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L'EXPRESSIONDZ.COM
UN SIÈCLE APRÈS LA DÉCLARATION DE BALFOUR
Un État palestinien pour 2017 ?
Chems Eddine Chitour
Photo: P.A.S.
Jeudi 9 septembre 2010
«Ce qui est à moi est à moi. Ce qui est à toi
est négociable». Devise attribuée par l’Occident à l’Empire
soviétique.
En l’occurrence, il ne restera aux
Palestiniens plus rien à négocier si ce n’est leur propre
personne. Depuis le temps, les Palestiniens après la Nekba de
1948 tentent de récupérer leurs territoires perdus, notamment à
partir de 1967. Ils croient naïvement à la légalité
internationale. Les résolutions de l’ONU, notamment celles du 22
novembre 1967 stipulent sans ambigüité aucune la restitution de
tous les territoires acquis par la force après 1967 ainsi que la
ville d’El Qods et le droit de retour pour les réfugiés chassés
depuis 1948. «Les frontières d’Israël sont celles d’Auschwitz»,
disait Aba Eban. Elles ne sont donc pas figées et en expansion
continuelle comme l’Univers après le «big bang»
Petit retour pour comprendre les fondements du calvaire
palestinien; Thami Bouhmouch explique: «Le drame palestinien a
débuté en 1917, lors de la fondation du «foyer national juif.
(...) La déclaration Balfour visait probablement en sous-main à
éloigner les juifs d’Europe. Toujours est-il que depuis cette
date, l’entité sioniste a occasionné les destructions et
souffrances les plus alarmantes. Des individus fanatisés venus
de Pologne, de Kiev, de Biélorussie, de Grande-Bretagne, etc. se
déclarent maîtres des lieux, font main basse sur les terres,
planifient les expulsions, la mort et la dévastation. Le peuple
palestinien a affaire à un adversaire «sûr de lui et dominateur»
(C. De Gaulle, 1967), un adversaire fourbe et d’une cruauté
inégalée. (...) On annonce que les pourparlers avec les
Palestiniens doivent s’engager sans condition préalable; deux
jours après, on crée la surprise en posant une condition sine
qua non: reconnaître «Israël en tant qu’Etat juif». On promet à
chaque fois de stopper la colonisation, cependant que les
constructions se poursuivent furtivement (plus de 100 colonies
ont été créées depuis les accords d’Oslo).» (1)
«Si j’étais arabe...»
«Les «accords» signés sont systématiquement foulés aux pieds. Le
phénomène a pris une ampleur invraisemblable. La boutade de Ben
Gourion, à cet égard, est très éloquente: «Si j’étais un leader
arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est
normal, nous avons pris leur pays.» (cité par Nahum Goldmann
dans Le paradoxe juif, 1976). La bravade est prononcée haut et
fort, sur un ton plein de morgue et de dérision.(...) L’ordre
d’expulsion relève d’un programme mûrement réfléchi: déposséder
et chasser le plus grand nombre possible de Palestiniens. «Nous
devons tout faire, disait Ben Gourion (1948), pour nous assurer
qu’ils ne reviennent pas...Les vieux mourront et les jeunes
oublieront»... (18/07/48, voir www.france-palestine.org) Qu’en
on juge par les déclarations de ces leaders sionistes: «Nous
devons utiliser la terreur, les assassinats, l’intimidation, la
confiscation des terres et l’arrêt de tous les programmes
sociaux afin de débarrasser la Galilée de sa population arabe»
(Israël Koenig, in The Koenig mémorandum, 1976 -
www.historyofisrael.info); «Les Palestiniens seront écrasés
comme des sauterelles et leurs têtes éclatées contre les rochers
et les murs» (Yitzhak Shamir, 19/06/88 -
www.anti-imperialisme.com) (1)
A grands renforts de publicité, Obama ouvre comme les précédents
présidents un nouveau round de négociations à Washington le 2
septembre. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, et
le président palestinien, Mahmoud Abbas, sont convenus de se
