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IRIS

États-Unis : quelle place pour la politique étrangère dans la campagne électorale présidentielle ?
Charlotte Lepri


Charlotte Lepri - Photo IRIS

IRIS, 3 octobre 2007

On a souvent reproché aux Américains de ne pas assez parler de politique étrangère durant les campagnes électorales, alors que par ailleurs, ceux-ci revendiquent leur leadership sur la scène internationale. L’élection présidentielle de 2008 risque de contredire cette critique: plus que dans toutes les élections présidentielles qui ont précédé, la politique étrangère sera un enjeu central de la campagne électorale aux Etats-Unis.

Les questions de politique étrangère avaient déjà largement animé les débats lors des élections de mi-mandats en 2006 (principalement au sujet de la Guerre en Irak), et les candidats aux primaires sont d’ores et déjà énormément sollicités sur ces questions. La présidentielle pourrait même se gagner sur les questions de politique étrangère et de sécurité nationale. Toutefois, ces enjeux, s’ils sont pris en considération, restent majoritairement connectés aux préoccupations quotidiennes des Américains au niveau national : inflation, emploi, approvisionnement et prix de l’essence, vie des soldats en Irak, etc. La Guerre en Irak et la lutte contre le terrorisme risquent plus que tous les autres enjeux de marquer les clivages partisans. La situation en Irak, épineux dossier que le Président Bush souhaite léguer à son successeur, polarise le débat plus que toute autre question de politique étrangère. Mais si les Démocrates focalisent leur campagne sur « Ending the Iraq war » [1] (et moins sur Al-Qaïda et le terrorisme), les Républicains, de leur côté, font de la lutte contre le terrorisme la première des priorités (et s’attardent moins sur la situation en Irak).

Deux grandes tendances de politique étrangère semblent aujourd’hui émerger dans la campagne électorale américaine.

D’une part, les candidats aux primaires doivent se positionner par rapport à la politique menée durant les huit dernières années (et surtout depuis le 11 septembre 2001). En conséquence, toute la question est de savoir si les candidats, démocrates et républicains, vont proposer des alternatives à la politique étrangère néo-conservatrice qui a largement dominé ces dernières années, ou s’ils vont afficher une certaine continuité.

Certaines grandes questions de politique étrangère divisent les candidats : le regain des alliances traditionnelles, l’Iran, la prolifération nucléaire, l’évolution de l’Armée, le maintien de l’aide à l’Afrique… Israël fait cas à part, puisqu’à l’unanimité, les candidats souhaitent assurer sa sécurité. Mais c’est autour de l’Irak que les électeurs risquent de déterminer leur vote. A cet égard, le positionnement des candidats républicains doit être suivi avec attention. Vont-ils se démarquer de la politique actuelle, désavouant par là même la politique du Président Bush ? S’ils ne le font pas, ils devront justifier la direction prise par la politique étrangère américaine ces dernières années. S’il le font, c’est alors sur le thème de la « rupture » que les candidats républicains devront s’appuyer.

De tous les candidats républicains, un seul, Ron Paul, a voté contre la Guerre en Irak en 2002. Tous les autres en furent de farouches défenseurs. John McCain, actuel Sénateur d’Arizona et déjà candidat aux primaires républicaines en 2000 contre George W. Bush, a été favorable à pratiquement toutes les lois sur la Guerre en Irak, et notamment à la stratégie de « surge » [2]. Voyant dans le récent rapport du Général Petraeus, Commandant des forces américaines en Irak, la validation de son slogan « No Surrender » (pas d’abandon), John McCain suggère même d’augmenter le nombre de soldats actuellement en Irak. Pourtant, McCain ne parle plus de George W. Bush. Depuis quelques semaines, aucun de ses discours ne fait référence à l’actuel président. Percevant l’impasse que serait une candidature qui épouse toutes les dimensions de la politique de Bush, McCain cherche à s’en distinguer, notamment par un « jusqu’au-boutisme » en Irak [3]

De son côté, Rudolph Giuliani, Maire de New York au moment des attentats en 2001, joue la carte du pragmatisme, adaptant son discours et sa pensée en fonction de son public. Il focalise sa campagne sur son point fort : la lutte contre le terrorisme. Il est sorti renforcé de son mandat de Maire à New York et mise tout sur son potentiel à combattre le terrorisme de la même manière qu’il a combattu la criminalité (en appliquant la théorie de la « vitre brisée », plus connue sous le nom de « tolérance zéro »). Membre de la Commission Baker [4], il s’en est retiré et a pris ses distances avant qu’elle ne délivre ses recommandations. Son équipe reste très proche des néo-conservateurs ; néanmoins, ses positions en termes de politique étrangère restent floues. Il est pour l’instant leader dans les sondages pour le camp républicain, suivi de près par Fred Thompson (acteur qui revendique des influences reaganiennes) et Mitt Romney (qui soutient une ligne dure concernant l’Iran, défend la politique de l’actuelle Administration en Irak, souhaite doubler les prisonniers à Guantanamo mais qui prône une politique étrangère non-partisane et la nécessité de discuter des grands enjeux en coopérant avec les autres nations).

Sur un point, les candidats républicains sont unanimes : la priorité du prochain président sera la guerre contre le terrorisme, un retrait des troupes d’Irak étant encore prématuré. Jusqu’à présent, les principaux candidats républicains restent fidèle au Président Bush. Mitt Romney a bien reconnu que l’Administration avait fait des erreurs, et que la victoire n’était pas garantie ; pour autant, il continue à vouloir financer la Guerre en Irak. Les candidats républicains semblent pour l’instant ne pas vouloir se détacher complètement de la politique de l’Administration Bush. Mais ont-ils vraiment le choix ?

