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Afghanistan :
La comédie électorale prend fin pour faire place à l'escalade
Bill Van Auken

Samedi 7 novembre 2009

Lundi, on a mis un terme au spectacle électoral qui durait depuis deux mois et demi en Afghanistan lorsque le président sortant du régime fantoche des Etats-Unis à Kaboul, Hamid Karzaï, fut déclaré vainqueur.

Le Comité électoral indépendant, un organe rempli de partisans de Karzaï, a rendu une décision accordant à ce dernier un autre mandat de cinq ans et annulant le deuxième tour qui était prévu pour le 7 novembre.

La décision fut prise un jour après que le principal rival et ancien ministre des Affaires étrangères de Hamid Karzaï, Abdoullah Abdoullah, s’est retiré de l’élection de second tour.

Abdoullah avait exigé que soient renvoyés les loyalistes de Karzaï sur le comité électoral, qui étaient profondément impliqués dans la fraude massive du premier vote tenu le 20 août, avant le deuxième tour. Karzaï a refusé.

Une commission électorale de surveillance formée par les Nations Unies avait découvert qu’un million de bulletins de vote supposément en faveur de Karzaï (un tiers du total de ses votes) avaient été truqués. On a aussi jugé que quelque 300.000 votes pour Abdoullah étaient faux. A l’issue du recomptage, l’avance de Karzaï était descendue tout juste sous la barre de la majorité absolue, ce qui, selon la constitution afghane, rendait nécessaire un deuxième tour électoral entre les deux meneurs.

Les Etats-Unis et leurs alliés ont aussitôt lancé une frénétique campagne pour forcer Karzaï à accepter un recomptage et se soumettre à un second tour avec Abdoullah. Le sénateur John Kerry, président du Comité des affaires étrangères du Sénat, a passé trois jours à harceler Karzaï pour qu’il accepte un deuxième tour électoral. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, était lui aussi présent à Kaboul.

Le premier ministre britannique Gordon Brown, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, l’envoyé spécial américain en Afghanistan et au Pakistan Richard Holbrooke ainsi que le secrétaire de l’ONU Ban Ki-moon ont tous contacté Karzaï pat téléphone, lui disant que le second tour était essentiel à la « légitimité » de l’élection et à son régime même.

Maintenant, à peine deux semaines plus tard, Washington et ses alliés insistent que l’annulation du deuxième tour est sans conséquence et que la sélection de Karzaï par son propre comité électoral trié sur le volet est tout à fait légitime.

Le président Barack Obama a appelé Karzaï pour le féliciter. Reconnaissant que l’élection avait été « compliquée », Obama a affirmé avoir dit à Karzaï qu’il « était temps d’entamer un nouveau chapitre ».

« Cela n’affecte pas, selon nous, la légitimité du processus », a déclaré un haut représentant de l’administration au Washington Post lundi. « Cela nous donne la chance de passer à une nouvelle étape en Afghanistan. »

On prépare le « nouveau chapitre » ou la « nouvelle étape » en Afghanistan à travers une importante escalade militaire où des dizaines de milliers de soldats américains supplémentaires seront déployés dans le but d’étouffer la résistance armée qui a crû jusqu’à occuper 80 pour cent du pays et qui lutte contre l’occupation menée par les Etats-Unis.

La seule utilité de l’élection était de donner une « légitimité » à cette escalade de la guerre de type coloniale de Washington.

Le caractère illégitime du vote, du point de vue du peuple afghan, était à prévoir. L’élection fut tenue dans des conditions d’occupation militaire par 100.000 troupes américaines et autres pour choisir un chef du gouvernement qui est totalement dépendant de l’appui de Washington pour sa survie. Il était interdit à tous les candidats qui s’opposaient à l’occupation de prendre part à l’élection.

La date pour le vote, le 20 août, fut imposée sur le régime de Karzaï en violation de la constitution afghane dans le but de donner du temps aux 21.000 troupes appelées en renfort par Obama en mars dernier pour qu’elles commencent à arriver. Il est venu trois mois après que le mandat de Karzaï ait expiré, remettant en question la légalité officielle du président à agir en tant que tel.

Pour ce qui est du vote lui-même, la signification des bulletins de vote frauduleux ne soutient pas la comparaison avec l’abstention de masse des électeurs afghans, 70 pour cent d’entre eux ne sont pas allés aux urnes.

L’administration américaine était très au courant qu’un deuxième tour attirerait encore moins d’électeurs, le tournant en une confirmation de l’illégitimité de tout le processus.

Le deuxième tour aurait requis le redéploiement des troupes d’occupations pour fournir la sécurité à un bassin plus petit d’électeurs, entraînant sans doute une autre hausse de morts et de blessés américains. Il y a toutes les raisons de croire que les Etats-Unis et leurs alliés n’ont jamais tenté de faire en sorte qu’un deuxième tour se tienne.

Plutôt, forcer Karzaï à accepter un deuxième tour servait de moyens pour enlever de l’importance au président fantoche et à le forcer à effectuer des négociations sur le partage du pouvoir avec Abdoullah. L’objectif était et demeure pour Washington d’assumer un contrôle encore plus direct du régime afghan pour paver la voie à une campagne de contre-insurrection intensifiée.

Ces négociations ont continué jusqu’à samedi soir, les représentants d’Abdoullah demandant une part des avantages de l’Etat dans la forme de ministères et de postes. Karzaï a cependant reculé, insistant qu’il irait de l’avant avec le deuxième tour.

