Opinion
Assassinat de
Yasser Arafat : Autopsie d'un complot
Chems
Eddine Chitour
Lundi 9 juillet
2012
«Inscris! Que
je suis Arabe Que tu as raflé les vignes
de mes pères Et la terre que je
cultivais Moi et mes enfants ensemble Tu
nous as tout pris hormis Pour la survie
de mes petits-fils Les rochers que voici.»
Mahmoud Darwich
Un faux scoop, la chaîne Al Jazeera nous
apprend qu'une analyse des effets de
Yasser Arafat qu'il portait avant sa
mort, notamment sa chapka, par des
scientifiques suisses a mis en évidence
des traces de polonium, un métal
hautement radioactif qui aurait pu
causer sa mort. Cette vieille -nouvelle-
information a fait le tour du monde. On
fait le rapprochement immédiatement avec
l'espion ukrainien victime d'un
empoisonnement au polonium il y a
quelques années. La seule vraie
information est que la veuve de Yasser
Arafat a demandé l'autopsie de la
dépouille pour en fait, découvrir ce qui
a été confirmé dès la mort par plusieurs
sources. Il y a sept ans disparaissait
un des hommes qui a marqué la cause des
opprimés. A sa façon, Arafat a incarné
la résistance, la diplomatie, la
tempérance et le refus du fait accompli.
Comme De Gaulle, qui a refusé l'ordre
hitlérien, il a refusé l'ordre
israélien. Pendant plus d'un demi-
siècle, il lutta avec toutes les armes
possibles. Comme Che Guevara, il a pris
les armes. Son keffieh, symbole de
l'identité palestinienne, est passé à la
postérité, le porter est un signe de
reconnaissance de cette cause.
La mort
suspecte de Yasser Arafat
«Yasser Arafat est né le 24 août 1929
dans la ville du Caire et décédé le 11
novembre 2004 à Clamart en France,
dirigeant du Fatah puis de
l'Organisation de libération de la
Palestine. Son combat a commencé
globalement à partir de 1967 suite à la
débâcle des Arabes. Il fut de tous les
combats. À partir de 2001, après le
déclenchement de la Seconde Intifada, il
se retrouve isolé sur la scène
internationale- dominée par la doxa
occidentale- tandis que les Israéliens
élisent Ariel Sharon au poste de Premier
ministre de l'État d'Israël, amenant un
durcissement de la position israélienne
vis-à-vis du dirigeant palestinien
contraint à ne plus quitter Ramallah.»
(1)
En octobre 2004, Arafat se plaint de
douleurs à l'estomac et de vomissements.
Malgré une première intervention
chirurgicale dans son quartier général
de la Mouqata'a à Ramallah, en
Cisjordanie, le 25 octobre, sa santé
continue à se dégrader. Le 29 octobre
2004, gravement malade, Yasser Arafat
quitte Ramallah pour rejoindre la
Jordanie, d'où il se rend en France, à
bord d'un avion médicalisé. Il est
hospitalisé dans l'hôpital d'instruction
des armées Percy à Clamart. Il décède
officiellement à Clamart le 11 novembre
2004, à 3 h 30, heure de Paris. (1)
Amnon Kapeliouk, journaliste israélien
qui connaît Arafat, avait remarqué les
signes du déclin de la santé de Arafat,
il écrit: «... Dans leur article, les
journalistes Amos Harel et Avi
Isacharoff soulignent que, pour de
nombreux médecins, les symptômes
faisaient plutôt penser à un
empoisonnement. (...) Le 18 août 2004,
j'ai personnellement assisté au discours
du président Arafat devant le Conseil
législatif palestinien, réuni à la
Mouqata'a. Debout, la voix forte, il
n'avait pas l'air malade. Le 28
septembre il me salue avec l'accolade
habituelle et prend de mes nouvelles.
