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L'EXPRESSIONDZ.COM
LA CANDIDATURE D'EL BARADEI
Yes we can !
Pr Chems Eddine Chitour
Jeudi 4 mars 2010 «Le véritable
progrès démocratique n’est pas d’abaisser l’élite au niveau de
la foule, mais d’élever la foule vers l’élite.»
Gustave Le Bon
Depuis quelques mois un
vent d’espoir souffle en Egypte: un homme ose défier le pharaon
d’opérette qui a mené son pays à la ruine morale et matérielle.
Il s’agit d’El Baradei, Avec 83 millions d’habitants, l’Egypte a
un seul record à son actif: c’est le pays le plus peuplé des
pays parlant arabe. L’’Egypte de Moubarak n’a pas la baraka; ne
brille guère par ses performances économiques. C’est le moins
que l’on puisse dire à en juger par le bilan du «Raïs» depuis
son arrivée au pouvoir, en octobre 1981. «La pauvreté, écrit
Samir Gharbi touche près de 42% de la population et le chômage a
plus que doublé (11% contre 5%). La structure économique est
restée quasi inchangée alors que la livre égyptienne a perdu 87%
de sa valeur face au dollar américain. En fait, l’économie
égyptienne ne tient que grâce à l’aide extérieure, américaine
surtout: 47 milliards de dollars en vingt-deux ans.» (1)
C’est donc un pays exsangue, plus connu pour ses émeutes de la
faim que pour la pertinence des rodomontades de Moubarak à
l’endroit de l’Algérie se permettant même de se citer en
exemple, «C’est moi ou l’Algérie», disait-il pendant la tragédie
nationale de l’Algérie pour arracher l’appui et l’aumône des
Américains. Parmi les autres points à ajouter, le rôle peu
glorieux de l’Egypte vis-à-vis de Ghaza. «Le régime égyptien,
qui s’était rendu impopulaire par sa gestion de la guerre, une
gestion fortement sujette à caution, notamment par son
verrouillage hermétique des frontières avec Ghaza en plein
déluge de feu sur la Palestine, vient d’aggraver son cas en
annonçant l’édification d’un rempart métallique censé
neutraliser les tunnels creusés entre l’Egypte et la Palestine
pour desserrer un peu l’étau sur la population ghazaouie.
Aujourd’hui, on reproche à l’Egypte d’entraver l’acheminement de
l’aide internationale vers les Territoires occupés. Dernier fait
en date: un convoi humanitaire, conduit par le député
britannique George Galloway, s’est vu refuser l’accès à Ghaza
par la mer Rouge (port de Noueiba), qui représente le chemin le
plus court, rapporte l’AFP.» (2)
Un pays
exsangue
La carrière politique
de Moubarak commença sous le président de l’époque, Anouar el
Sadate, qui le nomma chef de l’armée de l’air et ministre des
Affaires militaires en 1972. Le président de l’époque, Anouar el
Sadate, fut assassiné le 6 octobre 1981. Moubarak prit le
pouvoir, le 14 octobre 1981. Il poursuivit les politiques de
privatisation et de libéralisme économique «El infitah» déjà
mises en place par Sadate Pour pouvoir autant «durer» et prendre
en otage tout un peuple, il faut reconnaître au «Raïs» l’art de
la magouille. Ainsi, il fit place nette lors des élections
présidentielles «s’arrangeant» pour être le seul candidat.
Dany Lescault-Grenier nous explique la machine à gagner
moubarakienne: «En 2005, après des pressions de la part des
États-Unis, il gagna l’élection au suffrage universel avec 88,5%
d’appuis. À la suite de l’élection, le président Moubarak fit
emprisonner Ayman Nour, son principal opposant durant la course
à la présidence. Tout semble indiquer que 2011 marquera la fin
de la mainmise de Hosni Moubarak sur la présidence de l’Égypte.»
(3) «Sa succession est un enjeu important qui pourrait changer
les relations qu’entretient l’Égypte avec les différents acteurs
internationaux. Deux candidats semblent se distinguer, soit son
fils Gamal Moubarak et Omar Suleiman. Actuel chef des services
de renseignements égyptiens, Omar Suleiman est reconnu pour sa
forte opposition aux Frères musulmans. En 2011, il aura 76 ans.
