Notre-Dame-des-Landes
Trois questions
qui fâchent autour de Notre-Dame des
Landes
Breizh journal
Notre-Dame
des Landes : une résistance qui alimente
toutes les rumeurs
Vendredi 9 novembre
2012 Depuis le début des expulsions le
16 octobre 2012 et de
l’investissement progressif, par les
forces de l’ordre, du site (la ZAD)
prévu pour le projet aéroportuaire de
Notre-Dame des Landes, le succès
inattendu de la résistance des occupants
juridiquement illégaux de la ZAD
alimente fantasmes et questions. Tout
comme l’attitude des forces de l’ordre
sur place. «
Ultra-gauche », nouvelle chouannerie
ou tyrannie de l’Etat oppresseur,
quelques questions qui fâchent autour de
Notre-Dame des Landes.
L’ultra-gauche
violente, c’est maintenant ?
Le très droitier ministre de
l’Intérieur Manuel Valls a qualifié les
opposants à l’aéroport de membres de
l’ultragauche, autrement dit
d’anarchistes autonomes, dans le but de
les décrédibiliser dans l’opinion
publique. Alors, certes, il y a des
anarchistes autonomes sur le site. Des
hippies même, des cheveux longs, des
piercings. Mais ce n’est pas parce
que l’on met une benne de poireaux dans
le lac Léman qu’il est transformé en
soupe. Autrement dit, il y a une
minorité d’activistes sur la ZAD qui
vient de l’ultra-gauche. Mais les
assimiler tous à cette origine militante
est un spectre réducteur qui nie le
soutien clé des paysans (ACIPA), la
présence de militants associatifs et
syndicaux, d’écologistes, voire même
d’une minorité sans cesse croissante de
gens qui ne sont pas engagés dans
d’autres combats sociaux, mais que
l’injustice et la démesure des
expulsions à Notre-Dame des Landes
conduit à se mobiliser activement.
La préfecture, plus mesurée,
mentionne la présence sur la ZAD d’une «
minorité d’activistes qui veulent en
découdre ». Les services du
renseignement l’estiment tout au plus à
«
un noyau dur d’une cinquantaine de
personnes très déterminées ». Il se
trouve cependant que la ZAD a depuis le
début choisi un mode de résistance
pacifique qui vise plus à retarder la
progression des forces de l’ordre qu’à
s’y opposer physiquement et à main
armée. Chaque jour, sur la ZAD, les
forces de l’ordre utilisent des
flashballs en tir tendu, voire des
grenades lacrymogènes. Depuis le début
des événements, il n’y a eu qu’une
vingtaine de cas de jets de projectiles
(dont des légumes) à leur encontre,
d’après une source interne à la
gendarmerie, et deux cocktails Molotov
envoyés.
Alors effectivement, la ZAD a une
coordination extérieure, un site
d’information, des guetteurs, une radio
(AutoRoute FM piratée), une équipe
légale. Une organisation qui n’est pas
très différente de toute organisation
qui est en train de défendre un
territoire ou une cause. Dans les années
1980, personne n’est allé accuser la
population de
Neuvy-Bouin (Deux Sèvres) qui
s’opposait alors à l’installation d’un
centre d’enfouissement de déchets
nucléaires d’être aux mains de l’ultra-gauche.
Il y avait pourtant un collectif, des
militants venus de partout, des
guetteurs, un réseau de cibiches et une
occupation durable du site (réduit à un
grand champ, certes).
Pourquoi tant de policiers ?
Les médias qui ont couverts le
dossier ont presque tous pointé
l’importance du dispositif policier. Il
y a eu certains jours (notamment le 17
octobre avec la charge sur le Sabot) un
rapport de 10 policiers ou gendarmes
pour 1 opposant. Tous les travaux qui se
font sur le site de la ZAD sont protégés
par d’importants déploiements de forces
de l’ordre, comme
hier au Tertre où une pelleteuse et
deux camions-bennes étaient protégés par
une quinzaine de fourgons de gendarmes
mobiles soit 150 à 200 hommes.
Patrick Lapouze, directeur de cabinet
à la Préfecture, nous expose la
nécessité absolue de «
garder un rapport de force très
favorable aux policiers ». Cela a le
mérite d’être clair, «
les opposants sont susceptibles d’être
dangereux », donc les forces de
l’ordre sont en rapport avec leur
dangerosité putative. Au Ministère de
l’Intérieur, l’on se montre plus direct
encore. Un haut-fonctionnaire, sous
couvert d’anonymat, nous confie que «
la consigne, c’est de mettre le paquet«
. Pls cher que le paquet de cigarettes
le paquet de policiers a un coût, pointé
par Presse-Océan le 23 novembre :
500.000 € par semaine, 1 million d’€
compte tenu des traitements des forces
de l’ordre engagées.
Par ailleurs, la Préfecture invoque
le besoin de protéger les travailleurs
qui interviennent sur la ZAD, tels les
agents de la DDE qui ôtent les
barricades, l’entreprise qui désamiante,
celles qui louent les pelleteuses et les
camions-benne, les démolisseurs, les
agents ERDF, l’huissier, etc. « Tous
les gens qui sont venus sur la zone ont
déclaré ne plus vouloir y revenir sans
protection policière, et ce à cause de
l’ambiance d’hostilité terrible dans
laquelle ils interviennent »,
affirme P. Lapouze. Hostilité ? « Ils
reçoivent des projectiles, ils font face
à des militants déterminés qui veulent
en découdre » Ou tout simplement ils
sont mal à l’aise, comme cet agent de la
DDE que nous avons interrogé, sous
couvert d’anonymat « On nous demande
d’intervenir pour débarrer les routes et
permettre aux policiers de circuler.
