Comment je vois le Monde
Elections
américaines :
Le calvaire du peuple palestinien oublié
Chems
Eddine Chitour
© AFP
Jeudi 13 septembre
2012
«Celui qui
m'a changé en exilé m'a changé en
bombe... Palestine est devenue mille
corps mouvants sillonnant les rues du
monde, chantant le chant de la mort, car
le nouveau Christ, descendu de sa croix,
porta bâton et sortit de Palestine.»
Mahmoud Darwish
Les élections américaines approchent à
grand pas- moins de 60 jours nous
séparent de cet important événement pour
les Américains. Chaque camp s'apprête
pour le grand soir. L'adoubement d'Obama
à la convention démocrate de Charlotte
en Caroline du Nord a donné un coup de
fouet à la candidature d'Obama dont on
dit qu'il devance son adversaire
républicain. Trois débats sont prévus
dans l'intervalle, chacun s'attaquant
aux points faibles de l'autre. On dit
que Mitt Romney n'attaquera pas trop
tard la mesure concernant la santé,
" l'Obamacare ", car lui-même l'avait
mis en place quand il était gouverneur
du Massachussetts. Pourtant, le
colistier de Romney a promis de
détricoter cette avancée qui fait que
plusieurs millions d'Américains de
condition modeste peuvent se soigner.
Pour la première fois depuis une
vingtaine d'années, le problème
palestinien qui faisait partie de la
politique étrangère américaine des
candidats, a disparu de l'écran radar.
Est-ce que la paix est revenue? Que les
Israéliens et les Palestiniens vivent
côte à côte dans deux Etats séparés
comme le souhaitaient Obama et avant lui
Bush et Clinton? Est-ce que nous avons
affaire à un Etat de tous ses citoyens
palestiniens et israéliens? Est-ce que
le peuple palestinien a disparu? Rien de
tout cela! En fait, les deux
protagonistes veulent éviter les sujets
qui fâchent et qui risquent de leur
aliéner le vote juif, notamment celui de
l'Aipac sachant qu'il n'y a pas de vote
arabe aux Etats-Unis (Musulmans et
Chrétiens), bien que plus nombreux, ils
sont plus atomisés que jamais. Pendant
ce temps-là, le président palestinien
Mahmoud Abbas plane. Il fait comme s'il
dirigeait un Etat avec toutes ses
prérogatives. (1)
Le cas de la colonie Ariel en plein
coeur de la Cisjordanie est un exemple
type de normalisation rampante. La
décision appartient désormais à l'armée
israélienne, décisionnaire en
Cisjordanie. C'est elle qui se
prononcera in fine sur la transformation
du collège d'Ariel en établissement
universitaire. La banalisation d'une
colonie de près de 18.000 habitants
fichée au coeur de la partie Nord de la
Cisjordanie, que les Israéliens
appellent Samarie. L'"Université de
centre Samarie", si elle voit le jour,
sera un élément supplémentaire de
l'occultation d'une réalité en cours
également dans les têtes. A mieux y
regarder, il manque encore une chose à
Ariel: son inclusion au tracé de la
"clôture de sécurité"érigée
unilatéralement par Israël en
Cisjordanie. Une décision lourde de sens
puisque l'annexion de facto d'Ariel au
territoire israélien signifierait
l'échec du projet à l'origine de la
colonie: la création d'un continuum
territorial jusqu'à la vallée du
Jourdain, dans le double objectif de
contrôle du nord de la Cisjordanie et
d'obstacle à la création d'un éventuel
Etat palestinien.
Le minimum
syndical de Ban Ki-moon
En fait, la colonisation rampante se
normalise. " La justice écrit Gilles
Devers, a cela de pratique qu'on peut
lui faire dire souvent ce que l'on veut
bien entendre. Les opposants israéliens
à la colonisation ne juraient jusqu'à
présent que par le rapport Sasson,
rédigé en 2005, qui concluait à
l'illégalité des points de colonisation
sauvages, Israël répétant depuis bientôt
deux décennies qu'il ne crée plus
d'implantations nouvelles en
Cisjordanie. A partir des mêmes
prémisses (la connivence entre les
colons et les autorités israéliennes),
un autre rapport, signé par le juriste
Edmond Lévy le 10 juillet, est célébré
par les Israéliens installés de l'autre
côté de la Ligne verte parce qu'il
conclut à la légalité de ces points de
colonisation, du fait justement des
"garanties" données de facto par l'Etat
juif à ses habitants. (2)
Ban Ki-moon a prévenu Israël lundi 10
septembre que la poursuite du blocus de
la bande de Ghaza ne ferait que
condamner les habitants de l'enclave
côtière à une pauvreté durable
susceptible de profiter aux extrémistes.
