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L'EXPRESSIONDZ.COM
Mythe du mur de Berlin et vrai mur de la
Honte en Palestine
Pr Chems Eddine Chitour
Photo CPI
Lundi 9 novembre 2009
«Tout ce que les communistes vous ont dit du communisme était
faux, mais tout ce qu’ils vous ont dit du capitalisme était
vrai.»
Proverbe russe «Ich bin in Berliner», «Je
suis un Berlinois» s’exclamait J.F.Kennedy venu soutenir les
Berlinois au plus fort du blocus: résonne encore dans nos
oreilles de naïfs bercés par la doxa occidentale au point que
l’on croyait tout ce qu’on nous disait -le «on»
symbolisant les médias occidentaux. Nous avons comme pour le
cinéma hollywoodien vibré et communié avec ceux que l’on nous
présentait comme faible avec naturellement le «Zorro»
redresseur de torts qui fait qu’on applaudissait à la fin des
films. Je veux dans cette contribution «déconstruire» le
mythe du mur de Berlin et parler d’un vrai mur, celui de la
honte, celui de la force injuste contre le peuple opprimé de
Palestine.
Pourquoi le mur a
été construit?
William Blum nous explique pourquoi le mur a été construit:
(...) Pour commencer, rappelons qu’avant que le mur soit
construit, des milliers d’Allemands de l’Est faisaient
quotidiennement la navette entre Berlin Est et Berlin Ouest pour
leur travail, c.-à-d. rentraient chez eux tous les soirs. Ils
n’étaient donc aucunement retenus à l’Est contre leur volonté.
Le mur a été construit principalement pour deux raisons:
1. L’Ouest était en train de harceler l’Est par une forte
campagne de recrutement de professionnels et d’ouvriers
hautement qualifiés, qui avaient été éduqués aux frais du
gouvernement communiste. Cela finit par provoquer à l’Est une
sérieuse crise de la production et de la main-d’oeuvre. À titre
indicatif, le New York Times notait, en 1963: «L’érection du
mur a fait perdre à Berlin Ouest à peu près 60.000 ouvriers très
qualifiés, qui se rendaient chaque jour de leurs domiciles de
Berlin Est à leur lieu de travail de Berlin Ouest». New York
Times, 27 juin 1963, p.12
2. Pendant les années 50, les «guerriers froids»
américains de Berlin Ouest ont déclenché une brutale campagne de
sabotages et de subversion contre l’Allemagne de l’Est, dont le
but était de détraquer sa machine économique et administrative.
La CIA et d’autres services militaires d’espionnage US ont
recruté, équipé, entraîné et financé des activistes,
individuellement ou par groupes, tant à l’Est qu’à l’Ouest, pour
exécuter des actions qui, couvrant tout le spectre des
possibilités, allèrent du terrorisme à la délinquance juvénile:
n’importe quoi qui pût rendre la vie difficile aux citoyens
d’Allemagne de l’Est, et affaiblir le soutien qu’ils apportaient
à leur gouvernement, n’importe quoi qui pût donner des cocos une
mauvaise image. (...)(1)
Petit retour en arrière: Egon Krenz dernier président du Conseil
d’État de la République démocratique allemande (RDA) évoque la
chute du mur, le rôle de Gorbatchev, ses relations avec Kohl,
ses propres erreurs, le socialisme.: L’histoire me
libérera.(...) Mon sort personnel importe peu. En revanche, le
calvaire vécu par de nombreux citoyens de la RDA relève de
l’inadmissible. Je pense à tous ceux qui ont perdu leur travail
alors qu’ il n’y avait pas de chômage en RDA. Je pense à tous
ceux qui ont été marginalisés. Mais avez-vous remarqué que les
dirigeants de la RFA ont tout mis en oeuvre pour éviter la
prison aux nazis? (..) Au bureau politique du SED, j’étais le
plus jeune. Avec la disparition de la RDA, c’est une bonne
partie de ma vie que j’ai enterrée.
