Comment je
vois le monde
Le droit de savoir
et le devoir de s'en tenir aux faits:
un Graal
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Mardi 10 septembre 2013
«Bien
informés, les hommes sont des citoyens;
mal informés, ils deviennent des sujets»
Alfred Sauvy
La tenue du G20 consacré en théorie à la
marche économique du monde mais parasité
par la crise syrienne, me donne
l'opportunité de m'interroger sur cet
Ovni que l'on pourrait traduire par
Objet Voleur Nullement Identifié tant il
est obscur, secret et avare de
transparence. Nous allons le décrire et
ensuite nous allons justement montrer
comme le clame Alfred Sauvy sur sa
définition du citoyen, en faisant une
lecture rapide de l'ouvrage remarquable,
selon nous, d'Edwy Plenel, intitulé
d'une façon magistrale: «Le droit de
savoir» consacré justement à l'opacité
de ces paradis fiscaux.
Le G20: le
nouveau gouvernement du monde
Le Groupe des vingt (G20) est un groupe
composé de dix-neuf pays et de l'Union
européenne dont les ministres, les chefs
des banques centrales et les chefs
d'État se réunissent régulièrement. Il a
été créé en 1999 et vise à favoriser la
concertation internationale en intégrant
le principe d'un dialogue élargi tenant
compte du poids économique croissant
pris par un certain nombre de pays. Le
G20 représente 85% du commerce mondial,
les deux tiers de la population mondiale
et plus de 90% du produit mondial brut
(somme des PIB de tous les pays du
monde).
En déduction, nous remarquons qu'un
tiers de la population mondiale, soit
près de 2, 5 milliards d'habitants et
dont le PIB n'est que de 10%, n'est pas
représenté et naturellement personne ne
défend sa cause. Nous sommes loin des
organisations généreuses telles que la
Cnuced, le groupe des 77, bref d'une
tribune pour le tiers-monde que le
néolibéralisme triomphant et prédateur a
laminé laissant un appendice appelé la
FAO pour gérer les famines de ce
tiers-monde. Nous pouvons sans erreur
parier sur le fait que les décisions
prises par les grands de ce monde,
encore que la présence de pays comme
l'Arabie Saoudite voire ne s'explique
pas si ce n'est par son tiroir-caisse
qui lui permet de jouer au pompier pour
renflouer le FMI ou la BM, comme ne
s'explique pas aussi l'absence de
l'Iran, la nation musulmane la plus
développée technologiquement
Pour rappel, les 15 et 16 février 2013,
s'est tenu un G20 financé à Moscou.
Trois thèmes importants ont notamment
été abordés. Face à la menace d'une
guerre des monnaies, les pays sont
convenus de ne pas «procéder à des
dévaluations compétitives» et de
«progresser plus rapidement vers des
systèmes de taux de change davantage
déterminés par les marchés»51. Une lutte
accrue contre l'évasion fiscale. Les
pays se sont aperçus que les grandes
firmes multinationales pratiquaient
l'optimisation fiscale à grande échelle
ce qui pesait sur les ressources des
États. Ils ont demandé à l'Ocde de leur
présenter un plan d'action complet pour
la réunion de juillet prochain. Sur le
plan des finances publiques, deux lignes
s'opposent: ceux qui veulent consolider
rapidement les finances publiques
(Allemagne et BCE) et ceux qui sont plus
accommodants sur ce point. (1)
Les «
oubliés » de toujours
Naturellement, les oubliés donnent de la
voix contre le G20 quand leur
manifestation n'est pas réprimée pour ne
faire entendre qu'une voix. Ainsi, une
alternative appelée forum de Dakar, de
février 2011, a eu lieu et le procès des
puissants a été fait: «Lors de ce forum
social mondial a été adopté l'appel de
Dakar à la mobilisation face aux G8 et
G20». Il affirme: «Le G20 est constitué
de 20 pays parmi les plus riches au
mépris de tous les autres. Il s'est
autoproclamé garant de la stabilité
économique et financière mondiale au
lendemain de la tempête financière de
2008, mais n'a en rien protégé les
peuples de cette grande crise. Au
contraire, il a maintenu la dictature de
la finance qui déploie son emprise sur
tous les aspects de notre existence:
logement, travail, éducation,
agriculture, climat, retraites,
connaissance, biodiversité, etc. Par son
action, il renforce les acteurs et les
mécanismes à l'origine de ces crises,
tout en faisant payer la note aux
citoyens.» (2)
Que reste -t-il de cette utopie
généreuse? Plus rien, les pays porteurs
de cette vision généreuse sont rentrés
dans le rang. On se souvient du grand
écart de Lulla partagé entre le club du
réel (le G20) et le club de l'imaginaire
(Forum de Porto Allegre).