Les manœuvres de partage du pouvoir étant à un point mort, il semble que les responsables américains sont intervenus, tentant de faire en sorte qu’Abdoullah se retire de la course et que le deuxième tour, lui-même, soit annulé.

Maintenant, les responsables américains insistent que Karzaï doit gagner de la « légitimité » en réformant son régime et en luttant contre la corruption. Obama a dit qu’il avait mis l’accent avec Karzaï que la preuve de son engagement envers de tels efforts « ne sera pas en mot, mais en action ».

La personnification de la corruption qui traverse le régime est le frère du président, Ahmed Wali Karzaï, le chef du gouvernement provincial à Kandahar, qui a été accusé de jouer un rôle central dans le commerce de la drogue qui est en pleine expansion au pays. Comme le New York Times l’a révélé la semaine dernière, il est aussi un atout clé des services de renseignements centraux américains (CIA), qui l’a placé sur sa liste de paie. Ses services à l’agence incluent l’organisation d’une « force de frappe » locale utilisée pour assassiner des terroristes soupçonnés et l’approvisionnement d’établissements dans la province pour les agents de la CIA.

L’occupation américaine a été la force qui a le plus corrompu l’Afghanistan. Depuis le début, l’occupation a reposé sur des gens comme Karzaï, renforçant le pouvoir des seigneurs de guerre corrompus impliqués dans le massacre qui a pris place dans le pays dans les années 1990.

Le trafic des narcotiques a augmenté de façon très importante depuis que les Etats-Unis ont envahi le pays en 2001. Le ministre afghan responsable de la lutte contre le trafic de la drogue, le général Khodaidad Khodaidad a indiqué récemment que le gros du trafic passait par deux provinces sous contrôle des Etats-Unis et de l’OTAN.

Le New York Times a rapporté dans son édition du lundi 2 novembre que des hauts responsables de l’administration avaient été « dégoûtés » par la fraude électorale en Afghanistan. « Comment peut-on considérer envoyer des dizaines de milliers de soldats américains en renfort, ont-ils demandé dans des rencontres à la Maison-Blanche, dans le but de soutenir le gouvernement afghan considéré comme illégitime par une bonne part de la population ? »

C’est évidemment une question que se posent les travailleurs américains qui devront assumer le coût de cette escalade.

En réalité, toutefois, le régime Karzaï est une création de la politique américaine en Afghanistan. Karzaï lui-même a été choisi avec soin par Washington et a été nommé président seulement grâce à l’invasion américaine en 2001. Il a gagné la première élection de 2004, organisée par les Américains, qui a aussi été l’objet d’une fraude électorale de grande ampleur.

Des dizaines de milliers de soldats supplémentaires seront envoyés en Afghanistan, non pour soutenir le gouvernement marionnette de Kaboul ou pour faire la chasse à al-Qaïda. Le but de l’occupation est la défense des intérêts géostratégiques de l’impérialisme américain.

Le porte-parole pour la Maison-Blanche Robert Gibbs a dit lundi que la décision d’augmenter le nombre de soldats déployés en Afghanistan sera annoncée au cours « des prochaines semaines », ajoutant qu’il ne pouvait pas garantir que cela se fera avant le 11 novembre, date à laquelle Obama amorce une tournée de l’Asie de neuf jours.

Anthony Cordesman, spécialiste de la stratégie militaire du Center for Strategic and International Studies (CSIS) et conseiller du général Stanley McChrystal, le commandant américain en Afghanistan, a écrit sur le site web de CSIS qu’il fallait qu’Obama explique franchement au peuple américain qu’il y a escalade de la guerre en Afghanistan.

Obama, a-t-il écrit, doit expliquer que « dans le meilleur des cas, il est peu probable que l’insurrection et la menace terroriste pourront être entièrement défaites en Afghanistan et au Pakistan au cours de la prochaine décennie ».

Cordesman continue : « Il doit préparer les Etats-Unis et le monde à accepter le fait que le niveau présent des pertes des Etats-Unis, de ses alliés, de l’Afghanistan et du Pakistan va presque certainement doubler, et probablement plus que tripler, avant qu’une situation ressemblant à une victoire émerge. »

Il a ajouté qu’Obama « doit arrêter de prendre la voie de la facilité qui consiste à se concentrer sur le terrorisme international » et dire au peuple américain comment les guerres que mènent les troupes américaines « viennent toucher aux défis plus larges de l’instabilité régionale à l’Ouest, au Nord et à l’Est ».

En d’autres mots, la guerre en Afghanistan et son intensification ne vise pas l’éradication d’al-Qaïda. Plutôt, cette guerre vise à projeter la puissance militaire américaine dans la région stratégique et riche en ressources énergétiques de l’Asie centrale pour y contrecarrer l’influence de l’Iran, de la Russie et de la Chine.

Obama, a aussi écrit Cordesman, doit donner l’avertissement que « toute forme de victoire en Afghanistan et au Pakistan sera une partie d’une lutte plus large et plus longue » qui « continuera pour une durée indéterminée ».

Que signifie ces conseils du stratégiste et expert militaire ? Une année après l’élection d’Obama en tant que candidat du « changement », prenant le pouvoir en large mesure à cause du sentiment anti-guerre existant dans de larges couches de la population américaine, il se prépare une escalade importante du nombre de morts en Afghanistan et au Pakistan en tant que partie d’une guerre sans fin et gagnant continûment en ampleur.

(Article original anglais paru le 3 novembre 2009)

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Publié le 7 novembre 2009 avec l'aimable autorisation du WSWS



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