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L'EXPRESSIONDZ.COM
LE RÊVE DES PEUPLES ÉPRIS DE JUSTICE
Un Etat palestinien
Chems Eddine
Chitour
Lundi 2 mai 2011
«Nous reviendrons l’année prochaine avec un
accord qui amènera un nouvel Etat membre aux Nations unies, un
Etat palestinien indépendant et souverain, qui vivra en paix
avec Israël». Discours d’Obama le 24 septembre 2010, à
l’Assemblée générale des Nations unies.
C’est par ces mots que le président Obama
avait pris date avec l’histoire. Depuis, beaucoup d’eau a coulé
sous les ponts et beaucoup de sang a coulé. Les négociations
ayant échoué, Après onze mois de blocage du processus de paix,
les Palestiniens ont annoncé dimanche, dans l’espoir de sortir
de l’impasse, qu’ils demanderaient au Conseil de sécurité de
l’ONU de reconnaître leur indépendance dans les frontières de
1967..
Pour rappel, chacun a en tête la kermesse des discussions de
septembre 2010 qui ont avorté trois semaines après: Israël ayant
déclaré qu’elle ne freinerait pas l’extension des colonies
malgré des promesses importantes en argent et en armes (une
escadrille de F35) rien n’y fit. Israël persiste et signe:
aucune concession. Obama déclare en décembre 2010 qu’il ne peut
rien faire. Mieux, il bloque toutes les résolutions pouvant
porter préjudice à Israël, notamment celle de l’enquête du juge
Goldstone empêchant à ce jour, le rapport du juge d’être examiné
par le Conseil de sécurité. L’administration Obama a tenté en
effet, avec insistance, de bloquer l’enquête des Nations unies
sur l’opération israélienne «Plomb durci», contre la bande de
Ghaza en décembre 2008 et janvier 2009. C’est ce que démontrent
des télégrammes diplomatiques américains, obtenus par WikiLeaks
et communiqués au site de la revue Foreign Policy. Les
télégrammes montrent que la diplomatie américaine n’a pas
attendu le rapport Goldstone pour entrer en action mais qu’elle
a tenté, dès le printemps 2009, d’empêcher les Nations unies de
procéder au recensement et à l’évaluation des dommages
occasionnés à leurs propres installations par l’armée
israélienne. Susan Rice estime alors qu’une telle enquête n’est
«pas nécessaire» et que l’affaire doit être «classée».(1)
Les effets collatéraux des révoltes arabes
On sait que les révoltes arabes, à des degrés divers, et sans
exclure la catalyse des mouvements par des ingérences externes,
eurent lieu car les peuples étaient saturés par des pouvoirs
rétrogrades installés dans les temps morts se contentant de
gérer leur fortune et distribuant des miettes aux classes
dangereuses. L’un des effets collatéraux justement et, pour une
fois positive est non prévue dans le logiciel occidental de
manipulation d’une façon ou d’une autre des jeunesses arabes
contre leurs dirigeants et la contagion à la jeunesse
palestinienne qui elle aussi est sortie dans la rue (grâce à la
mobilisation sur Facebook) à Ghaza et Ramallah pour amener d’une
façon ou d’une autre les frères ennemis du Fatah et du Hamas à
se mettre autour d’une table et à s’entendre sur l’avenir de la
Palestine. Ce que n’avait pas pu imposer Omar Souleiman le
patron des renseignements sous Moubarak a été réalisé au Caire
mais dans une nouvelle ambiance. Un Comité national des forces
armées qui gère sous le regard vigilant de la jeunesse
égyptienne. Dans la foulée, il annonce l’ouverture prochaine du
terminal de Rafah véritable poumon qui permet d’éviter
l’asphyxie totale de Ghaza et la remise à plat de la coopération
énergétique avec Israël.
On sait que le Conseil national palestinien, corps législatif de
l’OLP, a proclamé l’indépendance d’un État de Palestine le 15
novembre 1988. A ce jour, l’État de Palestine revendiqué par la
Déclaration d’Alger est reconnu par 94 pays membres de l’ONU sur
192. Fin 2010, 5 États sud-américains avec à leur tête le Brésil
reconnaissent l’«État de Palestine avec les frontières de 1967».