retrouver les 14 et 15 septembre «dans la région», puis toutes
les deux semaines. Lors d’une intervention devant la presse en
présence de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton avant le début
des discussions, Benyamin Netanyahu s’était adressé à Mahmoud
Abbas en soulignant qu’il y aurait «des concessions douloureuses
des deux côtés». «Reconnaissez Israël comme l’Etat-nation du
peuple juif», a demandé le dirigeant israélien. «Cessez
complètement la colonisation et l’embargo à Ghaza», lui a
répondu le président de l’Autorité palestinienne. Le premier
ministre israélien, Benyamin Netanyahu, «n’exclut pas de
procéder à un référendum» en Israël s’il parvient à conclure un
accord de paix avec les Palestiniens,
Cinq dossiers, explique Helène Bekmezian, sont sur la table. La
question des colonies: ce sujet est le plus délicat. Mercredi, à
quelques heures des négociations, le Premier ministre israélien,
Benyamin Netanyahu, a redit qu’il n’envisageait pas de
reconduire le moratoire de dix mois sur la construction de
colonies de Cisjordanie, qui arrive à expiration le 26
septembre. Lundi, la radio militaire israélienne a par ailleurs
indiqué que «plusieurs milliers» de logements pourraient
commencer à être construits dès le 27 septembre dans 57
colonies. Or, dès dimanche, le président palestinien, Mahmoud
Abbas, avait prévenu qu’il ne négocierait plus si les
constructions reprenaient et, mercredi, dans une tribune au New
York Times. Mais l’Etat hébreu resterait inflexible sur la
reprise des chantiers dans les grands blocs d’implantations où
vivent la majorité des 300.000 colons juifs, hors
Jérusalem-Est».(2)
«La création d’un Etat palestinien: les Palestiniens veulent
proclamer un Etat souverain sur l’ensemble des territoires
palestiniens occupés par Israël en juin 1967: Jérusalem-Est,
toute la Cisjordanie et la bande de Ghaza. Israël réclame la
démilitarisation, le contrôle de l’espace aérien et des
frontières extérieures d’un tel Etat. Israël considère Jérusalem
comme sa capitale «indivisible et éternelle» et veut garder le
contrôle du «bassin sacré» comprenant la Vieille ville, site de
certains des principaux lieux saints des trois monothéismes.
(...) Ehud Barak a laissé miroiter un espoir de compromis via un
partage de Jérusalem, dans une interview au quotidien Haaretz.
Mais il a rapidement été contredit par un responsable de la
délégation de Netanyahu qui a réaffirmé que «Jérusalem restera
la capitale indivisible d’Israël».»(2)
«Il y a plus de quatre millions de réfugiés palestiniens, en
grande majorité des descendants des 700.000 Palestiniens ayant
fui de gré ou de force à la création de l’Etat d’Israël en 1948.
Les Palestiniens exigent qu’Israël reconnaisse un droit au
retour des réfugiés dans ses frontières, conformément à la
résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU. M.Netanyahu
veut lui, d’abord, que les Palestiniens reconnaissent Israël
«comme l’Etat du peuple juif» afin de garantir que la question
des réfugiés sera résolue dans le cadre du futur Etat
palestinien. Israël se réserve une grande partie des nappes
phréatiques dans le sous-sol de la Cisjordanie. Les
Palestiniens, qui ont l’interdiction de creuser des puits et
sont obligés d’acheter l’eau auprès de Mekorot, la compagnie
d’eau israélienne, réclament un partage équitable. Selon Amnesty
International, la consommation d’eau annuelle des Israéliens est
quatre fois plus importante que celle des Palestiniens(2).
Mohammed Dahlan conseiller à la sécurité de Abbas interviewé par
Georges Malbrunot, prend déjà ses distances: «Les Américains
n’auraient pas dû inviter Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahu.
Cette rencontre n’est qu’une cérémonie de plus pour la galerie.
