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L'EXPRESSIONDZ.COM
LES MASSACRES DE MASSE EN IRAK
Le solde de tout compte pour les
E.U.
Chems Eddine Chitour
Photo : des soldats US quittent
l’Irak en traversant la frontière avec le Koweit.
Environ 50.000 troupes vont rester pour former l’armée
irakienne.
Lundi 6 septembre 2010
«Nous avons amené la torture, les bombes à
fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables assassinats
commis au hasard, la misère, la dégradation et la mort au peuple
irakien, et on appelle ça apporter la liberté et la démocratie
au Proche-Orient.»
Harold Pinter (Prix Nobel de littérature)
Irak!
Afghanistan! Pakistan! Ghaza! Nous commençons à nous habituer à
l’horreur des bilans macabres de dizaines de personnes
journellement fauchées avec tout au plus une attention de
quelques secondes, le temps de passer dans les médias européens
et occidentaux à des informations évaluées selon d’autres
critères. Un policier est mort, un bébé se noie! C’est le
branle-bas de combat des médias qui en rajoutent. D’un côté, des
dizaines de personnes des blessés, des vies brisées, de l’autre,
un effet d’échelle et sans tomber dans la concurrence
victimaire, qu’on le veuille ou non, c’est la même humanité en
Irak, en France, aux Etats-Unis!
Les grandes messes médiatiques, plus que jamais aux ordres, nous
annoncent qu’Obama a décrété que la guerre est finie en Irak.
Avant justement de parler de la fin de la guerre selon les
Etats-Unis. Qu’il nous soit permis de revenir sur le début de la
guerre en faisant le bilan de la première croisade du XXIe
siècle. Tout commence pour l’Irak, avec les 8 ans de guerre
contre l’Iran, aidé en cela par les monarchies du Golfe et le
camp occidental qui voulait conjurer le péril vert de la
Révolution iranienne. Fin des années 80, la guerre alimentée par
l’Occident termine par un non-lieu qui a rendu exsangue l’Irak.
D’autant que la chute des prix du pétrole fut importante du fait
que les pays du Golfe pratiquaient un dumping qui contournait
les quotas. Ce qui exaspérait Saddam Hussein à qui le Koweït
réclamait les prêts versés pour alimenter la guerre avec l’Iran.
Résultat des courses, Saddam Hussein envisage d’envahir le
Koweït pour récupérer sa 19e province [que la Grande- Bretagne
avait détaché, suite à l’éclatement de l’Empire ottoman, au
début du XXe siècle]. Il demande la «permission» aux
Etats-Unis lors d’une entrevue le 25 juillet 1990 avec
l’ambassadrice April Glaspie. Ils lui font savoir à mots à peine
couverts que les USA ne se considéreraient comme nullement
impliqués si l’Irak lançait une opération contre le Koweït.
C’est ce qu’on appelle un «feu vert». Une petite semaine
après l’entretien, le 1er août 1990, Saddam pénètre au Koweït.
Tragique erreur! C’est la faute inespérée qui a permis aux
Etats-Unis, dont les réserves de pétrole étaient sur le déclin,
de trouver le motif de s’installer durablement. Plusieurs bases
américaines sont installées dans tous les pays du Golfe. Le
président des Etats-Unis, George Bush, prend prétexte pour
mettre la coalition contre Saddam Hussein mis au ban du monde «civilisé».
Malgré son offre de se retirer, James Baker eut des mots très
durs envers Tarik Aziz. Promesse tenue, le 17 janvier 1991, ce
fut «Desert storm» la première guerre du Golfe.