Après 30 ans de règne, tout indique que 2011 marquera la fin de
Hosni Moubarak comme président de l’Égypte. Sa présidence fut
contestée sur le plan de l’ouverture démocratique et les deux
candidats possibles à sa succession semblent tendre vers une
continuité des politiques mises en place depuis 1981. (3)
On se souvient de la mascarade des dernières élections de 2005
dans une fausse démocratie... Mustaha Tossa décrit à sa façon
comment: «Le Raïs a été reconduit haut la main, avec la
bénediction des Etats-Unis (..) Mascarade électorale, référendum
déguisé et ouverture en trompe-l’oeil, c’est par ces mots durs
et abrasifs que les détracteurs du Raïs égyptien ont décrit
cette reconduction, en grande pompe démocratique, de Hosni
Moubarak à la tête du pays. Une série d’éditoriaux de la presse
américaine sous le titre violent et ironique Our man in Cairo
(notre homme au Caire) trahissait la volonté de l’équipe de
George Bush de transformer l’Égypte en laboratoire à ciel ouvert
d’une démocratisation pacifiée.(...)» (4)
«Que s’est-il passé, entre-temps pour que, partie d’une attitude
volontaire, étonnement, éruptive et totalement réactive aux voix
de la réforme et du changement en Égypte, l’administration Bush
s’engonce dans une surprenante timidité, quand, en réponse à ses
exigences, le régime égyptien lui propose les ingrédients de ce
que l’opposition égyptienne appelle une farce présidentielle? Un
multipartisme sous haute surveillance et une compétition
électorale à sens unique. Plusieurs facteurs sont à l’oeuvre
pour expliquer la paralysie américaine, à la tête desquels se
trouve indéniablement le bourbier irakien. (...) Un travail
d’argumentation et de conviction, d’offre de services et de
menaces sur le thème: si l’Égypte applique les exigences
démocratiques américaines à la lettre, cela ouvrirait un grand
boulevard devant les forces radicales foncièrement hostiles aux
USA pour s’emparer du pouvoir en Égypte, en référence au
mouvement des Frères musulmans, tapi dans l’ombre attendant que
son heure arrive. (...) L’autre facteur qui explique sûrement la
brusque indulgence américaine à l’égard de Moubarak a trait à
l’utilité régionale du régime égyptien. Nul n’ignore le rôle
déterminant joué par le patron des services égyptiens, Omar
Soulaymane, dans l’entente secrète entre Palestiniens et
Israéliens pour faire aboutir le plan de retrait de Ghaza. (...)
Omar Soulaymane est régulièrement décrit par les journaux
israéliens comme le possible successeur de Hosni Moubarak.» (4)
2011, après 30 ans au pouvoir, Hosni Moubarak cédera sa place.
Son fils paraissait être comme le principal candidat à sa
succession. Un grain de sable dans le rouage de l’intronisation:
Qui est l’homme par qui le scandale arrive? Celui qui ose défier
le Raïs, Mohamed El Baradei, est né le 17 juin 1942 au Caire en
Égypte Il a été directeur général de l’Aiea à partir du 1er
décembre 1997. Directeur général de l’Agence internationale de
l’énergie atomique (Aiea) de décembre 1997 à novembre 2009. Le
retour d’El Baradei le 19 février a été fêté comme il se doit
par les Egyptiens de tout bord. Ecoutons la journaliste nous
décrire l’engouement et la sincérité de l’accueil: «Revenu en
Egypte dans l’intention de se porter candidat à l’élection
présidentielle, l’ex-patron de l’Aiea soulève l’enthousiasme
d’une population qui avait perdu tout rêve de changement.
J’étais dans la foule qui a accueilli Mohamed El-Baradei à
l’aéroport du Caire le 19 février. Tous ceux qui étaient là ont
eu l’impression d’assister à un moment historique. La presse a
parlé de quelques centaines de personnes, mais, en réalité, on
était des milliers. Toutes les générations étaient présentes:
des enfants, des vieillards, mais surtout des jeunes, pleins de
vie et d’espoir. (...) C’était un concentré d’Egypte, que le Dr
El-Baradei a décrit ensuite à la télévision, où il s’est exprimé
avec une sincérité palpable: «A mon retour, je me suis retrouvé
en face d’un modèle réduit de l’Egypte.» (...) En observant
cette foule à l’aéroport, j’ai senti un désir de changement chez
les Egyptiens. Le désir de changer tout ce que nous vivons
depuis des décennies». Nolens, volens, le régime de Hosni
Moubarak, qui accapare le pays depuis des décennies, reconnaît
que l’immobilisme ne peut plus durer. Ses hommes font à présent
la promotion de Gamal, le fils du président, évoquant une
«nouvelle pensée». Cela revient à dire que le régime tel qu’il
est aujourd’hui doit avoir une «pensée» bien archaïque. Ils
croyaient pouvoir mener à bien leur projet d’introniser le fils
comme successeur du père. Ils étaient sûrs d’arriver à leurs
fins en faisant accroire que le fils serait la seule alternative
au père.Nous étions à l’aéroport dès 10 heures. L’avion devait
arriver à 15 heures, mais il a eu deux heures de retard.
