Comment je vois le Monde
Les non-alignés:
Une utopie en quête d'une nouvelle
boussole
Chems
Eddine Chitour
De G à D :
Le ministre iranien des AE, le
secrétaire général de l'ONU et le
président iranien
Mardi 4 septembre
2012
«Le Mouvement des
non-alignés? Combien de divisions?»
Appréciation dévalorisante de l'Occident
Du 28 au 30 août s'est tenu à Téhéran le
XVIe Sommet des pays non-alignés, et ce,
dans l'indifférence la plus totale des
pays occidentaux et du black-out des
médias occidentaux main stream. Malgré
cela, vingt neuf chefs d'État ou de
gouvernement ont fait le déplacement,
tandis que la majorité des 120 membres
de ce mouvement étaient représentés au
niveau ministériel. À l'issue de ce
sommet, l'Iran prendra pour trois ans la
présidence du Mouvement des non-alignés.
Le mouvement des non-alignés, lit-on
dans l'encyclopédie Wikipédia est une
organisation internationale regroupant
118 États en 2008 (17 États et 9
organisations internationales y ont en
plus le statut d'observateur), qui se
définissent comme n'étant alignés ni
avec ni contre aucune grande puissance
mondiale. Le but de l'organisation tel
que défini dans la «Déclaration de La
Havane» de 1979 est d'assurer
«l'indépendance nationale, la
souveraineté, l'intégrité territoriale
et la sécurité des pays non-alignés dans
leur lutte contre l'impérialisme, le
colonialisme, le néocolonialisme, la
ségrégation, le racisme, et toute forme
d'agression étrangère, d'occupation, de
domination, d'interférence ou
d'hégémonie de la part de grandes
puissances ou de blocs politiques» et de
promouvoir la solidarité entre les
peuples du tiers-monde ».(1)
« L'organisation, dont le siège est à
Lusaka, en Zambie, regroupe près des
deux tiers des membres des Nations unies
et 55% de la population mondiale. La
Déclaration de Brioni, du 19 juillet
1956, proposée par Gamal Abdel Nasser,
Josip Broz Tito, Norodom Sihanouk et
Jawaharlal Nehru marque l'origine du
mouvement, qui vise alors, dans le
contexte de la guerre froide, à se
protéger de l'influence des États-Unis
et de l'Urss les deux grands qui
gouvernaient le monde. Le terme de
«non-alignement» a été inventé par le
Premier ministre indien Nehru lors d'un
discours en 1954 à Colombo. On peut
considérer que la Conférence de Bandung,
qui avait réuni une trentaine de pays
d'Afrique et d'Asie, est une étape
importante vers la Constitution du
Mouvement des non-alignés Voilà pour
l'histoire.(1)
A quoi
sert actuellement le Mouvement des
non-alignés aujourd'hui?
Qu'en est-il du mouvement des
non-alignés après la disparition du bloc
soviétique, l'émergence d'une
hyper-puissance et de la doctrine du
néolibéralisme et de nouveaux blocs?
Pour Yves Lacoste, fondateur de l'École
française de géopolitique «ce mouvement
était unifié et porté par l'idée de la
fraternité entre les pays pauvres. Et
enfin, il était incarné par des hommes
au prestige international comme Tito,
Nasser ou Nehru. Ce mouvement s'est
fissuré avec la guerre entre le Cambodge
et le Vietnam en 1979. Ce conflit a
porté un coup très grave à l'idée de
Tiers-monde, qui n'a plus grand sens
aujourd'hui. Après la chute du mur de
Berlin, la fin de l'ex-Yougoslavie et
l'extension de la mondialisation, il y a
eu comme une éclipse du mouvement des
Non-Alignés jusqu'à ce sommet de
Téhéran. On assiste peut-être
aujourd'hui à un renouveau de celui-ci.
Tous les représentants des pays membres
ont fait le déplacement à Téhéran, même
des pays comme l'Égypte qui n'avait plus
de relations avec l'Iran depuis la
conclusion des accords israélo-égyptiens
en 1980. Les liens privilégiés qui
existent entre le président iranien
Ahmadinejad et le président vénézuélien
Hugo Chavez permettent aux pays
sud-américains de retrouver une place
qu'ils n'avaient plus depuis les riches
heures de Cuba». (2)
La
deuxième vie du Mouvement des
non-alignés
Cette audience n'a pas échappé au
secrétaire général des Nations unies,
Ban Ki-moon, qui a fait lui-même le
déplacement. Ces pays sont aujourd'hui
animés par la volonté de se démarquer de
la diplomatie américaine et européenne,
par le projet de peser dans les organes
de décision des Nations unies -
d'obtenir des places permanentes au
Conseil de sécurité - par la volonté
d'accéder à l'industrie du nucléaire.