Intervenant devant le Conseil des Droits
de l'homme, le secrétaire général de
l'ONU a également imputé "les immenses
souffrances humaines" des Ghazaouis "aux
tirs aveugles de roquettes" sur Israël à
partir de la bande de Ghaza et aux
graves violations des libertés
fondamentales. "J'exhorte Israël à lever
ses sévères restrictions afin d'alléger
la situation désespérée dans laquelle se
trouvent les civils", a-t-il dit en
référence au blocus imposé par le
gouvernement israélien.
"Maintenir une large et dense population
dans une situation de pauvreté
persistante n'est dans l'intérêt de
personne si ce n'est des (groupes) les
plus extrêmes de la région", a-t-il
déclaré. Ban Ki-moon, dont les propos
ont été repris par le Haut Commissaire
aux droits de l'homme, Navi Pillay,
devant les 47 membres du Conseil, a, en
outre, exhorté le gouvernement israélien
à respecter les droits des Palestiniens
et le droit international. Elle a appelé
l'Etat juif à soutenir les efforts
visant à créer "un État palestinien
indépendant, souverain, démocratique et
viable " en paix avec Israël. Une
solution durable au conflit dans la
région passerait par la conclusion d'un
accord qui mettrait fin à 45 ans
d'occupation. Or, les discussions entre
Israël et l'Autorité palestinienne en
Cisjordanie autour d'un éventuel accord
de paix sont au point mort, chaque
partie accusant l'autre. Les
Palestiniens considèrent notamment que
les colonies israéliennes sont un
obstacle majeur à toute discussion
constructive. Navi Pillay a évoqué ce
point lors de son intervention devant le
Conseil: l'expansion des colonies "ainsi
que la violence des colons israéliens à
l'encontre des Palestiniens" sont une
source de tension, a-t-elle dit,
appelant les autorités israéliennes à
relâcher les quelque 4000 prisonniers
palestiniens détenus sans aucune forme
de procès. Elle a cependant également
critiqué les tirs de roquettes
palestiniens. Le Hamas, de son côté, se
défend de se livrer à des tirs de
roquettes systématiques sur des villages
israéliens et des villes situées à la
frontière, déclarant qu'il s'agit
uniquement de réponses sporadiques et
isolées visant à se protéger. (3)
On le voit, Ban a fait le minimum
syndical, il met sur le même plan
l'occupant et l'occupé, les tirs de
pétards - qui sont surtout des réactions
d'orgueil sans lendemain - des
Palestiniens à titre d'exemple ont une
efficacité mille fois plus faible que
celle des hélicoptères Apache ou des
drones prédators. Mieux, il en appelle
au bon coeur de l'occupant, n'appelant
naturellement à aucune sanction, tout
entier occupé par le dossier syrien.
Romney,
Obama et la disparition du dossier
palestinien
C'est un fait, le dossier palestinien ne
fait plus vendre, il n'intéresse pas les
Américains et le lobby pro-israélien
veille au grain. " A entendre les deux
discours prononcés par les deux
candidats à l'élection présidentielle
américaine du 6 novembre au cours de
leurs conventions respectives, on peut
faire le pronostic qu'en matière de
processus de paix, si on peut encore
oser cette expression, la lumière ne
viendra pas avant longtemps de
Washington. Personne n'est censé douter
de l'attachement de l'un comme de
l'autre à Israël, mais en moins de vingt
mots pour l'un comme pour l'autre: Mitt
Romney s'est montré le plus lapidaire: "President
Obama has thrown allies like Israel
under the bus".
Les intéressés devront s'en contenter.
Barack Obama, qui a enregistré sur ce
dossier l'un de ses revers les plus
cuisants et qui a pris ses distances
depuis deux ans avec ce casse-tête,
n'est, cependant, pas allé jusqu'à
oublier l'objectif de la paix:"Our
commitment to Israel's security must not
waver, and neither must our pursuit of
peace". C'est également court. Bref,
l'évitement est en vogue. Sans doute
pour longtemps.(4)
Combien de
capitales à Jérusalem?
Dans la bataille particulièrement âpre
qui s'est engagée aux Etats-Unis entre
Barack Obama et Mitt Romney, tous les
coups comptent. Les atermoiements
démocrates sur la référence à Jérusalem
comme capitale d'Israël ont été mis à
profit par le camp républicain pour
mettre en cause la sincérité du lien à
Israël, un sujet de très large consensus
aux Etats-Unis. De quoi s'agit-t-il?
Après avoir été initialement retirée,
cette référence a été maladroitement
réintroduite dans la plate-forme du
Parti démocrate comme l'a raconté Corine
Lesnes sur son blog.
Au final, le texte concernant Israël est
le suivant: "President Obama and the
Democratic Party maintain an unshakable
commitment to Israel's security. « A
strong and secure Israel is vital to the
United States not simply because we
share strategic interests, but also
because we share common values.(...)