Par la suite, il y a eu 12 ans d’embargo pour la recherche
d’armes de destruction massive et le fameux Plan «Pétrole
contre nourriture» qui a affamé des centaines de milliers
d’Irakiens et causé la mort de 500.000 enfants irakiens. Pour
Madeleine Albright, secrétaire d’Etat de la période Clinton, «ce
n’est pas cher payé si c’est le prix à payer pour faire partir
Saddam». L’avènement du born again «George» Walker
Bush donna un coup d’accélérateur à la démolition systématique
de l’Irak. Ce fut la deuxième guerre du Golfe, opération Iraqi
Freedom, qui a débuté le 20 mars 2003. Prenant prétexte des ADM,
jamais trouvés, des liens non prouvés avec Al Qaîda, les
néoconservateurs comptaient faire coup double par le prétexte de
la démocratie aéroportée et le Mepi (le Grand Moyen-Orient):
s’emparer des réserves pétrolières évaluées à 110 milliards de
barils [Liens entre les néoconservateurs au pouvoir à Washington
et des entreprises d’exploitation pétrolière, notamment le
Groupe Carlyle, Enron, Halliburton Energy Services et Unocal et
désarmer le Moyen-Orient pour permettre à Israël d’être la seule
puissance en face de 300 millions d’Arabes avec éventuellement
le règlement du sort des populations palestiniennes réduites à
vivre sur un bantoustan sur les 18% de la Palestine originelle.
Après leur victoire, les troupes de la coalition ont cherché à «pacifier
l’Irak». Néanmoins, la majorité des villes se trouvent dans
une situation difficile: pillages, affrontements, règlements de
comptes...Selon J.Stieglitz, le coût global de la guerre en Irak
serait de 3000 milliards de dollars. Il y eut le scandale de la
prison d’Abou Ghraib avec toute l’horreur attachée à la
perversion d’un côté et aux souffrances de l’autre. En janvier
2007, en pleine fête de l’Aïd el Adha, Saddam Hussein a fait
preuve d’un rare courage lors de sa pendaison. En octobre 2006,
la revue médicale The Lancet estimait le nombre de décès
irakiens imputables à la guerre à 655.000. L’Institut Opinion
Research Business a estimé à plus de 1.000.000 le nombre de
victimes irakiennes entre mars 2003 et août 2007. La guerre a
provoqué l’exode d’au moins deux millions d’Irakiens. Ceci sans
parler des dégâts occasionnés par le programme «pétrole
contre nourriture»: plus de 500.000 enfants seraient morts
de maladie et de malnutrition. Les dommages aux infrastructures
civiles sont immenses: les services de santé sont pillés. Il y a
eu une détérioration des canalisations d’eau et la dégradation
des bassins hydrographiques du Tigre, de l’Euphrate. Il y a de
plus, augmentation de l’insécurité générale (pillages, incendies
et prises d’otage), suite à la désorganisation totale des
différents services publics tels que les forces de l’ordre. De
nombreux centres historiques ont été détruits par les
bombardements américains, les combats et les pillages. Le Musée
national d’Irak a été pillé.(1)
Les Américains quittent l’Irak: le
solde de tout compte
En novembre 2008, les gouvernements irakien et américain ont
signé un pacte bilatéral incluant le Status of Forces Agreement
(Sofa) qui fixe à la fin 2011 le terme de la présence militaire
des États-Unis. Les Américains avec la satisfaction du devoir
bien fait, notamment par une mainmise sur les ressources
pétrolières par multinationales américaines interposées,
rentrent au pays. Dans son discours du 31 août 2010 décrétant «terminée
l’opération Liberté irakienne», Barack Obama a précisé: «Notre
engagement pour le futur de l’Irak, lui, ne prend pas fin»
et il a ajouté que «les Etats-Unis seraient toujours présents
en tant qu’ami et partenaire». En clair, c’est toujours une
armée d’occupation qui veille au grain avec comme priorité,
sécuriser les puits de pétrole. Peu importe si, par leur faute,
les Irakiens s’étripent à qui mieux mieux.
Obama a rappelé une promesse qu’il avait faite en tant que
candidat. Un discours où il ne dit pas un mot de la souffrance
des Irakiens, des décombres que les Etats-Unis laissent au
contraire dans la lignée de Bush, il persiste et signe: «Les
Américains qui ont servi en Irak ont accompli la mission qui
leur avait été confiée. Ils ont infligé la défaite à un régime
qui terrorisait son peuple. Avec les Irakiens et les partenaires
de la coalition, ils ont fait d’immenses sacrifices. Nos troupes
ont combattu pâté de maisons après pâté de maisons pour aider
les Irakiens à avoir une chance d’avenir meilleur. Nous avons
persévéré car nous partageons avec le peuple irakien une
croyance: celle qu’un nouveau début peut sortir des ruines de la
guerre dans ce berceau de la civilisation. Il est désormais
temps de tourner la page.»
