Opinion
OPA sur la ligue
arabe et bradage de la Palestine
La nuisance du Qatar
Chems
Eddine Chitour
Samedi 4 mai 2013
«Etendez vos pieds
selon la longueur du tapis».
Proverbe
arabe
On pensait avoir tout dit de la nuisance
du Qatar. Il n'en est rien. Nous
découvrons chaque jour l'étendue de sa
capacité de malfaisance proportionnelle
à une rente imméritée et inversement
proportionnelle à l'intelligence. Ceci,
du fait d'un machiavélisme qui fait que
sa diplomatie est celle du chéquier à
laquelle personne, apparemment, ne
résiste. Souvenons-nous, à titre
d'exemple, des enveloppes de 10.000
dollars remises par l'ambassadeur du
Qatar en France à chacun de ses invités
lors d'une réception.. Justement, cette
diplomatie du chéquier fait des ravages.
On se souvient aussi de la
réconciliation spectaculaire entre le
Hamas et le Fatah à Doha. Il n'est pas
étonnant dans cet ordre d'idées au nom
d'une impunité des grands, que le Qatar
se croit tout permis.
Nous allons, dans cette contribution,
traiter de deux chancres dans le corps
arabe. L'affaire syrienne et le
douloureux problème palestinien.
Plusieurs écrivains se sont penchés
justement sur cette mécanique du diable
et apportent un éclairage. Dans une
contribution remarquable, Majed Nehmé a
interviewé Nicolas Beau et Jacques-Marie
Bourget. Ces deux journalistes ont
enquêté sur ce minuscule État tribal,
obscurantiste et richissime, qui, à coup
de millions de dollars et de fausses
promesses de démocratie, veut jouer dans
la cour des grands en imposant partout
dans le monde sa lecture intégriste du
Coran.
Ecoutons-les: " (...) L'on y a
l'impression de séjourner dans un pays
virtuel,(...) convaincus qu'il y avait
une stratégie de la part du Qatar enfin
de maîtriser l'Islam, aussi bien en
France, que dans tout le Moyen-Orient et
en Afrique. D'imposer sa lecture du
Coran qui est le wahhabisme, donc
d'essence salafiste, une interprétation
intégriste des écrits du Prophète. (...)
Le paradoxe du Qatar, qui prêche la
démocratie sans en appliquer une seule
once pour son propre compte, nous a
crevé les yeux. (...) Il existe une
folie des grandeurs. L'autre vérité est
qu'il faut, par peur de son puissant
voisin et ennemi saoudien, que la
grenouille se gonfle. Enfin, il y a la
religion. Un profond rêve messianique
pousse Doha vers la conquête des âmes et
des territoires. (...) " (1)
Allant plus loin dans la description du
machiavélisme, les deux auteurs
attribuent l'impunité du Qatar au
parapluie américain. " Certains avançant
que le souverain est un roi malade,
poussent la montée vers le trône, son
fils désigné comme héritier, le prince
Tamim. (...) La présence de l'immense
base Al-Udaï est, dans l'immédiat, une
assurance-vie pour Doha. L'Amérique a
ici un lieu idéal pour surveiller,
protéger ou attaquer à son gré dans la
région. Protéger l'Arabie Saoudite et
Israël, attaquer l'Iran. (...) Il faut
que le public sache enfin que le Qatar
est le champion du monde du double
standard: celui du mensonge et de la
dissimulation comme philosophie
politique. Par exemple, des avions
partent de Doha pour bombarder les
taliban en Afghanistan alors que ces
mêmes guerriers religieux ont un bureau
de coordination installé à Doha, à
quelques kilomètres de la base d'où
décollent les chasseurs partis pour les
tuer ". (1)
La
démission probable de Lakhdar Brahimi
" Regardons ce qui se passe dans ce coin
de désert. Les libertés y sont absentes,
on y pratique les châtiments corporels,
la lettre de cachet, c'est-à-dire
l'incarcération sans motif, est une
pratique courante. (...) La " justice ",
à Doha, est directement rendue au palais
de l'émir, par l'intermédiaire de juges
qui, le plus souvent sont des magistrats
mercenaires venus du Soudan. Au regard
des " printemps arabes ", où le Qatar
joue un rôle essentiel, il faut observer
deux phases. Dans un premier temps, Doha
hurle avec les peuples justement
révoltés. On parle alors de " démocratie
et de liberté ". Les dictateurs mis à
terre, le relais est pris par les Frères
musulmans qui sont les vrais alliés de
Doha ". (1)
" En Libye, poursuivent les auteurs,
nous le montrons dans notre livre,
l'objectif était à la fois de restaurer
le royaume islamiste d'Idriss tout en
essayant de prendre le contrôle de 165
milliards. (...) Au Sahel, les
missionnaires qataris sont en place
depuis cinq ans. Réseaux de mosquées,
application habile de la zaqat, la
charité selon l'Islam, le Qatar s'est
taillé, du Niger au Sénégal, un
territoire d'obligés suspendus aux
mamelles dorées de Doha. (...) La Syrie
n'est qu'une extension du domaine de la
lutte avec, en plus, une surenchère: se
montrer à la hauteur de la concurrence
de l'ennemi saoudien dans son aide au
djihad ". (1)
Justement, s'agissant de la politique
syrienne, on apprend que Lakhdar Brahimi
est tenté de démissionner du fait d'une
situation intenable mise en place par le
Qatar selon Richard Gowan, de
l'Université de New York. Le médiateur,
ajoute M.Gowan, a été "pris au piège,
entre un régime syrien qui l'a traité
avec mépris et des gouvernements arabes
sunnites qui ne veulent pas de compromis
avec (le président syrien) Bachar al-Assad".