Avec le chancelier Kohl, nous avions décidé d’ouvrir plusieurs
points de passage. La date avait été fixée par mon gouvernement
au 10 novembre 1989. Or, la veille, un membre du bureau
politique, Schabowski, a annoncé publiquement, non pas
l’ouverture de passages, mais la «destruction du mur».
J’avais une grande confiance en Gorbatchev, une grande confiance
dans la perestroïka comme tentative de renouvellement du
socialisme. J’ai rencontré Gorbatchev, le 1er novembre 1989, à
Moscou. Quatre heures d’entretien. Je lui ai dit: «Que
comptez-vous faire de votre enfant?» II me regarde étonné et
me répond: «Votre enfant? Qu ’entendez-vous par là?» J’ai
poursuivi: «Que comptez-vous faire de la RDA?» II m’a
dit: «Egon, l’unification n’est pas à l’ordre du jour.»
Et il a ajouté: «Tu dois te méfier de Kohl.» Au même
moment, Gorbatchev envoyait plusieurs émissaires à Bonn.
Gorbatchev a joué un double jeu. Il nous a poignardés dans le
dos. Egon Krenz, le «Gorbatchev allemand», disait-on à
l’époque. En 1989, je l’aurais accepté comme un compliment car
l’interprétant comme reconnaissant mon action visant à
améliorer, à moderniser, à démocratiser le socialisme. Pas à
l’abattre. Aujourd’hui, si certains me collaient cette
étiquette, j’aurais honte. (...) L’idée socialiste, les valeurs
socialistes vivent et vivront. Je reste persuadé que l’avenir
sera le socialisme ou la barbarie. Le système ancien est
définitivement mort. Je considère que j’ai failli. À d’autres de
construire le socialisme moderne et démocratique. Un nouveau
socialisme.(2)
Une autre version moins édulcorée lui attribue un rôle trouble.
C’est Egon Krenz avec trois autres membres qui poussa Erich
Honecker vers la sortie avec la bénédiction de Gorbatchev. Nous
lisons: (...) Quant à la direction soviétique livrée au courant
liquidateur de Gorbatchev et des traîtres qui l’entourent, elle
encourage et favorise le mouvement. Le chef de l’Etat et du
Parti communiste soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, engagé lui-même
dans le même processus liquidateur, leur a déjà souhaité «bonne
chance», rapporte Harry Tisch, un des comploteurs, alors
chef de la «Fédération libre des syndicats de RDA», parti
à Moscou chercher du soutien. Le 17 octobre, la succession de
Honecker est mise à l’ordre du jour de la réunion du bureau
politique. Lors du tour de table, Honecker ne trouve pas de
soutien, même chez ceux en qui il avait confiance. La trahison
est complète et définitive. Egon Krenz est élu à la succession
de Honecker le 18 octobre. Il ne parviendra pas à rester au
pouvoir. Comme leur modèle Gorbatchev, les opportunistes ont
ouvert la voie du malheur pour leur peuple. Quelques semaines
après les premiers «McDo» ouvrent à Moscou. Quant à Erich
Honecker, il est mort en mai 1994 il avait été emprisonné par le
régime libéral de RFA. Réfugié à Moscou, il avait été livré par
Eltsine.