Les Palestiniens sont 10 millions et connaissent une importante
diaspora. Plus de 4 millions d’entre eux ont le statut de
réfugiés, suite à l’exode palestinien de 1948 et à la guerre des
Six-Jours. L’Autorité palestinienne avait demandé aux Etats-Unis
de prendre «une position claire sur l’Etat palestinien et sur
les frontières de 1967 (avant la guerre des Six-Jours, Ndlr)
avec Jérusalem-Est pour capitale». A l’occasion de la visite de
Mahmoud Abbas à Paris, la France a rappelé qu’elle considérait
les Palestiniens «plus que jamais prêts à établir un Etat et à
le gérer d’une façon crédible et pacifique», selon une
déclaration du ministère des Affaires étrangères. Devant la
nouvelle tectonique des plaques euro-méditerranéennes, un
nouveau modus vivendi est en train de se mettre en place.
Même si on peut dénoncer çà et là une manipulation externe, les
peuples arabes et principalement les jeunesses relèvent leur
tête et interrogent l’avenir et se veulent les acteurs de leur
destin en boutant dehors leurs anciens dirigeants qui n’ont pas
su ou pu leur proposer un projet d’une société libre fascinée
par l’avenir où chacun pourra et devra donner la dimension de ce
qu’il sait faire en dehors de tout népotisme. où ils peuvent
donner. Le Proche-Orient n’échappera pas à ce reshaping endogène
des peuples. Le Proche-Orient est plus que jamais à la croisée
des chemins.
C’est le sens de l’appel pour un Etat palestinien: «La poursuite
de la colonisation israélienne de la Palestine a conduit les
négociations de paix dans l’impasse. Le désespoir risque de
provoquer l’éclatement d’une troisième Intifada. A l’heure où
les peuples arabes reprennent en mains leur destin, seule une
reconnaissance généralisée de l’Etat de Palestine dans les
frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est pour
capitale, peut ouvrir une perspective nouvelle. Depuis, la
plupart des Etats latino-américains ont reconnu cet Etat de
Palestine. Le 21 avril, le président de la République Nicolas
Sarkozy a fait part au président palestinien Mahmoud Abbas de
son «soutien très clair aux efforts visant la création d’un Etat
palestinien». (...) Ce moment est venu. Le président Mahmoud
Abbas a entamé une tournée afin d’obtenir la reconnaissance de
l’Etat de Palestine. (...) La France et l’Union européenne
doivent prendre l’initiative en reconnaissant sans attendre
l’Etat palestinien dans les frontières d’avant la guerre de 1967
avec Jérusalem-Est pour capitale et en appelant l’ONU à en faire
de même sans délai. Pour que la paix l’emporte sur la guerre.
Pour empêcher de nouvelles tragédies. Pour assurer l’avenir des
deux peuples sur cette même terre». (2)
Du côté israélien nous rapportons la position symbolique de
l’ancien collaborateur d’Itzhak Rabin, Ofer Bronchtein, qui
s’est vu remettre un passeport palestinien des mains de Mahmoud
Abbas. Il en parle: «Abou Mazen (Mahmoud Abbas, Ndlr) m’a
proposé de recevoir un passeport palestinien en octobre dernier.
(...) Je pense être le seul Israélien au monde à avoir à la fois
un passeport français, israélien et palestinien. Je suis la
preuve que c’est tout à fait complémentaire. C’est aussi une
façon de démontrer qu’il faut oeuvrer très rapidement pour la
création d’un Etat palestinien. Etre à la fois Palestinien et
Israélien n’est pas une contradiction. J’espère que cela va
encourager les uns et les autres à faire le nécessaire pour que
l’Etat palestinien soit créé cette année. (....) Surtout
aujourd’hui, à l’heure où un vent de liberté souffle sur le
Monde arabe. Ce vent doit aboutir non seulement à ériger des
régimes démocratique, à rétablir la liberté et la dignité des
peuples de la région mais aussi à construire un espace
arabo-méditerranéen avec des personnes, des marchandises, de
l’information qui peuvent circuler librement. Ce conflit, qui
date depuis presque cent ans, empoisonne le Moyen-Orient et
entrave ce souffle de liberté. Pourtant, il est très facile à
résoudre. On en connaît parfaitement les paramètres de sortie:
la création d’un Etat palestinien, Jérusalem comme capitale de
la Palestine et d’Israël, une solution équitable, juste et
négociée sur les réfugiés, des frontières entre les deux pays
franchissables. Ce qu’il manque aujourd’hui, et c’est ce qu’il
faut encourager, pousser voire imposer, c’est du courage
politique de la part de l’actuel gouvernement israélien. (...)
