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CYNISME OCCIDENTAL
L'islam et la France « Fille aînée de
l'Église »:
Pour une quête de la tolérance
Chems Eddine Chitour
Samedi 5 mars 2011
«La France tombera très bas.
Plus bas que les autres nations, à cause de son orgueil [...].
Il n’y aura plus rien. Mais dans sa détresse, elle se souviendra
de Dieu et criera vers Lui, et c’est la Sainte Vierge qui
viendra la sauver. La France retrouvera alors sa vocation de
Fille aînée de l’Eglise, et elle enverra à nouveau des
missionnaires dans le monde entier.»
Marthe Robin en 1936, cité in France réveille-toi, p.178 (éd.
L’Icône de Marie).
La France est, dit-on, devenue Fille aînée de l’Eglise par la
conversion de Clovis, roi des Francs. Ce ne fut pas un acte de
foi mais une décision intéressée de la part d’un sanguinaire
conquérant. Clotilde, épouse d’origine Burgonde de Clovis, avec
l’aide du bon saint Rémi, évêque de Reims, a fait passer son
époux de la religion du faux dieu Odin à celle du vrai Dieu de
l’Eglise de Rome. Par cette éclatante conversion, Clovis fut le
premier, et à son époque, l’unique roi d’Europe occidentale à
défendre la Foi de l’Eglise de Rome contre les ennemis de Dieu.
En récompense de cette conversion historique, on l’appela Fils
Unique de l’Eglise, et par conséquent la France, «Fille Aînée de
l’Eglise de Rome.» (1)
«Quinze siècles plus tard le président français nous rappelle
les racines chrétiennes de la France. Lors de son déplacement au
Puy-en-Velay, étape du pèlerinage vers
Saint-Jacques-de-Compostelle. Nicolas Sarkozy a estimé que la
´´chrétienté a laissé´´ à la France ´´un magnifique héritage de
civilisation´´. En tant que ´´président de la République laïque,
je peux dire cela´´, a-t-il ajouté. En visite dans ce haut lieu
du catholicisme, point de départ historique des pèlerins pour
rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle, le président a insisté
sur la nécessité pour la France de préserver son héritage. ´´Cet
héritage nous oblige, cet héritage, c’est une chance, mais c’est
d’abord un devoir, il nous oblige, nous devons le transmettre
aux générations et nous devons l’assumer sans complexe et sans
fausse pudeur´´, a expliqué le chef de l’État. Pour lui, le
´´premier devoir´´ est de ´´conserver et restaurer´´ cet
héritage, une ´´mission´´, a-t-il promis, ´´à laquelle l’État ne
peut et ne doit se dérober´´. ´´C’est lui qui nous inscrit dans
le temps long d’une histoire multiséculaire. (...) Protéger
notre patrimoine, c’est protéger l’histoire de la France,
défendre les signes les plus tangibles de notre identité´´,
a-t-il dit. Citant Claude Lévi-Strauss, il a fait valoir que
l’identité n’était pas une «pathologie». (2)
«Sans identité, il n’y a pas de diversité», a-t-il ajouté. «À
l’origine de la diversité, il y a les identités. Ce n’est pas
faire preuve de fermeture de croire en son identité. Il ne faut
pas opposer identité et diversité. (...) Pour comprendre la
diversité, il faut respecter l’identité», a insisté le chef de
l’État. Mettant en exergue «l’apport de la chrétienté à notre
civilisation», le président Sarkozy a estimé que «le désir de
vivre ensemble» devait s’accompagner de «la volonté de faire
vivre l’héritage indivis qui nous demande de l’assumer
intellectuellement, moralement et politiquement». «Il n’y a
aucune raison à ce que nous soyons les seuls dans le monde à ne
pas assumer cet héritage» qui «n’oblige personne à partager la
foi des milliers de pèlerins». «Personne n’est prisonnier de
l’histoire de son pays, mais il est toujours dangereux d’amputer
sa mémoire», car «l’ignorance de soi conduit rarement à l’estime
de soi». «La France ne doit pas oublier ce qu’elle est et ce
qu’elle fut parce que le monde change», a dit encore le chef de
l’État.» (2)
Claude Bartolone, député PS a réagi au discours du président de
la République qui voudrait mettre en exergue «l’apport de la
chrétienté à notre civilisation». «En fragmentant la société, en
distinguant les bons Français des autres, en soumettant certains
de nos concitoyens à un débat sur l’Islam dont on perçoit déjà
les relents nauséabonds, Nicolas Sarkozy remet en cause le socle
laïque sur lequel repose notre pays depuis plus d’un siècle
(...). Plutôt que de chasser sur les terres du Front national,
le président de la République serait bien inspiré de s’adresser
à ceux de nos compatriotes qui se demandent, aujourd’hui, où se
trouve la porte d’entrée de la République parce qu’ils
connaissent le chômage, le mal-logement et les discriminations.»
