La victoire, historique, de la
gauche aux élections sénatoriales
soulève de multiples questions à
sept mois de l’élection
présidentielle. Pour la première
fois sous la Ve
République, la droite républicaine
n’a plus la majorité au Palais du
Luxembourg. Au-delà de ce fait, il
convient de s’interroger sur
l’évolution du Sénat,
traditionnellement considéré comme
moins directement lié aux positions
partisanes que l’Assemblée
nationale, et de ce fait plus en
retrait des joutes politiques. Le
Sénat pourrait ainsi devenir un
véritable contre-pouvoir, et ses
prises de position au cours des
dernières années, non aligné sur les
choix de l’Exécutif, semblent
confirmer cette orientation. Le
Sénat français pourrait ainsi
progressivement devenir une
composante du pouvoir parlementaire
qui compte non seulement pour le
pays mais aussi pour les partis
politiques. En ce sens, il
évoluerait vers un rôle qui le
rapprocherait du Sénat des
Etats-Unis, soulevant une nouvelle
fois la question de
l’américanisation de la vie
politique française.
Les Etats-Unis sont régulièrement
cités comme exemple ou repoussoir
par la classe politique française, à
la fois dans les programmes
politiques et dans la pratique, à
tel point que l’on peut s’interroger
sur une américanisation de la
politique française. Cette tendance
s’est cependant amplifiée ces
dernières années, en particulier à
l’occasion des échéances
électorales. Déjà en 2007, le
facteur américain joua un rôle
important dans la campagne
présidentielle. Les candidats se
positionnèrent par rapport à
Washington, offrant aux électeurs
une véritable grille de lecture, à
la manière d’un référendum. Mais
c’est surtout dans l’utilisation des
médias, l’importance de l’image et
l’accumulation de slogans (tels que
« travailler plus pour gagner
plus », ou « la France présidente »)
que cette américanisation de
l’élection présidentielle fut très
nette.
Après l’administration Bush en
2007, c’est aujourd’hui au tour de
l’administration Obama d’être
scrutée par la classe politique
française. Le président américain,
qui fait quasiment l’unanimité, est
ainsi régulièrement pris comme
exemple, et son image est l’objet de
toutes les convoitises. Les
candidats se prennent à rêver d’être
le Barack Obama français, et
d’incarner un nouveau souffle
politique. Mais à cet égard, notons
que la personnalité du président
américain joue un rôle considérable,
puisque cet effet d’identification
se retrouve dans de nombreux autres
pays, et n’est pas limité au cas
français.
La principale caractéristique de
l’américanisation de la politique
française est qu’elle ne porte pas
tant sur les débats d’idées que sur
le style et les mécanismes de
désignation des candidats et de
pouvoir. Pour la deuxième fois
consécutive, le parti socialiste
organise des Primaires qui
désigneront son candidat. Mais cette
initiative, inédite en 2007, fut
cette fois reprise par EELV, et est
souvent évoquée pour départager les
hypothétiques candidats du centre.
Ont peut imaginer que, en l’absence
du président sortant Nicolas
Sarkozy, ce principe serait
également évoqué à l’UMP, et
certaines voix s’élèvent déjà pour
organiser ce type de scrutin avant
les élections de 2017.
La bipolarisation de la vie
politique est également fortement
ancrée dans les mentalités
outre-Atlantique. Elle n’en est pas
moins une tendance en évolution en
France, en particulier au cours des
dernières années, en grande partie
en réponse au résultat du premier
tour de l’élection présidentielle
2002. La possibilité de voir émerger
une troisième force est souvent
anéantie par ce phénomène, et la
tentation d’un « vote utile » qui a
pour effet de renforcer cette
bipolarisation. Il s’agit cependant
d’une américanisation de la
politique française qui n’a a priori
pas lieu d’être, en raison du
scrutin à deux tours (qui n’existe
pas aux Etats-Unis). Cette
bipolarisation se traduit, comme aux
Etats-Unis par des dépenses de
campagne très importantes, et il
s’agit là d’un autre aspect de
l’américanisation de la politique
française : le poids de l’argent
dans l’élection. Enfin, l’apparition
du quinquennat est une autre marque
d’américanisation. En proposant que
la durée du mandat présidentiel
passe de sept à cinq ans, Jacques
Chirac n’a pas uniquement fait
évoluer la fonction présidentielle
vers un principe de « campagne quasi
perpétuelle », comme aux Etats-Unis.
S’est imposée, presque
naturellement, l’idée selon laquelle
il serait déplacé de cumuler trois
mandats consécutifs. Il s’agit d’une
pratique politique qui vient
directement de Washington. Si on
ajoute à cela le fait que l’élection
présidentielle est désormais en
France proposée presque
simultanément avec une élection
législative, afin d’éviter des
situations de cohabitation, on
retrouve là encore une pratique très
américaine qui impose de nécessaires
interrogations sur l’américanisation
de la politique française, et ses
conséquences.
Si on replace ces différents
éléments très « américains » dans le
contexte des Primaires du parti
Socialiste, on relève plusieurs
enseignements. D’une part, les
Primaires deviennent une élection
dans l’élection (comme le fut
l’opposition Barack Obama – Hillary
Clinton en 2007-2008), et pas
simplement un processus de
désignation interne à un parti
politique. Exposition médiatique
(très forte), campagne sur le
terrain, opposition de projets et
même coups bas sont de rigueur, là
où une désignation interne à un
parti pourrait se faire à l’occasion
d’un congrès ou dans le cadre des
universités d’été. D’autre part, la
primaire elle-même se bipolarise,
avec l’opposition de deux
concurrents principaux, et un
arbitrage plus difficile des autres
candidats (une tendance également
constatée lors des Primaires
d’EELV). Enfin, cette bipolarisation
de la politique française fait de
cette primaire une sorte de premier
tour, le vainqueur étant en position
de se qualifier pour le second tour
de l’élection présidentielle, et se
positionne même comme un favori, au
regard des sondages d’opinions
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Publié le 6 octobre 2011 avec
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