Certains diplomates évoquent la
possibilité que M.Brahimi garde un rôle
de conseiller auprès de M.Ban sur la
Syrie ou le Proche-Orient, avec l'idée
qu'il puisse entrer de nouveau en scène
au cas où le régime syrien s'écroule et
que l'ONU doive organiser une opération
internationale d'aide à la population
syrienne. (2)
Pour rappel, l'accord de Genève adopté
par le groupe d'action le 30 juin 2012
parlait d'une transition en Syrie.
Washington estime qu'il ouvre la voie à
l'ère "post-Assad", tandis que Moscou et
Pékin affirment qu'il revient aux
Syriens de déterminer leur avenir. Les
deux parties en conflit continuent, en
effet, de camper sur leurs positions et
refusent de faire les concessions
nécessaires à l'amorce d'un dialogue. Le
pouvoir syrien reproche à Lakhdar
Brahimi, d'aller en fait vers une
partition, une " yougoslavisation " de
la Syrie comme ce que Peter Fitzgerald
avait avancé pour le démantèlement de la
Yougoslavie. Nous aurons, dans un
premier temps, la réduction des pouvoirs
de l'Etat central comme ce fut le cas de
la Yougoslavie avec les " Accords de
Dayton " qui ont mis fin à la
Yougoslavie du maréchal Tito, l'un des
piliers des non-alignés avec Nehru, Chou
En-Lai et Nasser. Comme conséquence,
nous aurons aussi un démantèlement des
institutions militaires, ce qui
permettra par analogie avec le TPIY, un
tribunal pénal international pour la
Syrie: le TPIS...
Rejeté par la Syrie, diabolisé par le
Qatar, Lakhdar Brahimi est tenté de
démissionner:
" Lakhdar Brahimi, écrit Hassan Moali, a
compris qu'il est pratiquement le seul à
croire à la solution politique
conformément aux accords de Genève. Sa
démission relève alors de la dignité
d'un homme qui ne veut pas cautionner la
"qatarisation" de la Ligue arabe, avec
la complicité de son secrétaire général
qui s'apprête lui aussi à "vendre" son
poste, histoire de déplacer pour de vrai
le centre de gravité du Monde arabe du
Caire à Doha ". (3)
La mise
aux enchères de la Ligue arabe moribonde
Il est connu en effet, que la tentation
d'empire avec un sabre nain fait partie
du délire du Qatar. Pour cela, sa
diplomatie du chéquier fait merveille.
Fahim Amraoui explique comment le Qatar
a, comme objectif, une OPA sur la Ligue
arabe qui lui permettra de mettre en
place par procuration la paix
israélienne. Nous lisons: " Selon un
ancien diplomate algérien au
Moyen-Orient, le Qatar exploite le
contexte de crise politique, mais
surtout économique dans laquelle
s'enlise l'Egypte pour lui arracher le
poste de secrétaire général de la Ligue
arabe. Les tractations ont commencé
depuis quelques mois. Et l'émir du Qatar
a officiellement demandé, lors de ce 24e
Sommet, qui s'est tenu à Doha, au
président égyptien Mohamed Morsi de ne
plus présenter de candidat à ce poste et
de faire en sorte que la présidence de
la Ligue arabe échoit au Qatar". Le
président Morsi, en difficulté sur le
plan interne en raison de la crise
économique, a besoin de financements
extérieurs. (..) Le Qatar aurait même
proposé un chèque "de près de 7,2
milliards de dollars en contrepartie de
ce poste qui est toujours revenu à
l'Egypte". (...) " (4)
" Bien que Lakhdar Brahimi bénéficie,
écrit Hassan Moali, toujours de la
confiance de Ban Ki-moon et des
Etats-Unis ainsi que du soutien de la
Russie, le Qatar ne renonce pas à ses
manoeuvres pour avoir sa peau "coûte que
coûte". Et pour cause, Doha pousse à
fond l'option de l'armement des
rebelles, en compagnie de l'Arabie
Saoudite, pour abattre le régime de
Bachar Al Assad. Il fallait donc
déblayer le terrain. Comment? En mettant
la tête de Brahimi à prix. D'où les
spéculations et autres rumeurs
récurrentes sur la prétendue démission
du diplomate algérien, que Doha et son
canal Al Jazeera se chargent de relayer.