Soyons réalistes. Netanyahu ne veut pas d’un État palestinien
viable. Il ne cherche qu’à gagner du temps. Il s’est allié avec
les colons au lieu de s’allier avec la communauté
internationale. Obama a cette volonté, exprimée au Caire en
2009. Malheureusement, depuis, son Administration est revenue à
ses vieilles chimères: elle ne pratique que de la gestion de
crise. Elle n’a pas la volonté politique suffisante pour régler
le conflit. J’en appelle aux Européens: qu’ils abandonnent leur
rôle d’observateurs, ils ne sont pas de simples bailleurs de
fonds, ils doivent s’impliquer. S’ils s’unissent, ils peuvent
peser face aux États-Unis et à Israël. La colonisation et les
négociations ne peuvent plus aller de pair. C’est un mensonge de
prétendre le contraire. Le 26 septembre, le Fatah se réunira.
Nous ne soutiendrons pas les discussions en cas de poursuite de
la colonisation. Nous le dirons à Mahmoud Abbas.(3)
Le grand rabbin ultraorthodoxe Ovadia Yossef, chef spirituel du
parti Shas, une des formations de la majorité au pouvoir à
Jérusalem, a salué «l’événement» en appelant Dieu à mettre fin
aux jours de M. Abbas...Le Hamas, la deuxième branche du
mouvement palestinien qui contrôle Ghaza, qualifie la rencontre
de Washington de «grande tromperie». Un récent sondage de
l’Institut palestinien Amrad révèle que 86% des Palestiniens
appuient la résistance armée [Le Hamas], que 91% réclament un
seul État palestinien sur l’ensemble du territoire de la
Palestine historique. Les Occidentaux diabolisent le Hamas
pourtant légalement élu. C’est une erreur.
Pascal Boniface, directeur de l’Institut français des relations
internationales, nous met en garde contre cette ambiance factice
et analyse le déséquilibre des deux négociateurs. Nous
l’écoutons: «Un optimisme convenu est affiché par tous les
protagonistes des négociations directes israélo-palestiniennes
qui viennent de reprendre. (...) Mais les rappels historiques
sont un cimetière des espoirs déçus, très nombreux en ce qui
concerne les espoirs de paix au Proche-Orient. Dans la période
récente rappelons juste que George W.Bush parlait de sa vision
d’un Etat palestinien d’ici un an en 2005. Au-delà de ces
rappels, un certain nombre de considérations vient d’ores et
déjà fournir des éléments d’inquiétude sur la suite des
événements. Il y a tout d’abord la volonté de certains groupes
armés palestiniens de faire dérailler le processus avant même sa
reprise. Les négociations n’étaient pas encore ouvertes qu’une
attaque armée terroriste venait tuer quatre colons israéliens en
Cisjordanie. (...) Il n’est pas certain que le gouvernement
israélien actuel reprenne à son compte la formule d’Itzhak Rabin
qui affirmait vouloir continuer le processus de paix comme s’il
n’y avait pas de terrorisme, et combattre le terrorisme comme
s’il n’y avait pas de processus de paix. (...) Autre obstacle,
la fin du moratoire sur la colonisation décrété par le
gouvernement israélien, qui prend fin le 26 septembre. Benyamin
Netanyahu a indiqué qu’il ne prolongerait pas.(...) Sa coalition
gouvernementale pourrait-elle y survivre? Netanyahu a déclaré
qu’on ne pourrait parvenir à une paix véritable et durable
seulement à condition que des concessions pénibles et mutuelles
des deux côtés soient faites».(4)
«Cela veut donc dire que les Palestiniens doivent également
faire des concessions. Sur quoi? Les futures frontières de
l’État palestinien? Doivent-ils renoncer à voir l’ensemble des
territoires occupés être libérés? (..) La concession que
devraient faire les Palestiniens consisterait-elle à oublier
cette compensation? Après avoir accepté de créer leur Etat sur
seulement 22% de la Palestine mandataire, devront-ils faire de
nouvelles concessions territoriales? Devront-ils accepter une
concession pénible et mutuelle sur Jérusalem? (...) N’est-ce pas
une façon d’annoncer la création d’un État palestinien réduit?