Marine Le Pen, du Front national a dénoncé une «opération
électoraliste» «Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy joue de la
mandoline, je ne suis pas sûre que les Français soient sensibles
à ce petit air», a-t-elle affirmé, sur Europe 1.
Pour Patrick Devedjian ancien ministre UMP «Quoiqu’en disent ses
pères, Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy, le débat sur la
laïcité et la place de l’Islam organisé par l’UMP ´´blesse nos
compatriotes musulmans qui s’intègrent loyalement à notre pays
pour ne montrer du doigt que les extrémistes musulmans´´´´Non
seulement c’est injuste, mais c’est désastreux car [nos
compatriotes musulmans] sont destinés à vivre durablement avec
nous. Ce débat anime surtout les militants du Front national qui
croient naïvement que ce sont les autres partis politiques qui
sont responsables de l’immigration et de la mondialisation.»(3)
La continuité sur la diabolisation
électoraliste de l’Islam
«Après le discours du Puy-en-Velay de Nicolas Sarkozy, le
ministre de l’Education, Luc Chatel, décrète que les mamans
musulmanes portant le voile se verront interdire d’accompagner
les sorties scolaires. Pour le ministre de l’Education, Luc
Chatel, les mères d’élèves accompagnant des sorties scolaires ne
doivent pas montrer de signes religieux ostentatoires comme le
voile, une position qui tranche avec celle de ses prédécesseurs.
Précisons qu’on ne parle pas ici de la burqa mais d’un voile qui
laisse le visage découvert - rigoureusement identique donc à
celui des religieuses que Nicolas Sarkozy a saluées lors de sa
visite à la cathédrale du Puy-en-Velay. Le rapprochement est
éloquent. Il est clair que tout cela n’a plus rien à voir avec
une prétendue défense de la laïcité. On est bel et bien en
présence d’une mise au ban de l’Islam. De l’instauration, sous
couvert de républicanisme, d’un catho-laïcisme officiel,
doublement discriminatoire (au nom de la tradition chrétienne et
au nom d’une laïcité à géométrie variable, dirigée en fait
contre une seule religion), qui est la négation même des
principes républicains. La laïcité selon Sarkozy, c’est la
‘‘laïcité positive’’ à sens unique. Combes et Barrès
réconciliés. Sur le dos des musulmans. Le calcul électoraliste
est évident. Sera-t-il payant? On peut en douter. Ce qui n’est
pas douteux, c’est la menace qu’une telle politique fait peser
sur la capacité des Français de toute religion ou sans religion
à vivre ensemble. (4)
Alors que la majorité, divisée sur la pertinence d’un débat
risquant à nouveau de stigmatiser l’Islam, Sarkozy appelle sans
détour à ‘‘conserver et restaurer’’ cet héritage chrétien, une
«mission, a-t-il promis, «à laquelle l’Etat ne peut et ne doit
se dérober». En décembre 2007, Sarkozy, se rendant au Vatican et
prononçant à Saint-Jean-de-Latran (Rome) un discours sur la
place de l’Eglise dans la société, avait affirmé que le
christianisme s’inscrivait dans l’ADN du pays. Pour Diatala, le
problème est ailleurs et l’Islam sert de repoussoir commode et
adaptable à toutes les situations. Ecoutons le (...) Le vrai
sujet qui se cache derrière tout ceci concerne les quartiers
populaires et les banlieues. Cela s’appelle de l’ostracisme,
c’est la détestation des pauvres qui est mise en avant et le
racisme. Une liste maccarthyste d’une partie des plus
défavorisés et des moins représentés politiquement et
médiatiquement. Leur stigmatisation sert de bouclier pour éviter
de recevoir les coups d’un peuple entier qui se mettrait en
colère demain. Mais si hier les révolutions se faisaient parce
que le peuple avait faim, aujourd’hui elles se feront, non pas
par manque de vivres dans une société consumériste et
productiviste, mais par l’élargissement de la conscience du
peuple qui anticipera lui-même cet état de manque pour se
réapproprier ses biens et ses droits. Voilà la vraie révolution.