Mais, en fin diplomate rompu aux
manoeuvres de coulisses, Brahimi reste
incassable et tient tête aux coups
fourrés venus de Doha. Pour l'instant.
(...) Il a plusieurs fois remis les
responsables de l'émirat à leur place en
leur expliquant qu'il ne travaillait pas
chez eux. (...) Sans doute que le prince
Hamed Bin Jassem avait prévu de sortir
son chéquier, croyant pouvoir acheter
tout le monde. C'est sa "recette"
miracle qui lui a permis de se mettre
dans la poche tous les fonctionnaires de
la Ligue arabe, y compris le secrétaire
général, Nabil Al Arabi. (...) La
démission de Nabil Al Arabi n'est
qu'"une simple formalité"". (5)
Hassan Moali nous parle " d'empêcheurs
de voler en rond " de grain de sable
dans la mécanique qatarie: " (...) Mais
une sorte "front de refus" empêche Doha
de régner au sein de la Ligue arabe. Et
l'Algérie, même si sa voix ne porte plus
comme avant, tente, selon nos sources,
de résister à la razzia qatarie en
compagnie de l'Irak, la Mauritanie et
parfois le Liban. (...) On se souvient
du fameux "vous, les Algériens, votre
tour viendra" qu'aurait lancé le
ministre qatari des Affaires étrangères
à son homologue Mourad Medelci, quand ce
dernier s'était opposé à une résolution
"hard" contre la Syrie. Comble du
paradoxe, l'adjoint de Nabil Al Arabi,
l'Algérien Ahmed Ben Hilli, s'avère plus
Qatari que ses généreux sponsors. Il
porte bien son nom... Voici un passage
sulfureux du livre des deux journalistes
du Figaro à propos de "notre
compatriote": "Ahmed Ben Hilli est prêt
à défendre les positions du Qatar. A tel
point que dans une réunion à huis clos,
il a reçu une volée de bois vert de la
part du représentant algérien qui lui a
lancé à la figure: " Tu n'es pas
Algérien! Tu es un lâche!'" (...)
L'argent est l'arme de destruction
massive de l'émirat, sachant qu'il est
imbattable sur ce terrain d'achat des
consciences ".(5)
Le bradage
de la cause palestinienne:
S'agissant de la Palestine, là encore
tout est fait pour enterrer en grande
pompe les droits inaliénables
palestiniens. Quand on veut évoquer la
politique du Qatar face aux
Palestiniens, comme rapporté par Mejid
Nehmé: " (...) Il faut s'en tenir à des
images. Tzipi Livni, qui fut avec Ehud
Barak la cheville ouvrière, en 2009, de
l'opération Plomb durci sur Ghaza - 1500
morts - fait régulièrement ses courses
dans les malls de Doha. Elle profite du
voyage pour dire un petit bonjour à
l'émir. Un souverain qui, lors d'une
visite discrète, s'est rendu à Jérusalem
pour y visiter la dame Livni...