President Obama will continue to press
Arab states to reach out to Israel. "Jerusalem
is and will remain the capital of
Israel. The parties have agreed that
Jerusalem is a matter for final status
negotiations. It should remain an
undivided city accessible to people of
all faiths."" L'aile gauche démocrate a
manifestement interprété ce changement
comme une insupportable concession aux
pro-Israéliens. Malgré les protestations
de nombreux délégués démocrates. Le
programme de gouvernement du parti du
président américain, a donc été modifié
in-extremis mercredi dernier, au soir,
afin d'y faire référence à Jérusalem,
comme "capitale d'Israël". (5)
Pour l'histoire, lors de son déplacement
en Israël, Mitt Romney a assuré les
Israéliens à Jérusalem que cette
dernière serait la capitale éternelle
d'Israël.
Le dossier
du nucléaire civil iranien
Le deuxième dossier important qui est
lié aussi à la politique extérieure
américaine, est le dossier iranien. Ni
les printemps arabes, ni la débâcle
financière européenne ne trouvent grâce
aux yeux des candidats. Les dirigeants
israéliens font le forcing pour définir
une ligne rouge qu'ils veulent la plus
coercitive possible en menaçant
d'intervenir eux-mêmes.
Dans cet ordre, le président américain
Barack Obama a décliné une demande
israélienne de recevoir le Premier
ministre Benjamin Netanyahu lors de sa
prochaine visite aux Etats-Unis. Cette "
rebuffade " survient au moment où Israël
et les Etats-Unis affichent de plus en
plus ouvertement leurs divergences sur
le dossier nucléaire iranien.
Washington, privilégiant à ce stade la
voie diplomatique, a opposé, lundi 10
septembre, une fin de non-recevoir aux
demandes répétées de M.Netanyahu
d'imposer à l'Iran une "ligne rouge
claire" pour l'empêcher de se doter de
l'arme nucléaire. Les Etats-Unis ont
prévenu Israël que fixer une "ligne
rouge" ou une date butoir à l'Iran pour
son programme nucléaire controversé ne
serait "pas utile", Washington
privilégiant la voie de la diplomatie et
des sanctions contre Téhéran.
Quant au candidat républicain, il estime
qu'un Iran nucléaire est "le plus grand
danger auquel l'Amérique et le monde
peuvent être confrontés". Le candidat
républicain à la Maison-Blanche, Mitt
Romney, a déclaré que le traitement du
dossier iranien par Barack Obama était
peut-être son "plus gros échec", tout en
promettant une approche différente s'il
est élu dimanche dans une interview à la
chaîne NBC. Cependant, selon le journal
anglais Sunday Times de dimanche, Israël
réfléchirait à lancer une impulsion
électromagnétique (IEM) sur l'Iran pour
paralyser l'ensemble de ses réseaux de
transport et de communications, et
arrêter ainsi le développement de son
programme nucléaire. (6)
Conclusion
Selon toute vraisemblance, Obama serait
élu, s’il arrive à résister aux pièges
de toute sorte. Il a eu des rapports
très difficiles avec le Premier ministre
israélien qui non seulement lui a tenu
tête, mais de plus a fait fi de ses "
recommandations ". L'idée de deux Etats
côte à côte devient de plus en plus une
vue de l'esprit. Les Palestiniens de
Cisjordanie s'accommodant de leurs
conditions avec un Premier ministre qui
a les faveurs de l'Occident. Les
Ghazouis, eux, savent ce que c'est que
la misère morale et matérielle survivant
en apnée, ils n'attendent rien de
l'Occident.
Les élections palestiniennes sont
prévues, on peut penser que si les
Palestiniens votent mal, ils vont encore
subir. Le " printemps arabe " s'est
arrêté aux portes de la Cisjordanie et
même la tentative des jeunes "
facebookés " enjoignant leurs dirigeants
de Gaza et de Ramallah, a fait long feu.
Il faut espérer qu'Obama une fois réélu
– s’il arrive à passer le cap de
l’affaire de Benghazi, qui est du pain
béni pour Mitte Romney-aura les coudées
franches pour faire aboutir le dialogue
avec l'Iran et pour ramener à la raison
les Israéliens pour arriver à un Etat
israélo-palestinien qui sera l'Etat de
tous ses citoyens ramenant enfin la paix
dans cette région du monde qui a vu
l'avènement des religions révélées.
Amen!
1.http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2012/07/18/ariel-le-modele-dune-colonisation-israelienne-devenue-invisible/
2.http//israelpalestine.blog.lemonde.fr/2012/07/11/de-quoi-israel-en-cisjordanie-est-il-le-nom/
3.
http://fr.news.yahoo.com/ban-souligne-limpact-humanitaire-du-blocus-gaza-163919279.html
4.http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2012/09/07/romney-obama-et-la-disparition-du-dossier-palestinien/
5.http://israelpalestine.blog.lemonde.fr/2012/09/06/combien-de-capitales-a-jerusalem/#xtor=AL-32280542
6. Inutile de fixer "une ligne rouge"à
l'Iran, dit Washington à Israël AFP |
10/09/2012
Professeur émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 13 septembre
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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