Du côté des néoconservateurs, c’est l’allégresse, Obama continue
«l’oeuvre» de Bush. Doug Ireland écrit: Dans son discours
sur la fin des missions de combat en Irak, Obama a bel et bien
confirmé l’importance du pouvoir impérial armé. Les
néoconservateurs applaudissent. Selon l’important ténor des
néoconservateurs John Podhoretz, chef éditorialiste au New York
Post, le discours présidentiel a incarné «un défi
nationaliste au monde» quand Obama a dit que l’événement
devait faire passer au monde «le message que les États-Unis
ont l’intention de maintenir et renforcer [leur] leadership dans
ce jeune siècle». Encore «plus frappant», écrivait
Podhoretz dans sa chronique titrée Barack le néo-con, «est le
fait qu’Obama a présenté l’engagement américain en Irak comme un
exemple de ce que l’Amérique peut faire quand elle le veut»
car le président a affirmé que «cette étape doit servir à
rappeler aux Américains que nous avons à déterminer l’avenir».
Pour Podhoretz, Obama «ressemblait à Bush» quand il a
semblé bénir la guerre en Irak en déclarant qu’avec elle
l’Amérique avait «assumé ses responsabilités». Même son
de cloche chez William Kristol, rédacteur en chef de la bible
des néoconservateurs, le Weekly Standard, qui a écrit que le
discours d’Obama était «louable», particulièrement quand
le président a proclamé sur un ton guerrier que «nos soldats
sont l’acier dans le navire de l’État...Ils nous donnent
confiance dans la justesse de notre chemin, et qu’au-delà de la
nuit qui précède l’aube, des jours meilleurs sont devant nous».
Une «déclaration pas mauvaise sur l’importance et la
nécessité d’un pouvoir fort», conclut Kristol. Autrement
dit, Obama a bel et bien confirmé l’importance du pouvoir
impérial armé. C’est dire si la gauche a été très déçue par le
discours présidentiel.(2)
Le bilan
Nous donnons à Théophraste R. le soin de nous décrire d’une
façon simple et percutante l’histoire de l’invasion de l’Irak. «C’est
l’histoire de sauvageons qui débarquent dans votre maison,
cassent tout (sauf les objets d’art qu’ils volent pour décorer
leur repaire), violent, tuent, circonviennent des membres de
votre famille, fabriquent des collabos qu’ils arment pour les
remplacer. Puis, les vandales quittent le champ de ruines en
avertissant que le commerce des fruits de votre jardin est régi
par des contrats qu’ils vous ont fait signer, le couteau sous la
gorge, et dont le respect sera assuré par des nervis payés par
eux. Ainsi, après bientôt 8 ans d’occupation, de pillages, de
massacres à grande échelle, d’exécutions sommaires, de tortures,
l’Irak détruit (où se déchaînent les sanglantes haines
religieuses revigorées) est livré à un gouvernement élu sous la
botte et dont l’allégeance aux intérêts états-uniens continuera
à être contrôlée par 50.000 soldats résiduels US et des cohortes
de mercenaires motivés par l’argent et par la garantie de
l’impunité pour des exactions qui les conduiraient à la potence
ou à la prison à vie dans les pays d’où ils viennent (...)»(3)
En fait, les Etats-Unis laissent un pays livré au chaos et il
n’est pas interdit de prédire une partition de l’Irak en trois
régions. Seuls les Etats-Unis avaient la capacité d’influencer
les principales forces politiques en Irak, que ce soient les
formations kurdes, chiites ou sunnites, afin d’éviter
l’éclatement du pays. Une perspective toujours bien réelle. Pour
preuve, le gouvernement du Kurdistan irakien est en train de
signer des accords avec des compagnies étrangères pour
l’exploitation du pétrole et du gaz. Et ce, contre la volonté de
Baghdad.