L'Inde et l'Afrique du Sud sont
aujourd'hui des piliers de ce mouvement.
Mais il faut aussi compter avec l'Iran
qui, comme on le voit au cours de ce
Sommet, veut incarner l'opposition à
l'Occident.
Pour Zaki Laïdi, de l'Institut d'études
politiques de Paris: le Mouvement des
non-alignés exprime la volonté d'un
grand nombre de pays de garder ses
distance vis-à-vis de l'Ouest. Les
grandes heures du mouvement étaient en
fait, déjà révolues. Ces grandes heures,
c'était les années 1960 et 1970, avec la
création du groupe des 77 aux Nations
unies ou la revendication, en 1973, lors
du Sommet d'Alger, d'un nouvel ordre
économique international, portée aux
Nations unies l'année suivante par le
président Boumediene. Autant de combats
pour faire entendre la voix du
tiers-monde sur la scène internationale.
Pourtant, le Mouvement des non-alignés -
en tous cas certaines de ses idées -
suscite un regain d'intérêt. Les années
90 et le début des années 2000 ont vu le
renouveau de concepts que ces fondateurs
défendaient. L'altermondialisme, par
exemple, qui prône un rééquilibrage des
relations économiques entre pays riches
et pauvres, est l'enfant du
tiers-mondisme.
En outre, les pays émergents pèsent de
plus en plus sur la scène mondiale. La
Chine, bien sûr, l'Inde, le Brésil,
l'Afrique du Sud et beaucoup d'autres
ébranlent sérieusement les Etats-Unis et
les autres Etats occidentaux. Ces
nations du Sud réussissent petit à
petit, là où les dirigeants du
tiers-monde avaient échoué dans les
années 1960 et 1970. «Le Mouvement des
non-alignés conserve une signification
politique en ce qu'il exprime la volonté
d'un grand nombre de pays de garder ses
distances vis-à-vis de l'Ouest, analyse
Zaki Laïdi, Le non-alignement
aujourd'hui, c'est ne pas s'aligner
complètement sur l'Occident, au moment
où, d'ailleurs, on s'intègre de plus en
plus dans l'économie mondiale. Plus vous
vous intégrez dans la mondialisation, à
l'économie capitaliste, plus vous vous
dites: dans ce monde quelle marge de
manoeuvre et d'appréciation personnelle
je garde.» Il reste à savoir si c'est au
sein du Mouvement des non-alignés qu'ils
peuvent faire entendre leur voix. Il
existe aujourd'hui d'autres instances à
travers lesquelles ils peuvent
s'imposer. A commencer par le G20 qui
regroupe les vieilles nations riches et
les pays émergents comme l'Inde, la
Chine, la Corée du Sud, le Brésil, le
Mexique ou l'Afrique du Sud. Un forum
aujourd'hui incontournable. Il y a
également le groupe informel des Brics
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du
Sud), ou encore le Groupe de Shanghai,
qui réunit la Chine, la Russie et les
pays d'Asie centrale producteurs de
pétrole ou de gaz. «Ce qui est important
c'est la proclamation du respect de la
souveraineté nationale économique et
politique. Et la non-reconnaissance du
droit de certains pays à s'autoproclamer
communauté internationale, je parle de
l'ambassadeur des Etats-Unis suivi dans
les minutes qui suivent par les
ambassadeurs des pays européens et avec
deux ou trois acolytes comme les
´´grandes démocraties´´ l'Arabie
Saoudite et le Qatar», martèle
l'Egyptien Samir Amin, figure de la
mouvance tiers-mondiste et
anticapitaliste depuis les années 60».
(3)
L'énigme
Ban Ki-moon
Constants dans leur diabolisation de
l'Iran, les pays occidentaux (l'Empire
et ses vassaux) ont tout fait pour
dissuader Ban Ki-moon de faire le voyage
qu'il fit à l'insu de son plein gré. Ce
dernier «décida» finalement d'y aller
avec des instructions claires. Tancer
l'Iran sur son programme nucléaire et
ressasser la vieille fausse rengaine
faisant dire à Ahmadinejad qu'il veut la
destruction d'Israël. Mieux encore pour
Ban, la remise en cause de l'holocauste
est un crime abominable.: «Je rejette
fermement les menaces émises par un État
membre (de l'ONU, Ndlr) d'en détruire un
autre, ou les commentaires révoltants
niant des faits historiques comme
l'Holocauste».
