes qui lui sont
favorables au Capitole. La puissance de
ce lobby est aussi, sinon surtout,
ailleurs. C'est aussi elle qui a réussi
à mettre dans la tête de nombreux
Américains que la solution n'est pas
moins d'armes... mais plus d'armes!
(....) En 2008, la Cour suprême a ainsi
dénié à Washington le droit d'interdire
les armes sur son territoire. «Or, pour
modifier la Constitution, il faut un
vote du Congrès des deux tiers des deux
chambres, plus la ratification par trois
quarts des États, rappelle Vincent
Michelot. Enfin, cette question doit
être replacée dans un contexte plus
large: celui de la violence aux
États-Unis. Le pays doit s'interroger
sur ce qui, en son sein, la nourrit.»
(4)
Cela va même plus loin, c'est
l'accusation à l'envers: «Si les profs
avaient été armés: «Les partisans des
armes mettent en avant deux arguments
pour s'opposer à tout changement de la
législation actuelle: ce ne sont pas les
armes qui tuent mais les humains qui les
manipulent; le problème provient non pas
d'un sur-armement mais au contraire du
sous-armement de ceux qui pourraient se
défendre. (...) Ainsi, Larry Pratt,
directeur de l'association Gun Owners of
America (possesseurs d'armes aux
Etats-Unis), estime que les professeurs,
s'ils avaient été armés, auraient pu
empêcher le drame: les partisans du
contrôle des armes ont le sang de jeunes
enfants sur leurs mains. Les lois
fédérales et celles de l'Etat
garantissent qu'aucun professeur, aucun
responsable, aucun adulte ne puisse
détenir une arme à l'école de Newtown où
les enfants ont été tués. Cette tragédie
souligne l'urgence de supprimer
l'interdiction des armes dans les zones
scolaires.» (5)
«Autre argument utilisé par Gun Owners
of America et proclamé sur un T-shirt de
l'association: «Si ce sont les armes qui
tuent les gens, alors ce sont les stylos
qui font des fautes d'orthographe, les
voitures qui font conduire les gens
ivres et les cuillères qui ont rendu
Rosie O'Donnell [une animatrice de
télévision américaine, ndlr] grosse.»
(...) «Une milice bien organisée étant
nécessaire à la sécurité d'un Etat
libre, le droit qu'a le peuple de
détenir et de porter des armes ne sera
pas transgressé.» Lors de son adoption
en 1791, cet amendement garantissait
notamment le droit du peuple à
participer à l'application de la loi et
à lutter contre un gouvernement
tyrannique.» (5)
Theophraste R. du site alternatif «Le
Grand Soir» s'insurge: ««Les parents
savaient-ils que cette personne à qui
ils confiaient leurs enfants était une
dingue de la gâchette? Ça leur fait quoi
aux Étatsuniens de se lever le matin en
se disant: «Tiens, aujourd'hui,
trente-quatre personnes vont mourir
d'une balle dans la peau?» C'est quoi ce
pays où des millions de gens pensent que
s'il y a des tueries, c'est parce que
les citoyens ne sont pas Tous armés?
C'est quoi cette nation de cow-boys qui
n'envisage pas de supprimer de sa
Constitution le deuxième amendement
(voté en 1791) qui garantit à tout
habitant le droit de porter une arme? À
l'époque, les citoyens redoutaient que
le gouvernement puisse les désarmer pour
imposer une armée de métier ou une
milice. En 2008, la Cour suprême ordonna
que l'autodéfense était un élément
central du droit.» (6)
Les autres
causes possibles de ces tueries
A chaque tuerie et fusillade son lot de
débats et de commentaires sur les causes
qui ont pu provoquer le passage à l'acte
du tueur. La tragédie de Newtown
n'échappe pas à la règle. Dans le même
ordre d'idées, des sites d'information
comme celui d'Europe1, expliquent, au
lendemain du drame, qu'Adam Lanza et ses
amis «passaient de longs moments à jouer
aux jeux vidéo», et que lui, plus
particulièrement, «adorait ce qui venait
du Japon, il collectionnait les cartes
Pokemon et jouait sur sa console
PlayStation à Dynasty Warriors, un jeu
de combat avec armes à feu sorti dans
les années 1990». Pour l'ancien
gouverneur de l'Arkansas, Mike Huckabee
cité par Fox News: «On se demande
pourquoi il y a de la violence dans nos
écoles, mais nous en avons retiré Dieu
d'une manière systématique. Doit-on être
surpris qu'en conséquence, nos écoles
deviennent des lieux de carnage? Nous
n'avons pas de problèmes liés à la
criminalité, à la circulation des armes
ou à la violence. Nos problèmes, ce sont
les péchés.»