Souvenons-nous du pacte signé d'un côté
par HBJ et le souverain Al-Thani et de
l'autre, les États-Unis: la priorité est
d'assister la politique d'Israël. Quand
le " roi " de Doha débarque à Ghaza en
promettant des millions, c'est un moyen
d'enferrer le Hamas dans le clan des
Frères musulmans pour mieux casser
l'unité palestinienne. C'est une
politique pitoyable. Désormais, Mechaal,
réélu patron du Hamas, vit à Doha dans
le creux de la main de l'émir. Le rêve
de ce dernier - le Hamas ayant abandonné
toute idée de lutte - est de placer
Mechaal à la tête d'une Palestine qui se
situerait en Jordanie, le roi Abdallah
étant déboulonné. Israël pourrait alors
s'étendre en Cisjordanie. Intéressante
politique-fiction.(1)
Pourtant, il y a à peine trois mois, un
rapport d'experts indépendants commandé
par la Conseil des droits de l'homme des
Nations unies a demandé hier l'arrêt
immédiat des colonisations dans les
territoires palestiniens occupés et le
retrait progressif de tous les colons,
évoquant pour la première fois un
éventuel recours devant la Cour pénale
internationale. Selon ce rapport rendu
public hier à Genève, " un nombre
important de droits de l'homme des
Palestiniens sont violés de façons
diverses en raison de l'existence de ces
colonies de peuplement ". " Conformément
à l'article 49 de la 4e Convention de
Genève, Israël doit cesser toute
activité de peuplement dans les colonies
et ce, sans conditions préalables. Il
doit immédiatement commencer un
processus de retrait de tous les colons
des territoires occupés ", souligne le
rapport dans ses recommandations (...)
La mission appelle " tous les Etats
membres " des Nations unies à assumer
leurs obligations et responsabilités au
regard des lois internationales dans
leurs relations avec un État " violant
les normes péremptoires " des lois
internationales.Constatant les
violations de "certaines obligations
selon les lois humanitaires
internationales", le rapport souligne la
compétence de la Cour pénale
internationale.(6)
Quelle fut la réponse de la " Communauté
internationale "? Aucune! Israël a
rejeté ce rapport et naturellement,
aucune reprise par les médias, le
rapport est donc enterré. Mieux,
poursuivant sa politique du rouleau
compresseur, Israël envisage de
construire un mur entre Bethléem et
Jérusalem. Les Palestiniens chrétiens en
appellent au pape... On sait que la
Ligue arabe n'a jamais été que
l'antichambre de la politique
égyptienne, l'OPA du Qatar permettrait à
ce dernier de brader sans état d'âme ce
qui reste de l'unité arabe et de sa
position concernant la cause
palestinienne: "
« Les pays arabes, lit-on sur une
dépêche de l'Orient le Jour ont donné un
signe d'assouplissement de leur
initiative de paix au Proche-Orient, le
Premier ministre du Qatar évoquant un
échange de territoires entre Israël et
les Palestiniens au lieu du retour
strict aux frontières de 1967 que la
Ligue arabe réclamait jusqu'alors. (...)
Le dirigeant qatari s'est exprimé au nom
de la Ligue arabe. Israël s'est
félicité, mardi dernier, de la nouvelle
position des pays arabes sur les
frontières d'un futur Etat palestinien.
"Il s'agit certainement d'une étape
importante et je m'en réjouis", a
déclaré la ministre israélienne de la
Justice, Tzipi Livni, chargée du dossier
des négociations avec les Palestiniens.
Le plan d'inspiration saoudienne prévoit
une normalisation des relations entre
les pays arabes et Israël en échange du
retrait israélien des territoires arabes
occupés depuis juin 1967, la création
d'un Etat palestinien avec Jérusalem-Est
pour capitale et un règlement "équitable
et agréé" de la question des réfugiés
palestiniens sur la base de la
résolution 194 de l'Assemblée de l'ONU.
Ce plan présenté lors du Sommet arabe de
Beyrouth, en 2002, a été relancé en mars
2007 au Sommet de Riyad ".(7)
Rien ne peut arrêter l'ambition du
roitelet qatari si ce n'est l'avènement
du gaz de schiste qui fera que les
Américains seront de plus en plus
autonomes, et partant, de plus en plus
lucides....
1. Mejid Nehmé http://www.legrandsoir.
info/le-qatar-champion-du-mensonge-et-de-la-dissimulation.html
2. Syrie: le médiateur Lakhdar Brahimi
sur le point de démissionner AFP
01.05.2013
3. Hassan Moali: Lakhdar Brahimi sur le
départ. El Watan le 2 05 2013
4. Fahim Amraoui
http://www.algeriepatriotique.com/article/un-ancien-diplomate-algeriepatriotique-le-qatar-veut-acheter-le-ligue-arabe-pour-72-milliard
Mardi 30 avril 2013
5.
http://www.elwatan.com/international/le-qatar-veut-la-tete-de-lakhdar-brahimi-30-04-2013-212107_112.php
6. Un rapport d'experts de l'ONU demande
le retrait des colonies israéliennes AFP
01/02/2013
7.
http://www.lorientlejour.com/article/812450/les-arabes-prets-a-assouplir-leur-offre-de-paix-au-proche-orient.html
30 04 2013
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Nationale Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 23 avril 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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