Hypocritement, Ban Ki-moon a rappelé les
idéaux du Mouvement aux membres des
non-alignés (MNA) et a appelé à une
campagne mondiale pour leur mise en
place: «Nous devons défendre les idéaux
du mouvement que sont la paix et
l'égalité et faire des efforts pour la
réalisation de ces idéaux. Il a défini
le Mouvement comme un élément clé dans
le maintien de la paix mondiale et
souligné que le MNA devait travailler en
coordination avec l'ONU afin que ces
institutions internationales, y compris
le Conseil de sécurité, soient le reflet
de la réalité d'aujourd'hui. A l'instar
du Guide suprême, le secrétaire général
de l'ONU a décrit la prolifération des
armes nucléaires comme «une menace
majeure contre les pays du monde»,
ajoutant que «l'Iran pouvait jouer un
rôle constructif dans la lutte contre la
prolifération des armes nucléaires». Il
n'explique pas pour autant l'impunité
d'Israël sur le dossier nucléaire.
Pour Karim Sadjadpour, chercheur
associé: «Manifestement, il apparaît que
l'opération de communication de Téhéran
a réussi», «L'Iran va se servir de cette
caisse de résonance médiatique pour sa
propre propagande et ses gesticulations
sur la scène internationale.» À
l'ouverture jeudi, l'Ayatollah Khamenei
a répété que l'Iran «ne cherchera[it]
jamais à avoir l'arme atomique».
«Comment expliquer que les pays
disposant de la bombe atomique n'aient
pas réduit leur arsenal, comme le
stipule le Traité de non-prolifération
(TNP)? Comment expliquer que l'Iran,
signataire de ce traité, aujourd'hui
toujours sous contrôle de l'Aiea, qui ne
dispose d'aucune preuve qu'elle cherche
la bombe, demeure aujourd'hui la
principale menace dans les relations
internationales? Pendant ce temps,
d'autres pays, qui n'ont pas signé le
TNP, ne posent aucun problème», souligne
le chercheur. Le dernier rapport
trimestriel de l'Agence internationale
de l'énergie atomique sur l'Iran,
attendu jeudi ou vendredi, doit révéler
que l'Iran a encore augmenté sa capacité
d'enrichissement d'uranium, ce que lui
permet le TNP, dans un but strictement
civil.(4)
120 pays sur 193 à
l'ONU, soit plus de 62% de la planète
ont un avis à donner
«A partir du moment où des pays refusent
la politique du Nouvel Ordre basée sur
une rapine des pays vulnérables (BM,
FMI, OMC) avec le bras armé de l'Otan,
tout est fait pour les discréditer.
Depuis la chute de l'Urss, le monde ne
s'est jamais aussi mal porté et les pays
non-alignés - en majorité arabes et
musulmans - sont dépecés au gré de la
prédation et de la curée, l'Afghanistan,
l'Irak, le Soudan, le Yémen, la Libye,
ou reformatés selon le GMO comme la
Tunisie, l'Egypte qui, franchement,
écrit François Asselineau peut désormais
être contre ces grands principes?
Principes qui sont d'ailleurs en
parfaite harmonie avec les principes du
droit international, tel qu'il a été
codifié par la Charte des Nations unies?
Le Guide suprême de la République
islamique d'Iran a prononcé le discours
d'inauguration du 16e Sommet du
Mouvement des pays membres non-alignés
au cours duquel il a déclaré que le
monde est désormais «en mouvement vers
un nouvel ordre international où le
Mouvement des non-alignés (2/3 de la
population mondiale) peut et doit jouer
un nouveau rôle. Ce nouveau système doit
être fondé sur la participation de
toutes les nations et sur l'égalité de
leurs droits. [...] La gestion du monde
ne doit pas être exclusivement aux mains
de quelques pays occidentaux.» Les
médias occidentaux se sont focalisés sur
l'incident survenu lorsque le président
égyptien Morsi a qualifié le
gouvernement d'Assad d' «oppressif et a
souhaité son renversement». Son
intervention a provoqué le départ de la
délégation syrienne. Jeudi 30 août, le
représentant du commissaire des droits
de l'Homme à l'ONU a qualifié de fausses
les informations diffusées sur les
événements syriens: «Les médias ne
couvrent pas tel qu'il le faudrait les
incidents en Syrie, les médias accusent
le pouvoir en Syrie de tout crime qui y
survient alors que nos informations
témoignent du contraire.» (5)
L'Iran a marqué un point contre les
Occidentaux qui tentent de l'isoler en
recevant cette semaine les représentants
de 120 pays non-alignés, mais ses
efforts pour redorer son prestige
international ont été mis à mal par son
dossier nucléaire controversé, estiment
les analystes.