Tout va bien, al-hamdou li-llah, mais
vous, Abou Ammar, vous avez perdu
beaucoup de poids en peu de temps. Son
visage est amaigri, et il semble flotter
dans ses vêtements. «Ce n'est rien»,
répond-il. Au mois d'octobre, son état
de santé se dégrade. Le 3 novembre, il
sombre soudain dans le coma. Il souffre
d'une série de symptômes graves,
attribués à une toxine inconnue que les
médecins français ne parviennent pas à
détecter. Le 11 novembre, le président
Yasser Arafat ferme les yeux pour
toujours. Médecin des rois hachémites,
le Jordanien Ashraf Al-Kourdi suivait
également Abou Ammar, dont il
connaissait par coeur le dossier
médical. Lui aussi, peu après le décès
de son patient, déclara percevoir des
indices d'empoisonnement. (...) Douleurs
dans les reins et l'estomac, absence
totale d'appétit, diminution des
plaquettes, perte de poids considérable,
taches rouges sur le visage, peau jaune:
«N'importe quel médecin vous dira qu'il
s'agit là de symptômes
d'empoisonnement.»(2)
Qui a tué
Arafat?
En 2004, Ariel Sharon franchit une étape
supplémentaire dans sa destruction de la
Palestine en s’en prenant à Arafat en
personne. Il déclare, le 2 avril, que
son adversaire n'a «aucune assurance»
sur la vie. Le journaliste israélien Uri
Dan rapporte, dans son livre Ariel
Sharon: entretiens intimes avec Uri Dan,
une conversation téléphonique qui se
serait alors tenue entre Ariel Sharon et
George W.Bush, Sharon informant Bush
qu'il ne se sentait plus tenu par la
promesse qu'il lui avait faite en mars
2001 de ne pas toucher à la vie
d'Arafat. Bush lui aurait répondu qu'il
fallait laisser le destin de Arafat
entre les mains de Dieu, ce à quoi
Sharon avait répondu que parfois, «Dieu
a besoin d'une aide». (3)
Les
révélations dangereuses de Kaddoumi
Si on peut comprendre, sans excuser la
position de Sharon, ennemi déclaré
d'Arafat, quant à l'élimination
d'Arafat, on peut, en revanche,
s'interroger pourquoi cet acharnement de
ses frères d'armes pour l'éliminer. Pour
l'histoire, il semble que Arafat aurait
été empoisonné par ses propres «frères
palestiniens».
Kaddoumi accuse Mahmoud Abbas et Mohamed
Dahlane d'avoir voulu tuer Arafat. Leïla
Mazboudi écrit: «Ayant accusé Abou Mazen
et son ancien chef de la police
préventive, Mohammad Dahlane, de faire
partie du complot israélien pour tuer
Arafat et d'autres dirigeants
palestiniens, à la base d'un texte que
lui aurait envoyé le leader défunt en
personne, le chef du département
politique de l'OLP compte révéler encore
plus d'indices pour étayer ses
accusations. Celui-ci détient des
enregistrements vocaux du défunt Arafat,
durant le blocus imposé par Israël au
siège de l'Autorité palestinienne dans
la Mouqata'â, et précisément lorsqu'il a
évincé Abbas qui était alors Premier
ministre. (...).»(4)
Une grande majorité des Palestiniens, en
effet, prennent au sérieux les
accusations de Kaddoumi. Dans un sondage
effectué sur un échantillon libre de
2300 Palestiniens, et publié sur le site
«Palestine Now» (Paletimes.net) 68%
d'entre eux ont qualifié ces
déclarations de vraies, tandis que 32%
les ont démenties.» Kaddoumi a réaffirmé
«la véracité et l'authenticité» des
minutes de la réunion de mars 2004 à
Jérusalem-Ouest, au cours de laquelle le
complot allégué d'empoisonnement
d'Arafat a été discuté. Kaddoumi aurait
également insinué qu'il possédait
d'autres preuves incriminant Abbas et
Dahlane, qui corroborent et consolident
ses premières accusations. Le secrétaire
général du Fatah a aussi mis au défi
Abbas et ses alliés de prouver leur
loyauté au groupe. «Le Fatah ne vous
appartient pas, vous l'avez détourné
pour amasser des richesses et voler de
l'argent. Vous vous êtes écartés du
droit chemin du Fatah, le chemin de la
résistance et de la libération, et vous
avez choisi d'être un pion entre les
mains de nos ennemis.» Cela n'a pas
empêché Mahmoud Abbas d'abord, de nier
en bloc ces accusations et d'imposer la
tenue du Congrès à Bethléem pour
renouveler la direction d'un parti miné
par les divisions et affaibli par sa
déroute face au Hamas à Ghaza. Beaucoup
«d'historiques» ont dénoncé cette
mascarade: (...)Sa volonté affichée