Cela ne cache-t-il pas une volonté de faire jouer le fait
accompli? Aucun Etat, y compris les Etats-Unis, ne reconnaît les
conquêtes militaires de 1967 et encore moins l’annexion de
Jérusalem. Celles-ci sont illégales juridiquement. Mais
lorsqu’on parle d’un règlement du conflit, il n’y a aucune
exigence à l’égard d’Israël pour se conformer au droit
international. On espère un accord entre deux parties comme si
elles étaient sur un pied d’égalité. Or il y a une différence
entre elles. Les Palestiniens ont juridiquement raison mais sont
militairement inférieurs.»(4)
Pascal Boniface a raison de parler de faits accomplis et de la
puissance d’Israël. Cette force prime le droit. Toute la
politique israélienne est une succession de faits accomplis,
chacun effaçant le suivant. On parle de geler les colonies, mais
les 300.000 colons c’est un fait accompli; de plus ils ne sont
pas installés en bordure de l’Etat israélien, mais loin en
profondeur. Tous les points névralgiques en termes religieux et
même économique sont occupés. Au besoin, les Palestiniens y sont
chassés. Israël par l’intermédiaire de ses organisations
sionistes aux Etats-Unis, offre 10.000$ à tout Occidental ou de
l’ancien empire soviétique d’ascendance juive de faire son «Alya»
«sa montée vers Israël» et venir s’installer en Cisjordanie sur
les terres palestiniennes, au besoin on dynamitera les maisons,
on interdira aux Palestiniens de construire ou de réparer leur
maison. Mieux encore, il y a eu une tentative d’expulser les
Palestiniens qui ne sont pas nés en Cisjordanie vers Ghaza, même
s’ils y vivent depuis toujours. Pire, ceux qui y vivaient en
1948, n’ont pas le droit de revenir.
La force et l’impunité
Cela veut dire en définitive, que chaque round de négociations
factice pour les Palestiniens est bénéfique pour Israël car il
consolide une provocation antérieure, crée un précédent et
négocie en fait pour entériner un fait accompli. Pourquoi n’ y a
t-il pas un coup d’arrêt de la communauté internationale?
Essayons en quelques mots de cerner la stratégie israélienne
basée avant tout sur la force et l’impunité. Les pays
occidentaux- du fait de l’expiation toujours recommencée des
massacres des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale par l’un
des leurs - absolvent systématiquement Israël. Ils n’ont pas
seulement donné des armes les plus sophistiquées, mais de plus
ils ont permis aux Israéliens de faire rapidement le saut
qualitatif en recherche scientifique et notamment militaire. Des
décennies de recherche fondamentales ont été offertes sur un
plateau à l’Etat sioniste, sans qu’ils aient déboursé un kopeck.
Je veux parler notamment de la recherche en électronique, en
biologie et en informatique, en haute technologie et là on
s’aperçoit que l’élève dépasse le maitre au point de le
concurrencer dans la vente d’armes. Israël est dans le club
fermé des vendeurs d’armes de dernière génération, il se permet
de vendre des drones aux pays occidentaux. L’impunité est
totale; Israël se veut l’avant-garde de la civilisation en terre
de Barbarie. Israël fait partie de l’Union européenne à 5000 km
sans en avoir les charges et elle est aussi membre de l’Ocde.
Peut-être qu’il serait plus sage de prévoir un Etat palestinien
pour 2017. Un siècle après la Déclaration de Balfour. D’ici là,
de négociation en négociation, de compromission en
compromission, il ne restera rien des quelques lambeaux du
bantoustan en peau de léopard actuel. Les Palestiniens seraient,
alors, bien contents d’être repoussés loin dans le désert du
Néguev. Ghaza n’est pas loin. Le Grand Israël sortirait du mythe
pour s’imposer dans l’histoire. Ainsi ira le Monde.
1.Thami Bouhmouch
http://www.legrandsoir.info/Israel-la-bride-sur-le-cou.html
1.09.2010
2.Hélène Bekmezian: Pourparlers israélo-palestiniens:LeMonde.fr
02.09.10.
3.Georges Malbrunot. Dahlan:«Nétanyahou cherche à gagner du
temps» Figaro 31.08.2010.
4.Pascal Boniface: Sisyphe l’avait facile par rapport aux
Palestiniens Nouvel Obs. 06.09.2010.
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 9 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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