L'Iran a marqué un point contre les
Occidentaux qui tentent de l'isoler
L'événement a ´´permis à l'Iran de
montrer qu'il a encore des amis et des
partenaires en dépit des efforts
internationaux pour l'isoler´´, admet
Dina Esfandiary, analyste à l'Institut
international des études stratégiques
(IISS) de Londres interrogée par l'AFP.
Publié en plein Sommet, le dernier
rapport de l'Agence internationale de
l'énergie atomique (AIEA) est toutefois
venu rappeler la controverse autour du
programme nucléaire iranien. Les
représentants des 120 pays membres ont
adopté une déclaration finale affirmant
notamment le droit de tous les pays à
l'énergie nucléaire pacifique, le refus
de toutes sanctions unilatérales et
menaces militaires contre un pays, le
soutien à la création d'un État
palestinien et la nécessité du
désarmement nucléaire. Les États-Unis
ont réagi en avertissant à nouveau
Téhéran que le temps de la diplomatie
pour résoudre le problème nucléaire ne
durerait pas «indéfiniment».(6)
Conclusion
Cela dit, ce Sommet s'est tenu en Iran,
pays isolé par les Occidentaux qui ont
toujours la fâcheuse manie de parler au
nom de toute la planète. La volonté de
nuire à l'Iran et de perturber le
«Sommet du Mouvement des non-alignés» a
été manifeste. Malgré des présences
intempestives telles que celles des pays
«aux avant-postes de la démocratie et
des droits de l'Homme» tels que le Qatar
et surtout l'Arabie Saoudite. Le Sommet
de Téhéran est une réussite puisqu'il a
abouti à un rééquilibrage des relations
internationales. Ce rééquilibrage
constitue une nouvelle étape sur la voie
d'un monde multipolaire après celle des
trois double veto russe et chinois qui
ont empêché les États-Unis d'utiliser
«le Conseil de sécurité» pour mettre en
oeuvre leurs politiques d'agression.
Ce Sommet de Téhéran, malgré toutes les
embûches et les couacs, montre que la
vraie communauté internationale est
soucieuse de la paix du monde, de
l'harmonie et de l'égale dignité des
peuples. Aura-t-elle les coudées
franches pour asseoir ses idées à
l'Assemblée des Nations unies dans les
votes concernant la Syrie, la Palestine,
la dénucléarisation? Rien n'est moins
sûr! La doxa occidentale est toujours à
la manoeuvre. De plus, il faut bien le
dire, le monde a profondément changé,
avec l'apparition de nouveaux blocs (Brics,
les pays du groupe de Shangaï), voire la
position énigmatique de l'Inde, qui se
regroupent non plus par idéologie
généreuse mais par intérêt économique.
Ce qu'il y a de sûr est que l'Iran a
gagné une bataille médiatique mais la
paix du monde est loin d'être acquise.
Il reste que les voeux utopistes de
l'économiste Samir Amin sont toujours
d'actualité. Aux «Damnés de la Terre» de
les concrétiser en ne comptant que sur
eux-mêmes c'est cela leur vraie
boussole.
1. Le Mouvement des non-alignés.
Encyclopédie Wikipédia
2.
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/A-quoi-sert-le-mouvement-des-Non-Alignes-aujourd-hui-_EP_-2012-08-30-847895
3. C. Champin
http://www.rfi.fr/general/20120830-deuxieme-vie-mouvement-non-alignes
4. htt//www.lepoint.fr/monde/le-monde-a-t-il-reussi-a-isoler-l-iran-30-08-2012150074124.php
5.
http://sos-crise.over-blog.com/article-les-non-alignes-a-teheran-un-succes-a-mediter-fran-ois-asselineau-109619948.html
6. L'Iran a marqué un point contre les
Occidentaux qui tentent de l'isoler. AFP
le 01.09.12
Professeur émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 4 septembre
2012 avec l'aimable autorisation de
l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Le
dossier Iran
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