On se prend à rêver sur le combat
titanesque du G20 contre la finance
folle, celle générée par l'économie
casino où il n'y a pas création de
richesse mais spéculation. Il est
curieux de remarquer que cela fait
pratiquement cinq ans que les grands de
ce monde veulent s'attaquer fermement en
allant à reculons contre les paradis
fiscaux.
Pourtant, il y eut des présidents qui
ont combattu cette finance. Le cas le
plus cité est celui de Franklin Delano
Roosevelt. Edwy Plenel nous en parle:
«S'en prenant aux «vieux ennemis de la
paix», dont au premier chef, «le
monopole industriel et financier, la
spéculation, la banque véreuse», le
leader démocrate poursuivait ainsi: «Ils
avaient commencé à considérer le
gouvernement des Etats-Unis comme un
simple appendice de leurs affaires
privées. Nous savons maintenant qu'il
est tout aussi dangereux d'être gouverné
par l'argent organisé que par le crime
organisé.» (3) (p.92)
Le droit
d'être bien informé
Les damnés de la terre ne sont donc pas
informés de ce qui se décide à leur
propos en termes de partage du monde. Si
à l'échelle planétaire, il y a une vaste
conspiration du silence pour que les
faibles en sachent le moins possible,
qu'en est-il à l'intérieur des Etats et
quel est le sort d'un citoyen qui ne
perçoit l'information que distillée
avec, au passage, Dame Anastasie
synonyme de la censure qui agite ses
grands ciseaux dans le sens voulu par
les tenants du pouvoir?
Le droit de savoir! N'est-il pas une
réalité dans ce pays où le citoyen sait
tout? Avec «Le droit de savoir» Edwy
Plenel, pour utiliser une formule
devenue à la mode, désenfume le sujet.
«La démocratie lit-on dans l'ouvrage d'Edwy
Plenel, ne se réduit pas à la
légitimation par les urnes des
gouvernants. Sacralisant l'idée d'un
face-à-face entre le peuple et ses
dirigeants, cette vision témoigne de la
prégnance du bonapartisme plébiscitaire
dans la culture politique française et,
par conséquent, de l'insigne faiblesse
de son exigence démocratique.
Dévalorisant les corps intermédiaires,
la société civile, les forces du droit
et les tribunes de presse, elle réduit
la démocratie au fait majoritaire. Or,
si la majorité s'est imposée comme règle
de désignation des gouvernants, elle ne
saurait aucunement suffire pour
justifier leurs actions une fois qu'ils
ont été élus. Tout au contraire, ainsi
que le résume Pierre Rosanvallon, «un
pouvoir ne peut être considéré comme
pleinement démocratique que s'il est
soumis à des épreuves de contrôle et de
validation à la fois concurrentes et
complémentaires de l'expression
électorale.» (4)
Défendre sans concession la liberté de
la presse, ce n'est donc pas
s'arc-bouter sur un principe abstrait
mais illustrer une conception concrète
de la vie démocratique, une exigence
pratique de la vie en démocratie. À
cette aune, que nos responsables
politiques d'aujourd'hui semblent tièdes
et frileux comparés à certains de leurs
prédécesseurs! Prenez par exemple Pierre
Mendès France (1907-1982), ce radical
qui, de nos jours, passerait sans doute
pour un indigné: «La République doit se
construire sans cesse car nous la
concevons éternellement révolutionnaire
à rencontre de l'inégalité, de
l'oppression, de la misère, de la
routine, des préjugés, éternellement
inachevée tant qu'il reste des progrès à
accomplir.» (3)
Prenant comme exemple Mendès-France Edwy
Plenel ajoute: «À cet engagement de
1954, durant son mandat rapidement
écourté de chef du gouvernement, fait
écho, vingt ans après, cette définition
en 1976 de la démocratie par l'homme
qui, à gauche, incarnera le refus du
présidentialisme: «La démocratie,
écrivait Mendès-France dans La vérité
guidait leurs pas, c'est beaucoup plus
que la pratique des élections et le
gouvernement de la majorité: c'est un
type de moeurs, de vertu, de scrupule,
de sens civique, de respect de
l'adversaire; c'est un code moral.»