Certains commençaient à sentir la fatigue, la faim et la soif,
mais personne ne songeait à repartir. Au contraire, d’autres
arrivaient. Nous lisions les uns dans les yeux des autres, cette
attente de voir notre espoir se concrétiser d’un instant à
l’autre. On chantait l’hymne national, des chants patriotiques
et on criait des slogans tels que: «El-Baradei, on est tous avec
toi. On ne reculera pas. Pendant quelques instants, j’ai eu
peur. Peur que tout cela se limite à un rêve, sans possibilité
de le réaliser. Je me suis demandé si l’homme aurait le courage
de tenir, s’il accepterait de prendre sur lui la responsabilité
dont nous l’investissons, s’il pourrait résister à ce régime qui
accapare le pouvoir et les ressources depuis si longtemps et
s’il sortirait indemne des campagnes de dénigrement ayant pour
but de salir sa personne, et à travers elles, le peuple tout
entier. Finalement, sa voiture a pu se frayer un passage. Puis
les gens sont repartis, seuls ou en groupes.Beaucoup avaient des
pancartes arborant sa photo avec le slogan «El-Baradei
président!» «Puisqu’il n’est pas avec eux [le régime], ce doit
être quelqu’un de bien. Mais est-ce qu’il ne va pas se faire
écraser? Ces gens-là, ma fille, sont sans foi ni loi!» Nous
avons besoin de reprendre confiance et de dépasser le sentiment
d’impuissance qui nous inhibe. Les intellectuels, les artistes
et les écrivains ont désormais le devoir de se montrer courageux
et de saisir toutes les occasions d’en finir avec la tyrannie.
Cette journée m’a fait comprendre que nous ne sommes pas
impuissants. Nous pouvons agir. Maintenant. Tout de suite.»(5).
Le candidat
de l’espoir
«Là-bas j’ai vu des
paysans, venus de diverses régions d’Egypte, portant des
banderoles où étaient inscrits les noms de leurs gouvernorats;
des gens à qui Mohamed El Baradei n’avait rien payé pour qu’ils
viennent lui souhaiter la bienvenue. J’ai vu des familles
égyptiennes participant pour la première fois à des événements
politiques....Le nombre de femmes était notable, leur grand
nombre témoigne du réveil des mouvements féminins égyptiens, et
de la manière dont ils ont brisé les barrières des traditions et
de la peur qui entravaient leur participation aux affaires
publiques.(...) L’écrivain égyptien Alaa El Aswany lui-même
écrit sur son blog, pourquoi il faudrait être derrière Mohamed
El Baradei aux prochaines élections: Le Dr Mohamed El Baradei a
nombre de qualités impressionnantes qui l’ont rendu populaire.
M.El baradei a prouvé à quel point il aime le pays quand il a
fait don de tout l’argent de son prix Nobel pour aider les
habitants des bidonvilles, et a ensuite publiquement critiqué la
corruption et l’oppression en Egypte, s’ouvrant les portes de
l’enfer. Avec un peu de dissimulation il aurait pu rester ami
avec le régime et obtenir un poste important au gouvernement
s’il l’avait voulu, mais sa dévotion à la vérité a été plus
forte que son intérêt personnel. Aussi, aux yeux des Egyptiens,
M. El Baradei est-il un patriote qui est compétent et honorable,
dont les mains ne sont pas tachées par la corruption? Tout cela
vaut au Dr El Baradei l’estime de tous les segments du spectre
politique égyptien, depuis les Frères Musulmans jusqu’à la
gauche en passant par les libéraux et même les Coptes de la
diaspora.» (6)/Sa popularité ne cesse de grandir. Sur Facebook,
plus de 51 groupes notamment «El-Baradei président 2011» et
«Avec El-Baradei, yes we can» se sont formés rassemblant près de
100.000 personnes favorables à sa candidature. Interrogé par la
chaîne de télévision Dream TV, M.El-Baradei s’est dit «prêt à
être candidat à la présidentielle 2011, si le peuple me le
demande, peu importe qui se présentera contre moi à l’élection».