La France a essayé d’empêcher la réunification. François
Mitterrand a-t-il raté la réunification allemande? s’interroge
PierreHaski. La polémique, d’abord historique mais pas
seulement, a repris depuis la publication, à Londres, de
documents déclassifiés par le Foreign Office, et en particulier
des notes d’entretiens entre le président français et Margaret
Thatcher, alors Premier ministre. Ce soupçon de loupé
diplomatique majeur pèse sur François Mitterrand depuis des
années. Pourtant, pour avoir suivi comme correspondant
diplomatique de Libération à l’époque, toutes les étapes de
cette page d’histoire, j’ai ressenti comme beaucoup d’autres
l’immense flottement, le sentiment d’un homme qui était à
contre-courant de l’histoire sans pour autant commettre de faute
irréparable. On n’est pourtant pas passé loin si l’on en croit
les documents britanniques, et en particulier cette
conversation, début décembre, entre Mitterrand et Thatcher, dans
laquelle ils font surenchère de références à la Seconde Guerre
mondiale, et se renforcent mutuellement dans leur soupçon
vis-à-vis du géant allemand qui renaît. Mitterrand redoute de
voir Français et Britanniques se retrouver «dans la situation
de leurs prédécesseurs dans les années 30, qui n’avaient pas su
réagir» au désir d’hégémonie allemande. Et Maggie Thatcher
sort de son célèbre sac à main une carte d’Europe découpée dans
un journal d’avant-guerre...(3)
Dans ses mémoires récentes, Kohl a écrit avoir été très déçu par
Mitterrand, qui en aparté se serait révélé très hostile à la
réunification. Ce qui a le plus agacé Kohl, c’est que Mitterrand
lui parle avec insistance de la ligne Oder Neisse, comme si on
était avant guerre. Il en a été vexé dit-il, et n’a pas
pardonné. La réunification a été le grand moment du chancelier
Kohl, son heure de gloire et son titre incontestable pour la
postérité. On est donc loin du main dans la main de la fameuse
photo que, visiblement, Kohl a voulu gommer dans ses mémoires.
La chute du mur:
pour le meilleur comme pour le pire
La suite est tristement connue. Ce sera la «réunification
officielle», en fait une opération de colonisation de l’Est
par l’Ouest, où l’ex-RDA sera livrée au capitalisme sauvage et
au chômage. L’exemple de Leipzig, capitale industrielle de la
RDA, qui rivalisait techniquement avec l’Occident dans les
années 60-80, est significatif. «Leipzig ville fantôme»
le Courrier International (Paris) «La municipalité incite les
propriétaires à faire démolir leurs immeubles, car ils ne les
loueront plus jamais», résume Der Spiegel. «Ensuite, ils
sont invités à faire don des terrains à la ville.
Quant à ceux qui refusent, ils finiront par vendre leur bien,
devenu inexploitable, à très bas prix, estiment les urbanistes».
http://www.pcn-ncp.com/dossier/ddr/ddr2.htm
On aurait pensé alors, propagande aidant, que la libération
était synonyme de bonheur. Il n’en fut rien. En 1999, USA Today
écrivait «Quand le Mur de Berlin est tombé, les Allemands de
l’Est se sont imaginé une vie de liberté et d’abondance, où les
difficultés auraient disparu. Dix ans plus tard, un remarquable
51% aux élections a fait savoir qu’ils étaient plus heureux sous
le communisme». USA Today, 11 octobre 1999, p.1. Vingt ans
plus tard, le capitalisme a pu envahir le monde, se propager à
toute allure, matérialisé par des McDo, des parcs d’attractions,
des jeans et des chewing-gums. Mais qu’ont-ils véritablement
gagné? Pourquoi ne pas aussi parler d’une absence de chômage,
d’une société sans SDF où chacun pouvait trouver sa place, ce
que regrettent grandement aujourd’hui les populations d’Europe
de l’Est. Sans compter que la pauvreté de la RDA s’explique par
le fait qu’elle a dù supporter seule les dommages de guerre dues
par l’Allemagne à l’URSS, la RFA étant exonérée et bénéficiant
au contraire d’un généreux plan Marshall...Les Allemands de
l’Est en sont à redécouvrir l’Ost-algie d’avant...
Pourquoi ne pas parler du vrai mur de la honte de plusieurs
kilomètres qui défigure la Jordanie, obligeant chaque matin des
milliers de Palestiniens à faire d’énormes détours pour aller
travailler chez les colons israéliens, ou pour rentrer le soir
ne sachant pas s’ils peuvent ou non passer selon le bon vouloir
et les humiliations au quotidien de la part des soldats. Il est
vrai que la Cour Internationale de Justice a déclaré illégal ce
mur et a demandé son démantèlement. Peine perdue. Le mur
continue d’être peaufiné: les Palestiniens seront «comme des
cafards dans un bocal» pour reprendre l’expression
appropriée d’un général israélien...