L’Islam reste malgré tout un sujet qui est à des années-lumière
des réelles inquiétudes et des réels dangers qui menacent
l’avenir des Français et de leurs enfants, mais il est devenu
une affaire d‘Etat. La démarche est démagogique certes, mais
surtout malsaine, perverse. Alors peut-on réduire tous les
problèmes de la France, les broyer et en ressortir un bloc
compact, ou un pavé islamisé que l’on jette ensuite sur la foule
en lui disant: Ce n’est pas nouuuuuuuus! C’est l’Islam le
responsable. C‘est de sa faute si tout va mal? En décodé:
courage ne fuyons pas, gardons nos privilèges et nos statuts,
mais nions nos responsabilités.» (5)
«L’Islam serait donc un danger; admettons. Mais j’aimerais voir
un journaliste interroger par exemple Jean-François Copé sur le
Coran pour qu’il nous dise si celui-ci est plus violent ou moins
violent que la Bible judéo-chrétienne, le Tanak ou le Talmud?
Qu’il lui demande si l’extrémisme juif avec ses milices n’est
pas également un vrai problème en France? Si certains prêches
fondamentalistes et racistes dans nos synagogues ne sont pas
inquiétantes pour la sécurité? Si le principe de laïcité que JF
Copé défend bec et ongles n’est pas remis en cause ou piétiné
quand un grand nombre de personnalités politiques fait
allégeance au Crif? Si l’amalgame entre culture et religion
musulmanes n’est pas fait pour induire volontairement en erreur?
Car la jeunesse issue de l’immigration n’est que très peu
pratiquante. La France, Terre d’accueil, a évolué aussi grâce à
ce brassage d’identités; se repli ethnocentrique n’est-il pas
une porte béante ouverte sur l’extrémisme, un recul, une
involution et non une évolution? (...) Chacun sait pourtant que
les grands criminels, les grands trafiquants, dealers, fraudeurs
et pilleurs ne se trouvent pas dans les banlieues ni dans les
mosquées. Mais le projecteur est braqué à ces endroits pour que
nos sociétés continuent de s’enfoncer inexorablement dans la
corruption et que les coupables ne soient jamais inquiétés.
(...) Sans parler du post-colonialisme, la France a bien usé de
ces travailleurs issus de l‘immigration. Ils permettent encore
de maintenir des salaires bas, de créer un chômage indispensable
pour les profits générés par les grandes entreprises, ils
servent de boucs-émissaires pour voter des lois de plus en plus
sécuritaires et liberticides et à faire croire aux classes
intermédiaires qu’elles sont encore privilégiées.» (5)
D’où vient cet acharnement antimusulman, cette islamophobie qui
connaît un regain? Il faut, d’après Samuel Vasquez, déconstruire
le mot Islamophobie qui est devenu un mot «valise» une éponge,
un fourre-tout bien pratique et qui permet de donner corps à
tous les amalgames et à toutes les haines. Ecoutons-le: «(...)