d'apaiser le gouvernement américain,
sous prétexte d'élargir le fossé entre
Washington et Israël, a contribué à
donner au Fatah une image de
collaborateur et d'instrument de
l'occupation israélienne.(...)» (5)
La version
de Thierry Meyssan sur le macabre
scénario
Thierry Meyssan pour sa part, donne une
explication qui permet de tracer le
scénario mis au point avec la complicité
des principaux protagonistes. Il écrit:
«(...)Ce n'est que bien plus tard, lors
de la saisie par le Hamas de documents
dans les archives personnelles du
ministre Mohamed Dahlan, que les preuves
du complot furent réunies. L'assassinat
a été commandité par Israël et les
Etats-Unis, mais réalisé par des
Palestiniens. L'arrivée au pouvoir de
George W. Bush, en janvier 2001, et
celle du général Ariel Sharon, en mars
2001, en pleine Intifada, marquent un
changement radical de politique à
l'égard des Palestiniens. La période
coïncide avec la remise du rapport du
sénateur George Mitchell sur les
responsabilités partagées dans la
continuation du conflit. MM. Sharon et
Bush examinent ce plan, le 26 juin 2001
à la Maison-Blanche. Il s'agit en fait,
d'une simple mise en scène. La
réouverture des voies de circulation
dans les Territoires occupés est
subordonnée à l'arrêt immédiat et
complet des hostilités. En d'autres
termes, les mesures de répression dans
les Territoires occupés ne seront levées
que si les Palestiniens renoncent sans
contrepartie à la résistance armée. MM.
Sharon et Bush s'accordent sur un
discours qui stigmatise le président
Yasser Arafat et le rend responsable de
la poursuite des hostilités: il est «le
terroriste» par excellence et les deux
pays doivent s'unir pour faire échec au
«terrorisme». Par conséquent, le général
Sharon décide d'appliquer désormais la
stratégie des «assassinats ciblés» aux
dirigeants politiques palestiniens. Le
premier éliminé sera Abou Ali Moustapha,
un des chefs de l'OLP.» (6)
Thierry Meyssan décortique, ensuite, le
cheminement visant à diaboliser
l'Autorité Palestinienne et isoler
Arafat: «Aussi lorsque surviennent les
attentats du 11 septembre 2001, cette
rhétorique se fond sans problèmes dans
celle de la «guerre au terrorisme».
(...) Yasser Arafat se rendra dans un
hôpital donner son sang pour les
victimes états-uniennes. (...)
Constatant l'impossibilité d'une
solution militaire, le général Sharon
imagine un plan de redécoupage de la
Palestine qui assure la continuité
territoriale d'Israël et de ses colonies
et qui, au contraire, divise les
Territoires palestiniens en deux zones
discontinues. (...) Pour déplacer les
lignes sur le terrain, le cabinet
israélien lance l'opération «Mur de
protection» (parfois traduite par
opération «Rempart») (...) Durant cinq
mois, les Forces israéliennes assiègent
le palais présidentiel à Ramallah et
déclarent la ville «zone militaire
interdite». Le vieux leader est cantonné
dans quelques pièces, tandis que l'eau
et l'électricité sont coupées. Sharon
lui offre de partir, «avec un billet
sans retour». À l'issue du siège, levé
sous la pression internationale, Arafat
restera assigné à résidence dans les
ruines du palais présidentiel.» (6)
«George Bush, - qui jouait d'un côté le
chaud avec William Burns et Donald
Rumsfeld, de l'autre le froid avec
Anthony Zini et Colin Powell - sabote le
plan de paix arabe. Le 24 juin 2002, il
se prononce pour la création d'un État
palestinien, mais pose comme préalable
le départ volontaire du président Arafat
et la mise en place d'une nouvelle
direction palestinienne qui ne soit pas
«compromise avec le terrorisme». La
logique qui va conduire à l'assassinat
du vieux leader est désormais en marche.
Rien ne pourra l'arrêter. Tsahal détruit
presque tout le complexe gouvernemental
et les dirigeants israéliens ne font pas
mystère de vouloir en finir avec leur
«ennemi» Arafat. (...) La Russie et la
France pressent Arafat de lâcher du lest
pour éviter le pire. Le vieux leader
consent à créer un poste de Premier
ministre et à le confier à une
personnalité qui sera acceptée par
Tel-Aviv et Washington et pourra
discuter avec eux pour rompre
l'isolement. Il désigne Mahmoud Abbas.
