Scénario 1
La nation connaît sa 5e élection relativement
serrée de suite. Finalement, Barack Obama l’emporte nettement.
Le Collège électoral (grands électeurs, ndt) est conforme au
suffrage populaire, ce qui signifierait en gros une victoire d’Obama
de 52% contre 46%, Barr et Nader se partageant les 2% restants,
et 350 voix au moins du collège électoral pour le ticket
démocrate (il en faut au moins 270 pour gagner, ndt). Dans le
discours où il reconnaît sa défaite, McCain n’accuse pas les
médias et tend la main à Obama. Pendant la période de transition
(le Président élu ne prend officiellement ses fonctions qu’en
janvier, ndt), Obama rend la pareille à McCain en lui offrant un
poste ministériel. Le jour de l’intronisation, Sarah Palin
annonce sa candidature pour l’élection de 2012.
Scénario 2
McCain refait son retard et coiffe Obama sur
le fil, disons par 49,5 à 48,5. Il remporte de justesse la
Pennsylvanie et la Floride, et gagne l’Ohio par la même marge,
comme George W. Bush en 2004. Obama n’évoque ni la fraude ni le
racisme pour parler de cette défaite inattendue. McCain, dans
son discours de victoire, offre publiquement à Obama le poste de
secrétaire d’Etat, qu’il définit comme « Ambassadeur auprès du
monde ». Hillary Clinton, qui clame que ce poste officieux
revient à son mari, annonce sa candidature à la présidentielle
de 2012 avant la fermeture des bureaux de vote à Hawaï, où est
né Obama.
Scénario 3
Obama, comme Ronald Reagan en 1980, s’attire
le soutien enthousiaste des membres de son parti, convainc les
indécis du dernier moment, et prouve qu’il attire les
primovotants, dont de nombreux jeunes afro-américains qui sont
allés voter pour la première fois. En outre, Obama attire un
nombre record de suffrages des Noirs, et le soutien de toutes
les minorités. Le résultat de l’élection prouve une fois de plus
l’érosion du Parti républicain en Nouvelle-Angleterre et sur la
côte Est en général, ainsi que dans les Etats autrefois
« démocrates reaganiens » du Middle West. Inversement, les
démocrates renaissent dans les Etats de l’Ouest comme le
Nouveau-Mexique et le Nevada, et grignotent dans des terres
difficiles, comme la Virginie et le Dakota du Nord. McCain perd
même dans « son » Etat, l’Arizona. La nouvelle carte politique
qui émerge mercredi fait ressembler le Parti républicain à un
parti régional, qui n’attire plus que le Sud profond et quelques
poches des montagnes de l’Ouest. Pire, le résultat révèle aussi
un ghetto démographique : les Républicains sont devenus le parti
des conservateurs sociaux et des Blancs âgés, exclusivement. Son
avenir en tant que parti est en question. Scénario de fin du
monde pour le Parti républicain.
Scénario 4
Obama remporte le vote populaire haut la
main, mais perd de peu dans le Collège électoral. Ce phénomène
s’est déjà produit en 2000, mais un tel résultat cette année
ferait, en comparaison, ressembler le recomptage des voix de la
Floride en 2000 à une plaisanterie. Car Al Gore avait remporté
le suffrage populaire de 500 000 voix sur 151 millions. Cette
fois, les chiffres pourraient être encore plus non
démocratiques. Ce résultat reviendrait à priver une majorité
claire d’Américains de ses doits civiques et provoquerait de la
colère, potentiellement explosive. Certains leaders
afro-américains ayant une prédilection pour les théories du
complot, des militants démocrates, et la blogosphère de gauche
en colère proclameraient immédiatement que l’élection a été
volée. Les médias répercuteraient ces arguments. L’importance de
la victoire d’Obama dans le suffrage populaire saperait
l’accession de McCain au pouvoir. Cela pourrait se passer de la
manière suivante :
Supposons qu’Obama remporte la Californie et ses 55 grands
électeurs, et New York (31 grands électeurs), chacune par 1,8
million de voix d’écart, ainsi que son Etat de l’Illinois (21)
par 1 million de voix d’écart. En se fondant sur les résultats
de 2004, ces chiffres sont tout à fait imaginables. De son côté,
McCain remporte la Floride, l’Ohio, le Missouri et la
Pennsylvanie par des marges étroites (50 000 à 100 000 voix), et
le Texas de manière confortable, mais non par un raz-de-marée,
disons 500 000 voix. Ces sept Etats donneraient à McCain une
légère avance en nombre de délégués (113 à 107), alors qu’en
termes de suffrages populaires, le ticket républicain aurait
près de 4 millions de voix de moins que le ticket démocrate. Il
serait difficile de reaire ce retard dans les autres Etats. Jour
noir pour les Démocrates, et cela affecterait tous les
Américains. En effet, outre le chaos politique, cela
engendrerait :
a) quatre années de sentiment très lourd dans ce pays
b) une perte rapide du prestige des Etats-Unis dans l’opinion
mondiale
c) la fin du système du Collège électoral.
Il est possible que système du Collège
électoral ait vécu, mais, quelle que soit votre opinion
politique, un tel résultat serait terrible. Alors, levons nos
verres ensemble et buvons en espérant un résultat clair pour
demain, dans un sens ou dans l’autre.