Alain Gresh écrit: (...) Cette guerre d’agression, non
provoquée, déclenchée sous le faux prétexte de chercher des
armes de destruction massive, est d’abord une violation des
principes des Nations unies qui, le 14 décembre 1974 à travers
leur assemblée générale, adoptaient un texte définissant
l’agression. Au-delà de cette dimension juridique et des
querelles qu’elle peut susciter, le bilan de la guerre
américaine, menée sans l’aval des Nations unies, est accablant:
destruction du pays, de ses structures étatiques et
administratives. Il n’existe plus d’Etat irakien qui fonctionne.
Sept ans après la guerre, l’électricité arrive à peine quelques
heures par jour, la production pétrolière stagne,
l’administration ne fonctionne pas, les écoles et les
universités sont à l’abandon, etc.
Reconstruire une structure unifiée et efficace nécessitera sans
doute des décennies. Le confessionnalisme, encouragé dès les
premiers jours par l’occupant, a été institué dans toutes les
fonctions, et la répartition des postes se fait désormais en
fonction de l’appartenance communautaire ou nationale.
Les principales forces politiques sont «chiites», «sunnites»
ou «kurdes». Et demeurent une série de bombes à
retardement, comme la délimitation des «frontières
incertaines du Kurdistan».(4)
«Le bilan humain est terrible. Si on connaît précisément les
pertes américaines (environ 4400 tués), celles des Irakiens ont
fait l’objet d’évaluations très diverses: on ne recense pas un
mort "arabe" comme on recense un mort "occidental"; seul ce
dernier a un visage. (...) Et la question que personne ne
posera: qui sera jugé pour ce crime? Comment s’étonner que
nombre de pays ne suivent pas le Tribunal pénal international
quand il inculpe le président soudanais Omar Al-Bachir, ou des
criminels de tel ou tel petit pays africain, alors que MM.George
W.Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld continuent tranquillement
à couler des jours heureux en donnant des conférences sur le
monde libre, la démocratie et le marché pour quelques dizaines
de milliers de dollars la prestation?»(4)
«Obama n’a pas eu un seul mot pour les civils irakiens, au
moins 650.000 et peut-être même plus d’un million morts à cause
de la guerre. Il n’a pas eu une pensée pour les plus de quatre
millions d’Irakiens chassés de chez eux par la guerre et qui
croupissent dans la misère dans des pays voisins, sans papiers,
sans pouvoir travailler, et sans pouvoir retourner dans leurs
maisons détruites ou par peur des violences sectaires des
intégristes.
Obama a passé sous silence les souffrances de ces victimes d’une
guerre illégale contre un pays qui ne nous a rien fait de mal.
Au lieu de quoi, le président a souligné qu’il fallait "tourner
la page" sur cette guerre. Parce qu’il n’ose pas regarder ce qui
est écrit sur cette page!»(4)
Même Tony Blair occupé à parcourir la planète, avec ses
multiples casquettes d’émissaire onusien, de consultant
grassement rémunéré, écrit dans ses mémoires: «Je ne peux pas
regretter.» Si c’était à refaire, Tony Blair n’hésiterait
pas une seconde. «L’invasion de l’Irak, écrit Harold Pinter,
était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’État
flagrant, la preuve d’un mépris absolu pour le droit
international. Combien de personnes faut-il tuer avant de
mériter d’être décrit comme un massacreur et un criminel de
guerre? Cent mille?» La question est à poser au Tribunal
pénal international.
1.Chems Eddine Chitour
http://www.legrandsoir.info/L-Irak-d-Hammourabi.html
2.Doug Ireland enchante-les-faucons-neo,11774.html 4.09.2010
3.Théophraste R.: Tuez-vous, mais ne vous faites pas mal!
Legrandsoir.info 2.09.2010
4.Alain Gresh: Guerre d’Irak, le crime, Le Monde diplomatique, 2
Septembre 2010
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 6 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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