Si les Américains, suite au discours de Barack Obama au Caire,
il y a plus de deux ans, veulent jouer un rôle dans, avec le
monde arabo-musulman, ils vont être obligés d’avoir une position
claire, nette et courageuse».(3)
Même en Israël
On apprend aussi que l’idée fait son chemin même en Israël. Près
de 50% des Israéliens estiment qu’Israël doit «reconnaître un
Etat palestinien à condition de préserver en Cisjordanie des
blocs de colonies», selon un sondage publié, vendredi 29 avril,
par le quotidien israélien Yediot Aharonot du 28 avril. 48% des
personnes interrogées sont en faveur d’une telle reconnaissance.
Par ailleurs, plus de soixante personnalités israéliennes, parmi
lesquelles 17 lauréats du Prix Israël - la plus haute
distinction nationale dans le domaine des arts, des sciences et
des lettres - s’apprêtent à lancer demain après-midi à Tel-Aviv
un appel à la création d’un Etat palestinien dans les frontières
d’avant la guerre de 1967. «La terre d’Israël est le berceau du
peuple juif, où son identité a été formée. La terre de Palestine
est le berceau du peuple palestinien où son identité a pris
forme», indique le texte de la pétition, qui reprend plusieurs
phrases de la Déclaration d’Indépendance d’Israël et qui
souligne que «la fin complète de l’occupation est une condition
essentielle pour la libération des deux peuples, israélien et
palestinien». «Nous appelons à saluer l’indépendance escomptée
d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, selon les frontières
de notre indépendance fixées lors de l’armistice de 1949». «Nous
avons regardé autour de nous, constaté ce qui se passe dans les
pays voisins et nous nous sommes dits qu’il est temps pour les
Israéliens de faire entendre leur voix, eux aussi, avait alors
expliqué Danny Yatom, avant d’ajouter: nous pensons qu’une telle
initiative peut rassembler un grand nombre d’Israéliens».(4)
Pour le député communiste européen, Patrick Le Hyaric «c’est une
très bonne nouvelle qui nous parvient du Caire. Les responsables
palestiniens du Fatah et du Hamas ont décidé de s’entendre et de
former ensemble un gouvernement provisoire, chargé de gérer la
Palestine et d’organiser les élections législatives et
présidentielle, prévues à l’automne prochain.
Comme dans d’autres pays arabes, la jeunesse a été à la pointe
de la demande d’unité particulièrement à Ghaza. En dénonçant ce
projet d’accord, la direction israélienne montre qu’elle veut
que rien ne change dans cette région du monde. Elle s’en
trouvera encore davantage isolée sur ses positions
injustifiables. (...) L’occupation des Territoires palestiniens,
devenu pays souverain, ferait automatiquement encourir à Israël
des sanctions internationales effectives. D’autre part, un
rapport des Nations unies considère que, désormais, les
conditions économiques d’un Etat viable en Palestine sont
réunies. Cette évolution est partie intégrante du «Printemps
arabe». Elle est aussi peut-être l’une des conditions de sa
réussite».(5)
Dans ce concert de voix pour l’espérance, il faut savoir que le
gouvernement israélien est contre, Benyamin Netanyahu admoneste
Mahmoud Abbas et lui demande de choisir entre la paix avec
Israël et la paix avec le Hamas. Les Etats-Unis ne veulent pas
en entendre parler malgré la promesse du président Obama le 24
septembre 2010. Ces derniers assujettissent cela à des
négociations qui ont lamentablement échoué du fait de la
colonisation à marche forcée d’Israël, notamment pour judaïser
la partie Est de Jérusalem. Les réactions n’ont pas tardé, outre
Israël, les États-Unis se sont opposés, lundi 25 avril, à la
proclamation unilatérale d’un État palestinien. Le meilleur
moyen de parvenir à sa création reste la «négociation» avec
Israël. L’Autorité palestinienne n’a pas contacté les Etats-Unis
ni demandé leur «approbation», a déclaré M.Kelly porte-parole de
la Maison-Blanche, refusant d’indiquer si les Etats-Unis
opposeraient leur veto à cette initiative. L’administration
Obama a déclaré vendredi 29 avril qu’il lui faudra réexaminer sa
politique d’aide à l’Autorité palestinienne si un gouvernement
issu de la réconciliation entre le Fatah et le mouvement
islamiste Hamas devait voir le jour. «Si un nouveau gouvernement
palestinien est formé, nous allons devoir évaluer ses principes
politiques et décider ensuite quelles seront les conséquences
sur notre aide définie par la loi américaine», a-t-il ajouté.