De Riposte laïque au Bloc Identitaire, les préjugés nourris
envers la religion musulmane sont drapés des plus belles toges
républicaines, de la défense de l’égalité homme-femme en passant
à celle de la laïcité; pour autant, ces subterfuges ne sauraient
dissimuler le fond des discours, à savoir une lente mais sûre
dégénérescence de la critique de l’Islam vers une stigmatisation
de ses pratiquants. Ainsi, l’islamophobie apparaît être un
concept suffisamment malléable à tout type d’extrémisme pour
qu’il soit justifié de le récuser.» (6)
Le nouveau débat concernant l’Islam, faut-il le préciser, a
redémarré en octobre 2010 avec le constat d’Angela Merkel puis
en février avec David Cameron et Sarkozy sur l’échec du
multiculturalisme «Il est légitime écrit Michel Wieviorka et
souhaitable qu’un chef d’Etat s’en prenne au terrorisme, à la
violence, agisse pour mettre fin à la domination des groupes et
de leurs leaders sur les individus relevant de minorités, à
commencer par les femmes. Mais imputer ces maux au
multiculturalisme, c’est en faire un bouc émissaire trop
commode, ou, au mieux, ne s’intéresser qu’aux dérives des
modèles qu’il promeut, et non à ces modèles eux-mêmes. Que
signifie l’injonction de l’intégration des immigrés? La critique
du multiculturalisme par les droites et les extrêmes droites
comporte une dimension qui mérite d’être soulignée: elle va de
pair avec l’appel à l’intégration des immigrés. Cet appel est
toujours présenté comme une nécessité pour la nation, pour la
société dans son ensemble, et jamais du point de vue des
immigrés.» (7)
Brassage d’identités
«Nicolas Sarkozy semble renouer, écrivent Samuel Laurent et
Alexandre Picquart du Monde, avec les accents de sa campagne de
2007, où il avait déjà joué sur les symboles pour séduire
l’électorat catholique, mais aussi les tenants d’une certaine
forme de républicanisme. ´´L’héritage de civilisation´´
chrétienne évoqué au Puy était déjà présent dans un discours de
campagne prononcé à Metz fin 2006. Sarkozy y invoque deux icônes
de la droite nationaliste, Jeanne d’Arc et l’avocat du ´´culte
du moi´´, Maurice Barrès, avant de revendiquer ´´deux mille ans
d’héritage de civilisation chrétienne´´. On se souvient aussi du
premier déplacement du candidat après son investiture, au
Mont-Saint-Michel, ou de son discours du Latran, en 2008, sur la
´´laïcité positive´´. En janvier 2010, Sarkozy a de nouveau
réutilisé les propos de Lévi-Strauss sur l’identité et la
diversité lors d’un colloque organisé par Eric Besson, chargé du
débat sur l’identité nationale.» (8)
L’Islam servira encore une fois, de repoussoir pour des
considérations électorales et le musulman, même avec une foi
incolore, devra continuellement donner des preuves de son rejet
de sa foi pour pouvoir survivre. Il arrivera un jour prochain où
le racisme antimusulman servira d’exutoire à une mal-vie dont
les racines sont ailleurs. Les Européens de confession musulmane
se doivent d’être exemplaires et montrer que ce sont des
citoyens à part entière qui respectent les lois de la République
qui doit montrer sa forte volonté d’intégration en combattant
l’intolérance et les discriminations.
Que l’on ne s’y trompe pas! Les ennemis des Français d’en bas ne
sont pas les étrangers, les mélanodermes et les musulmans qui,
les premiers, servent de variables d’ajustement en temps de
crise ou à la veille d’élection. C’est justement, la crise
générée par un libéralisme sauvage, une mondialisation-laminoir
qui ne fait pas de places aux plus faibles qui rend ces derniers
sensibles à la diversion du discours de la haine. Nous ne
pouvons qu’appeler à une tolérance de la fille ainée de l’Eglise
envers ces Français musulmans scories de l’histoire qui ne
demandent qu’à vivre à l’ombre de la laïcité et des lois de la
République.
1. http://www.basile-y.com/historiettes/
h13.html
2. Nicolas Sarkozy vante l’héritage de la chrétienté. Le
Point.fr 03/03/2011
3. Le débat sur l’islam est «désastreux», Devedjian. LeMonde.fr
avec AFP | 23.02.11
4. C.W. Ce pour quoi la laïcité, justement, avait été inventée.
Le catho-laïcisme selon Sarkozy site Nouvel Obs. 3.03.2011
5. Diatala: Débat Sur l’Islam: bien secouer avant de s’en
servir. Site Oulala:3 mars 2011
6. S.Vasquez: http://www.legrandsoir.
info/L-islamophobie-un-concept-a-deconstruire. Html
7. Michel Wieviorka http://www. rue89.com/wieviorka/2011/02/12/quand-la-gauche-va-t-elle-defendre-le-multiculturalisme-190273
8. Samuel Laurent, Alexandre Piquard «Héritage chrétien de la
France» LeMonde.fr 03.03.11
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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