Le vrai mur de la
honte
Marquant le 20e anniversaire depuis la chute du mur de Berlin,
les Palestiniens ont démoli ce vendredi dans le village
cisjordanien de Ni’lin, un pan de mur [d’Apartheid] construit
par Israël.Lors de la manifestation hebdomadaire contre le mur,
qui traverse le centre du village situé dans la région de
Ramallah et isole les habitants de 60% de leurs terres
agricoles, quelque 300 manifestants ont méthodiquement démantelé
une section en béton avant que les forces israéliennes n’ouvrent
le feu. Ils ont brûlé des pneus et abattu une dalle de béton de
huit mètres de haut en s’aidant d’un vérin mécanique pour
voiture. «Il y a vingt ans, personne n’imaginait que la
monstruosité d’un Berlin divisé en deux pourrait jamais être
abattue, mais il n’a fallu que deux jours pour le faire», a
déclaré Muhib Hawaja, un des manifestants, au journal israélien
Yedioth Aharonot. «Aujourd’hui, nous avons prouvé que nous
aussi pouvions l’imposer, ici et maintenant. Ce sont nos terres
au-delà de ce mur, et nous n’avons pas l’intention d’accepter
son existence. Nous triompherons car la justice est de notre
côté.»(4)
Pour rappel. Commencé en juin 2002, le Mur de séparation devrait
faire plus de 703 kilomètres de long, soit deux fois la longueur
des frontières de 1967 avec la Cisjordanie et quatre fois plus
long que le Mur de Berlin. Le Mur atteint à certains endroits 8
mètres de hauteur, plus de deux fois celle du Mur de Berlin. A
d’autres endroits, le Mur est constitué d’une barrière
métallique électrifiée entourée de tranchées de patrouilles, des
fils barbelés et des détecteurs de mouvements. (Comme la ligne
Morice en Algérie Ndlr). Le Mur s’enfonce profondément en
Cisjordanie, divisant des villes, des villages et leurs
périphéries, séparant les familles. Le Mur empêche les paysans
palestiniens d’accéder à leurs terres; les étudiants de se
rendre à leurs écoles; les malades, les personnes âgées et les
femmes enceintes d’accéder aux soins de santé de base.
Pourtant, l’Avis consultatif de la CIJ édicté le 9 juillet 2004,
est on ne peut plus clair: «L’édification du Mur qu’Israël,
puissance occupante, est en train de construire en territoire
palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de
Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires
au Droit International» (paragraphe 163),; «Israël est
dans l’obligation de mettre un terme aux violations du Droit
International dont il est l’auteur; il est tenu de cesser
immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en
train de construire dans le Territoire Palestinien Occupé, y
compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, de démanteler
immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire; Israël est
dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la
construction du Mur dans le Territoire Palestinien Occupé, y
compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est.» «Cette
construction, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement,
dresse ainsi un obstacle grave à l’exercice par le peuple
palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce
fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit.»
(paragraphe 121) (5). Tout est dit: nous attendons la justice
des hommes.
1.William Blum: Le Mur de Berlin, un mythe
de la guerre http://www.legrandsoir.info/Gueriss...
2.Egon Krenz: «L’avenir sera le socialisme ou la barbarie» José
Fort L’Humanité 6 11 2009
3.Pierre Haski Quand Mitterrand tentait de ralentir la
réunification allemande. Rue89 15/09/2009
4. 20 ans après la chute du mur de Berlin, les Palestiniens
abattent un pan du Mur d’Apartheid. 7 novembre 2009 sur le site
info-palestine.net Ma’an News Agency
5.http://www.oxfamsol.be/fr/Mur-de-separation-en-Palestine-l.html
10.11.2006
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, Ecole d´ingénieurs Toulouse
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réservés © L'Expression
Publié le 9 novembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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