Opinion
Les États-Unis,
terre de prisons et de répression
Capitaine
Martin
Jeudi 21 février
2013
Les États-Unis, l’État qui se considère
depuis longtemps comme un exemple de
liberté et de démocratie, détient depuis
longtemps un record que les autres pays
ne sont pas prêts de leur disputer : on
y emprisonne plus que dans n’importe
quel autre pays du monde. Les personnes
résidant aux États-Unis représentent
seulement 5 % de la population mondiale
: parmi celles-ci,
2,4 millions sont des détenue-e-s,
soit le quart de la population totale
des prisonniers à l’échelle du globe.
La population carcérale y a augmenté de
700 % entre 1970 et 2005, mais
l’augmentation la plus significative
concerne les profits liés au secteur des
prisons privées : + 1.600 % entre 1990
et 2009. Il n’y avait avant 1980 aucune
prison privée à but lucratif, mais de
telles sociétés ont usé ces trois
dernières décennies de leurs énormes
profits pour peser sur la vie politique
étasunienne et accélérer la croissance
de cette part singulière de marché.
Les déclarations faites par la «
Corrections corporation of America (CCA)
», la plus grosse entreprise
mondiale du secteur carcéral, montrent
l’intérêt de la société pour le maintien
par le gouvernement de mesures
juridiques draconiennes qui contribuent
à un taux d’incarcération massif : «
notre croissance dépend de notre
capacité à obtenir de nouveaux contrats…
Tout changement législatif relatif à la
drogue ou à l’immigration clandestine
par exemple pourrait faire varier le
nombre de personnes arrêtées et
condamnées, et donc réduire d’autant le
nombre de places occupées dans nos
structures pénitentiaires ».
Dans un
article datant du 23 avril 2008, le
New-York Times affirmait que
l’emprisonnement systématique pour des
délits mineurs tels que payer avec un
chèque en blanc ou détenir de très
petites quantités de marijuana
expliquait ce taux d’incarcération
particulièrement élevé aux États-Unis.
En outre, les périodes d’incarcération y
sont beaucoup plus longues.
En 2010, au plus fort de la crise, les
deux plus grandes sociétés privées du
secteur carcéral, la CCA et le
groupe GEO, ont réalisé trois
milliards de dollars de bénéfices. Cet
argent, comme celui mis dans le
sauvetage des banquiers de Wall Street,
a été prélevé sur le compte des
contribuables à l’instigation des
politiciens, fédéraux ou d’État, et mis
entre les mains d’un nombre relativement
faible de dirigeants qui gèrent le
système carcéral privé. L’emprisonnement
de masse est devenu une source de
revenus colossaux, et la répression qui
s’exprime par le biais des arrestations
et des condamnations en est un
préalable. L’État se montre comme le
véritable auteur d’une réalité
économique qui marginalise toute une
partie de la population pour ensuite en
tirer profit.
Les minorités raciales et ethniques
continuent d’être représentées de
manière disproportionnée au sein du
système de justice pénale. 77 % de tous
les jeunes qui purgent une peine à
perpétuité sans possibilité de
libération conditionnelle sont des
personnes de couleur. En outre, pour la
première fois de toute l’histoire du
pays, les populations d’origine
latino-américaine représentaient en 2011
la majorité des prisonniers fédéraux aux
États-Unis, le gouvernement fédéral
ayant décidé d’accorder une attention
accrue aux poursuites en justice des
immigrants illégaux. En 2004, au niveau
national, la moitié des détenus étaient
desAfro-américains et 25 %
des Hispaniques.
Dans ces prisons, les programmes de
réhabilitation sont explicitement
présentés comme économiquement peu «
intéressants ». Rien d’étonnant à ce
qu’au moment de leur libération, les
ex-détenus soient fondamentalement
privés de toute capacité à retrouver un
emploi. Ce qui favorise la
marginalisation sociale en augmentant la
probabilité que les ex-détenus
retournent à plus ou moins long terme
dans l’enfer carcéral… au plus grand
profit du lobby des prisons.
Les profits de l’infâme système carcéral
révèlent toute l’exploitation de la
partie la plus faible de la classe
ouvrière étasunienne. Aucune loi ni
réforme ne pourra changer quoi que ce
soit au problème car c’est le patronat
qui les écrit, et il le fait pour servir
le capital. Et les geôliers sont ses
fondés de pouvoir…
Capitaine Martin
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