M.Moubarak ne serait pas sûr de l’emporter si le scrutin était
libre, a expliqué l’ex-patron de l’agence onusienne, renouvelant
ses critiques contre la corruption et la pauvreté et affirmant
que tous les Egyptiens devraient avoir accès aux services
médicaux et à une bonne éducation. Il est toutefois barré par la
Constitution, qui impose aux candidats indépendants d’obtenir
l’appui de 250 élus, dont au moins 65 membres de l’Assemblée
nationale, 25 du Conseil consultatif (Sénat) et au moins dix
élus municipaux, alors que le Parlement et les municipalités
sont dominés par le parti au pouvoir, le Parti national
démocratique (PND). (...) Les médias officiels et des
responsables du PND ont déclenché une violente campagne contre
M.El Baradei, le présentant comme étranger à son pays, incapable
de gérer les affaires intérieures et facteur d’instabilité pour
l’Egypte. «Je tente de mobiliser les masses populaires, qui sont
pour le changement, afin de transformer le système égyptien en
un système démocratique qui assure la justice sociale», a
affirmé M.El Baradei. «Le premier pas de ce voyage est d’amender
la Constitution pour garantir des élections libres et
équitables», a-t-il poursuivi. Mardi 23 février, il a annoncé la
formation d’une «Assemblée nationale pour le changement»
appelant à des élections libres et à la fin des entraves pour
les candidats à la présidentielle. Cette coalition rassemble des
dirigeants des Frères musulmans et du mouvement Kefaya, Ayman
Nour, et Alaa al-Aswany.(7)
Pour le pouvoir en place, écrit Abdelbari Atouan, il est l’épine
dont il faut se débarrasser. En voyant les médias égyptiens
s’acharner contre Mohamed El Baradei, on a l’impression de lire
les organes officiels d’un parti crypto-communiste à la tête
d’un Etat engagé dans une lutte sans merci pour la libération de
la Palestine et contre l’occupation américaine de l’Irak et de
l’Afghanistan. Ils le dépeignent en effet comme un agent des
Etats-Unis, de mèche avec l’Oncle Sam pour dissimuler la réalité
de la bombe israélienne et pour combattre le programme nucléaire
iranien, voire nord-coréen. Ils lui reprochent même d’avoir
contribué à l’invasion en Irak en affirmant que ce pays détenait
des armes de destruction massive. Dieu est grand! Voilà donc que
l’Egypte se fait l’avocat de l’Iran et exprime sa solidarité
avec la Syrie, qui a subi un bombardement israélien à Deir
El-Zor, dans le nord-est du pays, sur ce qui aurait été une
installation nucléaire. (...) A côté des vulgarités qu’ils
déversent actuellement sur El Baradei, leurs invectives contre
les Algériens à l’occasion du match de qualification pour la
phase finale de la Coupe du monde de football [l’Egypte n’a pas
obtenu son ticket pour l’Afrique du Sud] sont d’aimables
plaisanteries. (...) Quant à nous, nous avons envie de remercier
El Baradei, parce qu’il a brisé la peur et mis des bâtons dans
les roues du processus d’intronisation de Gamal Moubarak en tant
que successeur du père.» (8) Nous ne pouvons que souhaiter bon
vent à monsieur El Baradei, en espérant qu’il donne l’exemple à
ces peuples musulmans harassés par les temps morts et qui rêvent
d’un vent de liberté plus que d’un parfum de paradis selon le
juste mot de Burhan Ghalioun. Amen.
1.Samir Gharbi L’économie égyptienne sous
perfusion: Jeune Afrique 19/01/2004
2.Quand Moubarak étouffe Ghaza. El Watan 26 09 2009
3.Dany Lescault-Grenier: 2011 marquera la fin de l’ère Hosni
Moubarak en Égypte.
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=882
4. Mustapha Tossa Moubarak: Le règne le plus long
http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/Archives_664/html_664/moubarak.html
5.Howayda Taha: Mohamed El-Baradei, le générateur d’espoir Al-Quds
Al-Arabi 02.03.2010
6.http://fr.globalvoicesonline.org/2010/03/01/30856/
7. El-Baradei prêt à affronter Moubarak à la présidentielle. AFP
23/02/2010
8.Abdelbari Atouan: Courrier International El Baradei, l’homme à
abattre 01.01.2010
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 4 mars 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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