(3)(pages 48/49)
Allant plus loin nous dit Edwy Plenel,
le président du Conseil français Mendès
- France s'alarmait alors en son temps,
de l'émergence progressive de cette
«tyrannie douce» tôt entrevue par Alexis
de Tocqueville dans de la «Démocratie en
Amérique» (1835): un despotisme inédit,
dégradant les hommes sans les
«tourmenter», où les citoyens sortent un
moment de la dépendance pour indiquer
leur maître et y rentrent.» (3)(page 50)
Ce qui
«manque» dans l'ouvrage d'Edwy Plenel
On peut reprocher à Edwy Plenel- encore
une fois, son ouvrage est un vrai
plaidoyer pour la liberté d'expression
et pour le devoir d'informer de la
presse- de n'avoir pas mis suffisamment
l'accent sur justement, la saturation de
l'information par les médias du fait des
technologies de l'information (TIC).
L'auditeur et le téléspectateur, en un
mot, le citoyen Lambda n'a pas les clés
de compréhension qui lui permettraient
de décoder la vraie information de la
propagande notamment, mise en avant par
des médias aux ordres qui nous saturent
d'informations tendancieuses. Le citoyen
du «monde» est démuni vis-à-vis de ce
matraquage planétaire et il lui est
difficile de juger objectivement dans
cette masse d'informations présentées
ludiquement, le vrai du faux, le bon
grain de l'ivraie.
Il est vrai que la nature humaine étant
ce qu'elle est, le journaliste informe à
travers sa perception du monde formaté
par sa formation, sa naissance, son
vécu, ses convictions et ce que lui
disent de dire les «commanditaires»
responsables de ces médias aux ordres.
Hanna Arendt, citée par Edwy Plenel,
distingue deux types de vérités
produites par le cerveau humain : « Les
vérités de raison et les vérités de
faits » . Les premières tiennent du faux
ami tant elles peuvent être aussi bien
déraisonnables que pertinentes.. Elle
nous met en garde contre cette tentation
d’imposer notre point de vue qui peuvent
amener à ..la Guerre de tous contre tous
au nom des certitudes de chacun : «La
liberté d'opinion, écrit-elle est une
farce si l'information sur les faits
n'est pas garantie et si ce ne sont pas
les faits eux-mêmes qui font l'objet du
débat (...) les vérités de fait sont les
vérités politiquement les plus
importantes.» (3)(p.112)
On ne peut pas dans ce cadre, invoquer
l'affaire syrienne du gaz sarin. En
dehors de toutes confirmations des
faits, on décide d'aller porter le
malheur, en étant sélectif dans le
traitement de l'information; n'est-ce
pas en effet, Carla del Ponte - mandatée
par l'ONU - qui avait déclaré en mars
dernier que les rebelles étaient
responsables de l'attaque au gaz sarin?
Naturellement, la voix de Carla del
Ponte fut étouffée car elle ne cadrait
pas avec la doctrine de l'Empire et de
ses vassaux..
Mieux encore une religieuse qui vit à
Damas depuis vint ans et qui n’a cessé
de « crier » la « vraie vérité » fait
part dans une interview de ses doutes
concernant l’attaque au gaz sarin du 21
aout. Ecoutons la : « ( …) Cela fait
plus d’une semaine, et plus précisément
depuis le 22 Août, que j’examine ces
éléments nourrissant l’attaque
médiatique dirigée contre le peuple
syrien. Ce que je peux vous assurer, et
que je me prépare à consigner dans un
rapport, est qu’ils ont été «
délibérément préfabriqués ». »(5)
« La première preuve en est que Reuters
a commencé à diffuser plus d’une dizaine
de documents à partir de 6h05 en disant
que l’attaque chimique s’était produite
entre 3h et 5h du matin. Dans ces
conditions, comment est-il possible
qu’en l’espace de 3h au maximum on ait
pu aller chercher, chez eux, plus de 200
enfants et 300 jeunes adultes, avant de
les transporter, de les rassembler, de
les aligner comme nous les avons vus, ou
encore de prendre le temps de les
secourir et de nous le montrer ? Comment
se fait-il que nous ayons assisté à
toute cette séquence et que les médias
ne soient arrivés qu’ensuite ? Comment
expliquer que 90% des enfants étaient si
jeunes ? Où étaient leurs pères ? Où
étaient leurs mères ? Comment a-t-on
procédé à une telle sélection pour nous
présenter ces horribles images ?
J’assume la responsabilité de ce que
j’affirme : ces documents ont été
préfabriqués ! »(5)
Et en Algérie, ce
pays de cocagne ou le bon grain de la
bonne information co-exite avec l’ivraie
de la propagande
La liberté d'écrire est en théorie
garantie, il y aurait plus de 50
quotidiens qui ont des impacts divers.
L'Algérien est saturé. Si on lui ajoute
les médias du pouvoir, notamment la
télévision, il a en face de lui beaucoup
d'information mais que vaut-elle? Par la
force des choses, les médias officiels
de par leur indigence provoquent des
réactions de rejet à telle enseigne que
même des actions objectivement positives
du pouvoir sont considérées comme
suspectes, notamment par d'autres
journaux dits libres mais qui ne sont
pas plus libres que les autres. Leur
seul degré de liberté, voire leur cap,
est souvent de présenter l'action
gouvernementale sous un jour couleur de
soufre.