Le
massacre des innocents et la
malhonnêteté des médias main stream
En Iran, le porte-parole du ministère
des Affaires étrangères, iranien, a
«condamné le massacre des enfants
américains [...] et a présenté ses
condoléances aux familles des victimes»,
tout en appelant «la société américaine
à participer au mouvement de lutte
contre la guerre et le massacre des
innocents à travers le monde». Il a
ajouté cette précision, pour être bien
compris: «Il n'y a aucune différence
entre les enfants victimes d'actions
armées à Gaza, aux Etats-Unis, en
Afghanistan, au Pakistan, en Irak ou
encore en Syrie.» En Chine, l'agence de
presse d'Etat Chine nouvelle a pris
position clairement pour le contrôle des
armes: «Le sang innocent exige sans
délai un contrôle des Etats-Unis sur les
armes à feu.» (7)
Justement à propos du massacre des
innocents «Et si Obama y est allé de sa
petite larme, il conviendrait, aussi, de
lui rappeler que les tonnes de bombes
qu'il a déversées sur l'Afghanistan,
l'Irak, la Libye, la Syrie... ont tué
des enfants, beaucoup d'enfants sans que
le monde gangrené par la finance ne s'en
émeuve et sans qu'il ne verse une larme.
Et que dire de Ghaza... Ce documentaire
britannique suit quelques familles
américaines, passionnées par les armes à
feu, et dont les enfants apprennent à
les utiliser, qu'ils le veuillent ou
non. (8).
Avec un rare cynisme, toutes les chaînes
radio, et de télévisions ont rapporté
des dizaines de fois les mêmes faits,
sans qu'on ait vu réellement la réalité.
C'est tout au plus des scènes de pleurs
et de compassion envers ces enfants à
qui on a volé la vie. Même l'Unicef qui
est censée défendre les enfants quelles
que soient leurs latitudes était aux
abonnés absents, rappelant cruellement
son mutisme quand des centaines
d'enfants de Ghaza passèrent de vie à
trépas eux aussi. Il est scandaleux de
voir, d'entendre ad nauseam les médias
occidentaux tourner en boucle les
évènements et la détresse de cette
petite ville sans naturellement apporter
aucun élément nouveau quant aux mobiles
profonds de ce crime de masse. Sans
faire dans la concurrence victimaire,
l'humanité nous ordonne dans le
mouvement de compassion à citer aussi
les multiples bavures de la coalition en
Afghanistan le 8 février 2012. Dernière
bavure en date, huit enfants ont été
tués dans les attaques le 8 février.
Souvenons-nous aussi des 500 000 enfants
morts de malnutrition du fait d'un
embargo inhumain, ce qui à l'époque,
avait fait dire à Madeleine Albright:
«Si c'est le prix à payer pour faire
partir Saddam Hussein ce ne serait pas
cher payé» Et à Ghaza? Tout le monde des
400 «bourgeons fauchés juste après leur
éclosion» en 2008-2009? Personne n'a eu
des larmes de crocodile à sécher d'une
façon théâtrale! Même le dernier raid du
mois dernier a vu la mort de 161 morts
Palestiniens 5 morts Israéliens!
Plusieurs dizaines d'enfants comme
tribut à la faucheuse et la
victimisation est toujours du même côté.
Ceux qui restent en vie sont traumatisés
à vie et il n'y a point de psychologues
à leur chevet pour les aider à se
reconstruire!!!
Plus largement, comment faire pour que
des enfants des pays en guerre
guérissent de leurs traumatismes???
Cette thérapie peut, elle doit être
appliquée aux enfants ghazaouis rescapés
des hélicoptères Apache, des Phantom F16
et des drones? Ce massacre a été sans
doute un horrible évènement mais de là à
en parler comme si c'est un marqueur
spécifique et universel, trop c'est
trop! Soyons justes, soyons humains,
totalement humains peut-être serons-nous
sauvés. Le prophète Isaïe nous invite à
être utiles à l'humanité.
1.http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/12/17/tuerie-de-newtown-le-fusil-et-l-identite-americaine_1807444_3222.html
2.http://www.courrierinternational.com/breve/2012/12/17/2012-annee-meurtriere
3.http://www.lematin.ch/monde/
ameriques/newton-pleure-victimes/story/10598989
4.Gilles Blassette
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/La-Maison-Blanche-face-aux-partisans-des-armes-a-feu-_NG_-2012-12-17-888926
5.http://www.rue89.com/2012/12/15/tuerie-de-newtown-quen-disent-les-defenseurs-des-armes-237839
6.http://www.legrandsoir.info/spip.php?page=forum&id_breve=3128
7.http://www.rue89.com/2012/12/15/condoleances-diplomatiques-apres-newtown-liran-et-la-chine-font-passer-un-message-237843
8.
http://www.oulala.info/2012/12/armes-a-feu-un-jeu-denfants/
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 22 décembre 2012 avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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