Les deux hommes ont toutes les
difficultés à s'accorder pour la
formation du gouvernement. Abbas
souhaite confier les relations avec les
organisations de la Résistance militaire
à Mohammed Dahlan qu'Arafat récuse.
(...)»(6)
«Quoi qu'il en soit, ajoute Meyssan, la
formation de ce gouvernement ne change
rien. La décision de tuer Arafat a été
prise. C'est même le programme officiel
du nouveau cabinet Sharon. William Burns
et Ariel Sharon organisent une rencontre
secrète avec le Premier ministre
palestinien Mahmoud Abbas et le futur
ministre de l'Intérieur Mohammed Dahlan.
Les conjurés mettent au point les
détails du crime. Ils conviennent à la
fois d'assassiner le vieux leader et les
chefs du Hamas, pour que ceux-ci ne
puissent pas reprendre le flambeau.
(...) Pendant six mois, Mahmoud Abbas
participe à de nombreuses rencontres
internationales pour mettre en oeuvre
les recommandations du Quartet et est
reçu avec tous les honneurs à la
Maison-Blanche.» (6)
Quoi qu'il en soit, conclut Thierry
Meyssan, Jacques Chirac est informé du
complot. La France et la Russie
proposent au président Arafat de
l'évacuer immédiatement de Ramallah
(...) «Pour garantir sa sécurité, Arafat
créé un poste de Conseiller national de
sécurité qui empiète sur les
prérogatives d'Abbas et de Dahlan. Il le
confie à Jibril Rajoub. La tension
atteint son paroxysme. (...) C'est dans
cette période que Mohammed Dahlan a
adressé une lettre au ministre israélien
de la Défense Shaul Mofaz; un document
dont le double a été retrouvé dans les
archives privées de Dahlan lors de sa
fuite. Il y écrit: «Soyez certain que
les jours de Yasser Arafat sont comptés.
Mais laissez-nous l'abattre à notre
manière, pas à la vôtre (...) je
tiendrai les promesses que j'ai faites
devant le président Bush.» En mars 2004,
Tsahal assassine cheikh Ahmad Yassine,
chef spirituel du Hamas. Continuant sur
cette lancée, Tsahal assassine le mois
suivant Abdel Aziz al-Rantissi, le chef
civil du Hamas. (...) A Ramallah, Yasser
Arafat craint que le ministre de
l'Intérieur du gouvernement Qorei n'ait
rejoint le complot. Le 21 octobre 2004,
Yasser Arafat est pris de vomissements.
Les médecins croient d'abord à une
simple grippe. Son état empire
rapidement et son système immunitaire
est gravement affaibli. Sa mort est
annoncée le 11 novembre 2004 à 3h30
heure de Paris. L'Élysée veille à ce que
l'acte de décès stipule que le président
de l'Autorité palestinienne est né à
Jérusalem ».(6)
Il est à se demander pourquoi on fait
mine d'être scandalisé par une
information connue rapidement. La Ligue
arabe élargit les limites du ridicule
plus loin chaque fois en demandant cette
fois çi l’ouverture d’une enquête
qu’elle oubliée de faire il y a huit ans
après la mort suspecte de Arafat. De ce
fait, à quoi servirait ce voyeurisme
morbide consistant à profaner à fins
d'expertise les restes du leader Arafat
au lieu de s'attaquer au vrai problème
qui est celui de rendre justice aux
Palestiniens qui acceptent de vivre
indépendants sur le bantoustan actuel.
1. Chems Eddine Chitour: Palestine, le
calvaire d'un peuple. Sous presse
Editions Casbah 2012
2. Amnon Kapeliouk: Yasser Arafat a-t-il
été assassiné? Le Monde diplomatique -
11 2005
3. Uri Dan: Ariel Sharon, An Intimate
Portrait, Palgrave Macmillan (2006).
Lafon 2006
4. Leïla Mazboudi: Kaddoumi va divulguer
les enregistrements. Al-Manar - 24
juillet 2009.
http://www.info-palestine.net/article.
php3?id_article=7006
5. Lanis Andoni: Fatah se cherche de
nouvelles têtes dirigeantes. Le Point.fr
04/08/2009
6. Thierry Meyssan: Il y a 6 ans,
l'empoisonnement du président
palestinien. Les circonstances
politiques de la mort de Yasser Arafat
Réseau Voltaire 11 11 2010
Professeur
émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 9 juillet
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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