On pourrait penser que la tâche est plus aisée pour les candidats démocrates de se distancier du bilan de la politique de l’actuelle Administration. Pourtant, ils ont pratiquement tous – à l’exception notable de Barack Obama – voté en faveur de la Guerre en Irak en 2002. La critique de la politique de Bush alors que celle-ci semble vouée à l’échec apparaît dès lors comme un peu trop facile. L’enjeu va donc être de proposer une réelle alternative démocrate tout en restant cohérent par rapport à des choix antérieurs.

Hillary Clinton, actuellement en tête des sondages des candidats démocrates, fait partie de ceux qui ont activement défendu les opérations militaires en Afghanistan et en Irak. Elle est aujourd’hui favorable à mettre fin à la guerre, avec un retour d’une partie des troupes américaines d’Irak – n’envisageant pas un retrait total pour pouvoir continuer à mener des missions de contre-terrorisme dans cette région afin d’assurer la sécurité nationale des Etats-Unis. Il faut toutefois noter qu’elle a été la dernière des principaux candidats démocrates à modifier sa position concernant cette guerre.

Barack Obama présente, quant à lui, une vision plus globale des grands enjeux, et propose des réponses dans un cadre plus multilatéral, misant sur la diplomatie plutôt que sur le tout militaire [5]. Barack Obama est très présent sur les questions de lutte contre la prolifération des armes (nucléaires ou non), d’indépendance énergétique et de changement climatique. Fervent opposant à la Guerre en Irak, il souhaite un retrait total des troupes pour 2013, tout en soulignant qu’il est difficile de faire des promesses sur un sujet aussi sensible. Mêlant les avantages (la force) et les inconvénients (l’inexpérience) de la jeunesse, Barack Obama talonne Hillary Clinton dans les sondages et a déjà collecté plus que tous les autres candidats à l’élection présidentielle (20 millions de dollars) pour financer sa campagne – élément tout aussi significatif que la place dans les sondages.

John Edwards, ancien colistier d’Al Gore, a su se maintenir dans le trio de tête grâce notamment à des positions plus tranchées : plus progressiste et plus critique sur la Guerre en Irak qu’il ne l’a été, John Edwards se distingue des deux favoris en se disant favorable à un retrait immédiat des troupes dans l’année. La Guerre en Irak serait selon lui responsable en partie du clash des civilisations qui existe aujourd’hui.

La deuxième grande tendance qui constitue aujourd’hui une dimension essentielle dans la campagne électorale américaine - en parallèle des questions de terrorisme et de Guerre en Irak -, est l’importance des questions internationales qui touchent le quotidien des Américains. Ces dossiers autrefois secondaires font désormais partie des « top priorities » des différents candidats : environnement, réchauffement climatique, lutte contre la pauvreté, préservation des emplois, approvisionnement en énergie,… Ces questions ont l’avantage de sortir des débats qui fâchent pour aller vers le consensuel. La recherche de consensus et d’unité est d’ailleurs très présente : « One America », « Restoring America’s standing in the world » sont des slogans très utilisés par les différents candidats. Pourtant, derrière des discours fédérateurs et pleins de bonnes intentions se cachent encore pourtant des vrais clivages, notamment par rapport au Protocole de Kyoto. John McCain et Fred Thompson ont exprimé leurs doutes quant à la gravité du changement climatique. Et les Républicains en général ne sont pas convaincus du rôle de l’homme dans le réchauffement de la planète, et préfèrent insister sur l’indépendance et l’efficience énergétique. En revanche, les Démocrates souhaitent que les Etats-Unis soient un exemple en termes d’effort de réduction pour les gaz à effet de serre. Barack Obama et Hillary Clinton sont particulièrement engagés sur ces questions.

En dépit de l’impopularité chronique de George W. Bush, tout est loin d’être gagné pour les Démocrates. Si des retraits de troupes d’Irak sont effectifs avant les élections, ils perdent un argument crucial de leur campagne. De plus, les Républicains jouissent toujours d’un avantage considérable : ils sont réputés plus compétents sur tout ce qui touche aux questions de défense. Mais même si une issue victorieuse était encore possible en Irak, les Etats-Unis ne pourraient pas remporter une guerre que leurs citoyens-électeurs ont abandonnée. Les électeurs ont en effet confirmé l’évaporation de leur soutien lors des élections de mi-mandat de novembre 2006. En réponse, des troupes supplémentaires ont été envoyées en Irak par l’Administration Bush a envoyé des en janvier 2007. A coup sûr, les électeurs seront plus vigilants et exigeants lors de la prochaine élection.

Charlotte Lepri est chercheuse à l’IRIS depuis 2007, spécialisée sur les questions de défense et de renseignement.

[1] « Mettre fin à la Guerre en Irak »

[2] Envoi de 30 000 hommes supplémentaires en janvier 2007

[3] John McCain répète dans presque tous ses discours: « I would rather lose a campaign than lose a war » (Je préfère perdre une campagne que perdre une guerre)

[4] Groupe de travail sur l’Irak.

[5] Il est par exemple favorable à une conférence régionale impliquant la Syrie, l’Iran et l’Irak pour trouver des issues de secours dans cette région. Barack Obama se dit également ouvert à des discussions avec la Corée du Nord ou Cuba sans précondition, position qui a conduit à une dispute avec Hillary Clinton lors d’un débat CNN/You tube en juillet dernier (Hillary Clinton considérait cette position comme « naïve »).



Source : IRIS
http://www.iris-france.org/...


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