Soit, et on comprend très bien que les
gens qui mettent ces barricades n’aiment
pas nous voir travailler. Mais ce qui me
gêne surtout, c’est que je suis d’ici,
et c’est un peu comme si j’aidais à
démolir la maison de mon voisin.
».Nombre d’agents sont donc pour des
raisons diverses, pressés de quitter la
ZAD au plus vite, ce qui explique qu’ils
négligent de prendre toutes les
précautions. Ainsi, le 24 octobre,
l’Inspection du Travail est intervenue
sur une déconstruction
au Liminbout. Les ouvriers, très
pressés de boucler leur travail et de
repartir, avaient omis de se protéger,
notamment en se munissant de harnais.
Un black-out médiatique ?
Du 16 au 18 novembre, en-dehors de la
ZAD, des relais idéologiques de certains
militants, comme Indymedia ou
Resiste.squat.net ou du site de la
coordination paysanne opposée au projet
(ACIPA), il n’y a eu que deux médias qui
ont vraiment couvert les événements.
7Seizh, en envoyant quelqu’un sur place
et surtout en recopiant les informations
du site de la ZAD. Le Flochington Post,
par celui de ses journalistes qui est le
plus proche par ses origines de
Notre-Dame des Landes, c’est à dire
votre dévoué serviteur. Baillonné sur le
Flochinton Post par un patron très
favorable à l’aéroport, et qui se
réjouissait de voir les forces de
l’ordre »passer sur la gueule »
des militants et paysans du cru, je
créais BreizhJournal pour continuer à
informer sur les événements.
Pour la quasi-totalité des médias
locaux et nationaux, un déploiement de
1.200 policiers en pleine campagne, des
violents combats, une charge pendant
trois heures dans la nuit contre une
cabane, tout cela fut moins important
que le match nul des Bleus contre
l’Espagne et l’écume de l’actualité.
Libé vint jusqu’à publier dans ses
colonnes que Pete Doherty, banni par la
SNCF de ses lignes suite à la
disparition d’un chariot de
marchandises, cherchait une voiture pour
l’emmener en stop à Toulouse. Etrange
jugement de l’importance de l’actualité
!
Le 18 octobre, une dépêche AFP
tombait. Reprise dans les principaux
médias, elle commençait par ces mots «
Barrages, barricades, gaz
lacrymogènes et cocktail molotov:
les abords de la commune de
Notre-Dame-des-Landes, où doit être
construit un aéroport d’ici 2017, ont
été le théâtre jeudi
d’une véritable « guérilla bocagère »
opposant 500 CRS et
gendarmes à environ 150 adversaires du
projet. » Un paragraphe
d’introduction, et tout un programme de
déformation de l’information. Puisqu’il
n’y avait pas 500 CRS et gendarmes sur
place, mais près de 1.200.
Ensuite parce que la guerilla n’avait
pas eu lieu jeudi seulement, mais avait
commencé mardi 16 octobre,
et avait vécu son point culminant le
mercredi 17 avec la charge contre le
Sabot. Enfin, les cocktail Molotov font
partie intégrante du combat, pour le
rédacteur bien inspiré (et lointain) de
la dépêche. Or, il n’y eut, du 16 au 19,
qu’un seul jet de
bouteille incendiaire. Il est clair
cependant qu’écrire « jets de
projectiles » ou encore « lancers de
légumes », plus avérés, n’aurait pas
cadré avec le but des rédacteurs de la
dépêche, condensé d’information prête à
consommer par des médias devenus relais
d’une information qu’ils ne perçoivent
plus. Le but était simple : faire passer
les opposants à l’aéroport pour des
séditieux et des fous dangereux, tout en
minimisant l’importance de l’effort
policier mis en place et la durée de
leur résistance.
Le 19 octobre, quelques médias
seulement avaient crevé le black-out.
ITélé, qui synthétisait rapidement un
sujet à partir du film produit sur
la lutte contre l’aéroport et des
événements. La radio Paris et Banlieues
(RFFP
106.3FM).
Reporterre, sur son site. Le Monde,
qui se risquait à une critique modérée
des méthodes. Ouest-France, qui
répercutait des informations diffusées
par la Préfecture.
RennesTV qui nous contacta et alla
sur place pour sortir un reportage sur
la résistance de la ZAD. Le
surlendemain, Rue89 embraya. Finalement,
avant la première semaine d’occupation
et l’article de Presse Océan qui
signalait le coût exorbitant et la
démesure de l’expulsion, il n’y eut
aucune réaction des médias nationaux. Au
grand dam de Dominique Fresneau, que
nous avions interrogé alors, et qui a
dénoncé les « consignes » reçues
par les rédactions des grands médias.
Difficile, quand on perçoit
30 à 40% de son budget des mains de
l’Etat de ne pas rester insensible à
certaines sollicitations. Alors, black
out médiatique ou amnésie journalistique
collective ? À vous de juger.
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