«Nous soutenons la réconciliation palestinienne à partir du
moment où elle encourage la paix», a-t-il précisé, estimant que
«le nouveau gouvernement palestinien quel qu’il soit devra
respecter les principes du Quartette». Les membres du Quartette
(Etats-Unis, UE, Russie et ONU) ont fixé plusieurs conditions
jusqu’ici refusées par le Hamas: cessation des violences,
reconnaissance des accords signés précédemment par Israël et
l’OLP, et reconnaissance du droit à exister d’Israël.
Dans ce sens, l’ancien ambassadeur israélien Dr Zvi Tenney pense
que l’initiative palestinienne de faire voter en septembre
prochain par l’Assemblée générale de l’ONU la reconnaissance
d’un Etat palestinien dont les frontières seraient les lignes de
cessez-le-feu qui prévalaient avant la guerre des Six-Jours de
juin 1967, suscite un certain nombre de remarques qu’il convient
de souligner.(...) Elle ne pourrait avoir aucune valeur
juridique et serait manifestement défectueuse à plusieurs
égards. En premier lieu, l’Assemblée générale de l’ONU n’a
aucune compétence en la matière. Seul le Conseil de sécurité
dispose d’un pouvoir de décision de cet ordre et celui-ci ne
risque pas de prendre une telle résolution car elle serait très
probablement contrée par un veto américain. Une telle
reconnaissance serait de toute façon illégale par l’absence de
frontières de cet Etat ainsi proclamé car la ligne de
cessez-le-feu de 1949 entre Israël et la Jordanie (dite Ligne
verte de 1967) n’a pas valeur de frontière. (...) De plus, selon
la juridiction internationale, une telle déclaration
d’indépendance unilatérale constituerait une violation flagrante
des Accords d’Oslo qui spécifiaient «que toute solution du
conflit palestino- israélien devrait être le fruit de
négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne».
Rappelons que cette résolution 242 prévoit le retrait israélien
from territories, autrement dit de certains territoires occupés
et non pas de tous les territoires occupés lors du conflit de
1967».(6) On le voit, ce n’est pas gagné. Évidemment, une telle
proclamation aurait avant tout valeur politique puisqu’elle ne
mettrait pas fin à l’occupation israélienne. Les Etats-Unis
seront amenés à moins d’un miracle, à faire barrage par un veto
dont on peut s’interroger avec le temps et les mutations rapides
du monde sur sa pertinence. C’est une occasion unique de
redonner justice à ce peuple palestinien qui n’a connu que la
guerre depuis près d’un siècle et qui accepte de vivre sur moins
de 20% de la Palestine originelle.
1. Comment Washington a tenté de faire obstacle. Plomb durci
Nouvel Obs. 22.04.2011
2. L’Etat palestinien, c’est maintenant! appel Le Monde 29 avril
2011.
3. Sarah Diffalah Interview d’Ofer Bronchtein, Nouvelobs.com 22
avril 2011
4. Etat palestinien: l’appel des intellectuels israéliens Nouvel
Obs 20.04.2011
5. P. Le Hyaric http://humanite.fr/
28_04_2011-un-pas-historique-pour-la-palestine-471029
6. Dr Zvi Tenney: http://www.terredisrael. com/infos/?p=34379 28
avril 2011
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz
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Publié le 2 mai 2011 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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