Mieux encore, l'ouverture des médias
lourds, notamment les nouvelles TV
offshore distillent elles aussi une
propagande aussi dangereuse, sinon pire
que celle du pouvoir, puisqu'elle
prétend non seulement détenir la vérité
contre tous, mais a la prétention de
dicter la façon de penser au citoyen
contrevenant ainsi fondamentalement à la
liberté du citoyen d'être libre de ses
opinions, de ses choix de ses
espérances...
D'autre part et pour rester dans le
registre de la corruption et de
l'opacité, la particularité de l'Algérie
de 2013 c'est l'existence de fortunes
mystérieuses avec des personnages qui
ont jailli du néant et qui,
contrairement aux riches classiques qui
font dans la discrétion, la
particularité des nouveaux riches en
Algérie, il y aurait 4000 millionnaires,
est qu'ils font dans l'ostentation, sûrs
de leur impunité, ils défient un Etat
souvent absent avec des fonctionnaires
besogneux résignés et qui disent qu'ils
ne peuvent rien contre les intouchables.
En d'autres cieux, ils sont dénoncés. A
titre d'exemple, C'est le cas de la loi
sur la liberté de l'information votée en
2005 en Grande-Bretagne. Elle a permis
de mettre à la gabegie des députés qui
se servaient illégalement dans les fonds
publics. Pour l'histoire, Edwy Plenel
nous apprend que la première loi sur la
liberté de la presse est suédoise et
date de 1766. Le principal inspirateur
de cette loi Anders Nordencantz écrit:
«La meilleure forme de gouvernement,
c'est celle qui comporte le moins de
secrets derrière lesquels la
malveillance et la méchanceté des hommes
peuvent se cacher. Dans les régimes
despotiques, tout est secret. Le
fonctionnaire est responsable uniquement
devant le despote. Cela n'est pas le cas
dans les gouvernements libres.»
(3)(p;77)
Qu'en est-il de l'information du
citoyen? On dit qu'une presse digne de
ce nom est le quatrième pouvoir.
Pouvons-nous dire que nous avons des
journalistes d'investigation qui
travaillent librement? Peut-être,
combien sont ils? Assurément, très peu.
Il faut bien en convenir, la presse
n'est pas libre. Elle n'a souvent pas
les moyens de son indépendance. Ce qui
l'amène à s'autocensurer.
Dans ces conditions, les informations
qu'elle donne s'apparentent à des lieux
communs reprenant souvent des dépêches
étrangères comme dans le feuilleton
Sonatrach. Pourtant, il faut aussi avoir
le courage de dire qu'elle est traversée
par des courants, et le moins qu'on
puisse dire ils ne font pas dans
l'objectivité. Nous l'avons vu avec
l'appréciation de l'année de tous les
dangers - attaque du pays à
Tiguentourine, et maladie du président
-qu'a eu à assumer le Premier ministre
Sellal. Une brève lecture nous a
confortés dans le fait que l'objectivité
est encore un Graal pour la presse.
On ne peut pas réduire le travail d'une
année avec ses hauts et ses bas, ses
ratés, ses réussites à une formule
lapidaire lue sur Facebook. Il vient que
tout est lié à la liberté de
l'information qui est un bien de chacun,
pour peu que l'on connaisse les limites
et qu'on se sente concerné au-delà du
tout, par le vivre-ensemble. Ce qui doit
nous inciter à critiquer sans concession
mais d'une façon constructive, apaisée,
notamment s'agissant de dossier de fond
à titre d'exemple, tel que l'Ecole qui
doit être l'objet de toutes les
sollicitudes quelles que soient les
chapelles. Nous avons à apprendre et
l'ouvrage d'Edwy Plenel devrait être lu
et relu pour en tirer la substantifique
moelle...
1. G 20: Encyclopédie Wikipédia
2.
http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.peuples-solidaires.org/appel-de-dakar-a-la-mobilisation-face-aux-g8-et-g20-en-france-en-2011/&title=%5B4%5D
3. Edwy Plenel: Le droit de savoir:
Edition Don Quichotte, Le Seuil Avril
2013
4
http://www.restezassis.net/restez-assis/2013/04/faut-il-lire-edwy-plenel-le-droit-de-savoir-.html
5. Mère Agnes Maryam
http://www.mondialisation.ca/syrie-sans-couverture-internationale-les-terroristes-nauraient-jamais-ose-franchir-les-lignes-rouges/5348824
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
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